Le silence a tants de manifestations, qui creent chaque une des melodies que garde le coeur et ses memoires, ses experiences, qui restent inaudibles pour le monde exterieur. Mon pere avait un interet precis dans les objets anciens, surtout ceux des cultures amerindiennes de la region Sud - ouest des Etats Unis. Lui et ma mere avaient une maison tout pres de la reserve de la tribu Navajo, dite Dine dans l'etat d'Arizona, apres avoir vendue la maison en Flandres ou j'ai grandie. Il avait aussi une fascination pour la culture amerindienne Hopi, de qui leur reserve etait au milieu de la reserve Navajo. Les Hopi sont connus pour la beaute et finesse de leur tapis en dessins geometriques, qui refletent la mythologie de leur peuple, et aussi pour le style moderniste de leurs bijoux en argent. Les deux cultures sont connues aussi pour la beaute de l'artisanat du tressage de paniers. Mon pere parlait toujours avec beaucoup de respect sur l'art amerindien, son histoire, et il cherissait sa collection de leur art. J'y pense encore, avec beaucoup de nostalgie, parceque apres sa mort, ma mere a tout vendu, et je n'ai que les souvenirs d'eux dans ma memoire, comme de la senteur du bois ancien du cabinet ou il etalait cet art. Il y avait une aure reflexive qui emanait de ces objets anciens. Ce qui m'a fait penser recemment, a une petite carafe ancienne chinoise, que mon pere m'avait regalee quelques annees avant sa longue maladie et sa mort. La carafe etait pour servir le vin, et sa ceramique montre a l'interieur des traces de teinture de vin rouge. Je la garde pres de la fenetre de la cuisine ici a Olympia, un des tres peu d'objets d'art qui me restent de mon pere, qui avait une grande collection d'art, qui a disparu avec lui, dans les manoeuvres louches de ma mere. Mais, ce qui me reste est cette richesse de l'experience, des histoires aussi des peintures et leurs mondes qu'il connaissait si bien, et de qui il parlait avec tant de respect envers les artistes flamands qui les avaient concues, et qui faisaient parties de l'histoire de notre maison, de ses conversations, qui m'entouraient comme des membres de famille. L'ete approche sa fin, et les senteurs variees des feuilles qui tombent des arbres du jardin, a evoquee la memoire du cabinet en bois fin anglais de mon pere, ou il gardait sa collection d'art ancien. La memoire de ces objets silents, reveres, m'a fait penser a l'esprit durable de leur presence ancienne, saturee de symbolismes mythologiques. Dans sa collection, mon pere avait un precieux tapis Hopi, dans les couleurs traditionnels gris, sable, blanc et noir, avec les dessins geometriques precis, qui lui donnaient une impression moderne, surreelle. L'artiste Hopi avait l'habitude d'y laisser une marque unique de cet art de tissage: pour assurer que l'esprit du tapis auquel le dessin et l'energie de l'artiste avait donnee vie, selon les rites de la mythologie Hopi, un fil menait vers la coin du tissu, jusqu'au bord, et au - dela, ou le fil trainait, pour assurer que cet esprit ne se sentait pas prisonnier du tapis, de ses confins. J'ai trouvee cela tres beau. Le tapis Hopi de mon pere a disparu aussi, dans ce neant que devient la catastrophe d'une mere de famille qui valorisait l'argent plus que ses enfants, que son mari. Parfois, je me demande ou se trouvent tous ces beaux objets d'art de mon pere? La carafe ancienne chinoise ne me le revele pas. Mais, quand je la touche gentillement, elle parait me dire que l'esprit des choses bien aimees que nous laissent des personnes qui nous etaient proches, reste. L'idee tient une attraction irresistible, qui a aussi un element spirituel: la matiere physique, organique, mene dans sa forme la plus complete, sincere, complexe, altruiste, a la presence mystique, sacrale. Dela, l'importance des objets qui accompagnent les vocations dans l'histoire humaine et ses civilisations qui se dedient a la mythologie et ses interpretations de la vie, de la mort, du destin depuis la nuit des temps, et l'evidence de ce besoin que laissent les pyramides et tous les temples et le contenu de ses objets spirituels des divers religions de la terre depuis. Avec le temps, apres toutes les pertes des objets precieux, petits et grands, de l'heritage perdu que m'avait ete promis a un temps a moi, et aussi a mon frere et mes deux soeurs, une perte qui s'est manifestee apres leurs morts tragiques, comme une cicatrice laissee comme signature de mon exile et ses fantomes, voir un objet ancien, comme de la culture kabyle, ses instruments, ceramiques, bijoux, tissages anciens, me touche profondement le coeur, surtout que c'est la Kabylie qui m'a donnee une famille spirituelle, qui m'a reveillee la muse, l'identite, sa dignite, sa voix. La carafe discrete ancienne que mon pere a pu me laisser, avec sa ceramique patinee, me rassure que l'effort que font les arts pour nous laisser l'heritage des generations anterieures, des cultures du monde et ses artisans et artistes, est un lien qui unit le coeur humain et son esprit a sa communaute et sa mythologie, et ce partage nous enrichit la traversee dans la vie. Comme jeune adolescente flamande qui s'est vu s'eloigner de sa terre, de sa langue, de sa famille, de son identite, il y a deux cultures qui m'ont aidee de me retrouver les racines culturelles et historiques: les cultures amerindiennes, celles des tribus des Etats Unis, et inspiree par mes etudes en litterature espagnole et latine - americaines, celles des cultures amerindiennes du Mexique, de l'Amerique Centrale et de l'Amerique du Sud ensemble avec mes voyages dans plusieures pays du continent des Ameriques; et plus profondement, les cultures Amazighes de l'Afrique du Nord, specifiquement la culture Touareg, et depuis 2017, l'annee de mon introduction a sa culture, sa nature, son histoire et son peuple: la Kabylie. La vie m'a appris de ne pas m'attacher aux choses materielles, ayant perdue tout l'heritage de l'art qu'avait ma famille, certaines pieces qui remontaient au debut du XVIIeme siecle, au XIXeme siecle, toutes vendues, ou volees, quand mon pere est devenu maladie et se trouvait impuissant envers les manipulations de ma mere. La richesse spirituelle que me donne apprendre sur les cultures du monde, de voyager, de sentir le coeur ancien et genereux, sa sagesse, de l'esprit resistant Amazigh, qui depuis des milliers d'annees sait survivre les ataques a son identite, et qui continue de transmettre sa mythologie, son art, son histoire, ses langues, est un contrepoids de valeur immeasurable, un tresor qui m