Ce matin, le ciel avait une lumiere brillante doree, d'un soleil qui se liberait d'une nuit de pluie qui avait donnee sa senteur riche a la terre, soulagee de savoir sa soif etanchee apres une ete de secheresse et inquietantes incendies dans les forets abondantes de Washington State. La lumiere pale refractee etait agreable, apres m'etre reveillee avec la sensation bizarre d'etre sur une autre planete, a cause d'un silence un peu inquietant, l'absence des chants des oiseaux, qui etaient peut - etre encore endormis, apres la surprise de la pluie hier soir. Je me sentais dans un univers parallele, ou je n'existeais plus. Ce qui m'a fait penser a ces mots du poete libanes - americain, Kahlil Gibran (1883 - 1931): "Beaucoup d'entre nous passent toute notre vie fuyant les sentiments, sous l'impression erroneuse qu'on ne peut pas en supporter la peine. Mais tu en a deja souffert la peine. Mais ce que tu n'as pas encore fait est sentir tout ce que tu es au - dela de cette peine." On sait que les personnes qui ont le coeur et esprit artistique - poetique, savent se defendre avec l'armure de la rebellie. Ceci n'est pas au hazard, car cet acte de choisir la rebellie demande beaucoup de courage, ce que la Kabylie sait trop bien. La rebellie n'est pas une reaction de temperament, elle est un acte de la volonte, de trouver la force interieure pour se forger un chemin souvent difficil, meme parfois dangereux, mais qui a la fin est inevitable si on veut vivre la vision, le destin ne pas comme un robot, mais comme une personne libre, qui insiste sur le droit de manifester son identite, l'appel de sa muse, de sa conscience, de ce desir de s'exprimer l'appel de ses visions, de ses inspirations. C'est le destin des poetes, des chamans, des guerriers pour la justice, pour la paix, pour un monde meillieur. Se forger un chemin avant ne pas visible, ne pas connu, est dur, et me rappelle aussi les mots du poete autrichien moderniste, ce rebelle qui savait embrasser l'abime de la solitude et de l'enigme de la vie et de la mort: Rainer - Maria Rilke (1875 - 1926) qui a dit, dans sa fameuse correspondence a un jeune poete de 19 ans, Franz Kappus, "Lettres a un Jeune Poete", publiees en 1929, qui couvre des lettres entre les deux poetes pour 5 ans, entre 1903 - 1908: "Laisse tout t'arriver. La terreur et la beaute. Aucun sentiment est trop distant". La phrase en allemand, la langue dans laquelle Rilke ecrivait, est "Kein Gefuhl is das fernste", le mot "fernste" voulant dire "le plus loin, le plus distant". Ce qui exprime tres bien cette idee d'aller aussi loin que possible dans le monde des explorations de l'esprit, des emotions du coeur, pour rendre assez fort la volonte de vivre a son plein potentiel et a ses promesses de nos dons, de nos talents de qui leur but est de les voir epanouis, pour les partager, les donner librement, ouvertement. La nature est dans ce sens, souvent le guide, qui nous laisse savoir la direction dans les moments exigeants, frustrants et qui nous accompagne les demandes ne jamais tres loin de la solitude qui parait inevitable quand on suit le sentier vers la liberte d'une vie authentique, loin des bruits des illusions et leurs armees de metamorphes insatiables. Le poete libanes - americain Kahlil Gibran (1883 -1931) parle souvent de la mer, du sable, de l'espace du firmament pour exprimer le langage de ses visions spirituelles - philosophes, comme dans sa collection d'aphorismes, "Le Sable et l'Ecume": "Je marche eternellement sur ces rives entre le sable et l'ecume La maree haute effacera mes empreintes Et le vent soufflant enlevera l'ecume." Le mystique - poete Sufi perse Jalal al - Din Muhammad Rumi ( 1207 - 1273), aussi savait donner un contexte universel et intemporel a la sagesse de ses inspirations. C'est Rumi qui a dit: "On ne peut toucher le ciel qu'avec le coeur." Le poete autrichien Rainer - Maria Rilke aussi trouvait beaucoup d'affirmation pour ses convictions, dans la sagesse de la nature: "Si tu resteras proche a la nature, a sa simplicite, a ses phenomenes meme petits et parfois a peine visibles, ces choses soudainement deviennent grandes, immesurables." Je pense a tous mes poemes qui celebrent la nature en Kabylie, ses vastes montagnes, et la voix de ses esprits, de son ciel, de ses nymphes de ses cascades, de ses rivieres, de sa lune, de ses etoiles, de Neptune et ses sirenes qui m'appellent vers ses rives, vers ses chants, ses memoires. Pour moi, le coeur kabyle et son esprit resistant, sont le tambour qui m'eveillent les jours pleins de promesses pour ma muse depuis 2017, quand le destin m'a introduit a l'Algerie et la richesse de son histoire, de sa culture berbere. Le chagrin de me savoir depuis 2019 loin des rives de la Kabylie, me forcent d'apprendre le savoir de poetes legendaires, comme Rumi, Gibran et Rilke: de pousser au - dela du tolerable, de laisser le feu du manque ouvrir le bois brulant de mon esprit, de mon coeur, vers le centre de cette energie de la volonte, qui sait transformer la solitude et ses demandes dans une source d'inspiration purifiee, ne plus limitee par les irritations que causent les illusions, les distractions d'un monde vide, sans ame. La sensation nauseabonde de me sentir transportee vers un univers parallele ou je n'existeais plus, etait effrayant, a un niveau affectif, mais je comprends qu'il me faut traverser ce couloir froid, seul, pour briser ce qui reste de ce mur d'une solitude implacable de qui son ombre la Kabylie et son esprit a su briser. Comme dit Rilke, pour la plupart, on est comme etre humain, seul, car peu sont les personnes qui nous voient, entendent et comprennent le monde interieur. Les cultures qui ont un sens fort de la communaute savent adoucir cette verite, sa realite qui peut etre dure, malgre tous les efforts de traditions et reunions qui celebrent la joie de savoir vaincre la distance qui separe les coeurs et les esprits dans cet enigme qui est la vie. C'est dit que les cultures ou les personnes sont les plus heureuses, sont celles de la region de la Mediterranee, dont la culture de la Kabylie fait partie, et je le crois volontiers. Se savoir membre d'un peuple qui a un coeur et esprit genereux, resistant et chaud, ajoute une mesure de confiance, de dignite, d'appartenance solide, qui sont un soutien dans les moments durs, et une joie dans les bons moments de la vie et ses caprices et defis. C'est pour cette raison que la punition du banissement est le plus severe dans les cultures de traditions anciennes. Etre seul, invisible, la torture de l'exile, car l'etre humain est un etre social, qui aime se voir son ame refletee dans la presence, l'amitie et la tendresse, d'une famille, d'un clan d'amis, d'egaux. Toute une vie d'exile culturelle - sociale m'a appris cette dure verite. Me savoir la seule personne de ma famille - de moi, un frere et deux soeurs - tous les trois plus jeunes que moi et nos deux parents - qui est encore en vie, est une solitude etrange, vivant dans ce pays immense qu'est les Etats Unis, de qui son coeur n'arrive pas a trouver une expression libre des pieges du compromis troublant. Cela m'a mis le coeur flamand dans une prison invisible au monde, de qui ses murs etaient suffoquants. C'est la Kabylie qui m'a donnee la force de briser mon isolation, et c'est quand je sens la peine de son absence que les ombres et les fantomes d'un passe lourd viennent pour se moquer de mon espoir, de mon courage. "Laisse tout t'arriver", disait le poete Rainer - Maria Rilke. Et bien, ceci n'a pas ete un probleme. J'essaie toujours d'eviter dans des reunions avec des amis ici, les conversations autour de famille. Des questions comme: et toi, tu as de la famille ici? Des parents, des freres et soeurs? Je reponds souvent que je ne veux pas deprimer l'ambiance, car ce n'est pas une heureuse histoire. C'est troublant de s'imaginer de repondre avec la verite sombre: "Et bien, j'avais deux soeurs, la plus jeune souffrait de la depression bi - polaire, et s'est suicidee a l'age de 35 ans. Elle s'est pendue. Mon autre soeur avait un mari et deux enfants de 8 et 6 ans, et elle est morte d'un cancer a l'age de 44 ans. Mon frere, qui allait devenir grandpere de deux petits enfants, est mort de complications du COVID il y a 5 ans, sans savoir qu'il allait etre grandpere. Il avait 61 ans. Ma mere est morte du cyrrhose du foie, il y a 17 ans, et elle avait jetee dehors a mon pere 7 ans avant sa mort, car il souffrait de la demence et elle voulait se debarrasser de lui. Il est mort seul et triste, loin de moi et mon frere, et je n'ai meme pas pu lui dire adieu." Ce n'est pas une conversation qui anime. Donc, je ne dis rien, sauf si c'est inevitable. Mon mari et mon fils et juste quelques personnes ici connaissent l'histoire, et on n'a pas besoin de la revisiter que rarement. Comme c'est la Kabylie qui m'a donnee ma voix de poete, l'energie guerisante de mes inpsirations litteraires et artistiques, je la vois comme ma famille de coeur, qui m'accepte avec mes blessures, mes traumes, et qui m'embrasse, au lieu de me juger, mepriser. Hier matin je me sentais comme avoir le mal de debarquement, suite de cette sensation du risque de devenir invisible a nouveau, si les rives de la Kabylie s'eloignent imperceptiblement. Je prefere ne pas trop y penser. Je prefere penser aux mots pleins de conviction et espoir de Rainer - Maria Rilke, quand il conseille au jeune poete Franz Kappus, dans la IVeme lettre a lui, dans la collection publiee "Lettres a un Jeune Poete" (1929) : "Crois dans un amour qui se garde pour toi tel un heritage, et crois que dans cet heritage, il y a une force et une benediction si grande, que tu peux y voyager aussi loin que tu veux, sans devoir quitter son espace." Ceci est pour moi le plus beau regal que la Kabylie m'a donnee: me savoir liee a elle, n'importe la distance, n'importe les defis de sa part, ou de la mienne. C'est quand cette joie et sa chaleur se mettent dans mon coeur de poete liberee, que les monstres et leurs grimaces sur cette plaine cruelle de la solitude, comme etre prisonniere d'un univers parallele hostil, fuient, et je me sens inondee de la flamme du bonheur de la tendresse kabyle et sa generosite, son regard ancien, benevolent, charitable, du pays de l'Algerie et ma Kabylie, ma muse, ou vivent les hommes, femmes et enfants libres, pour qui je chante d'ici mes poemes sur les melodies et notes que m'inspirent les voix et les sourires des Imazighen de l'Afrique du Nord.
Trudi Ralston
L'information sur les vers et pensees des poetes Kahlil Gibran, Jalal al - Din Muhammad Rumi, et Rainer - Maria Rilke, courtoisie de Wikipedia.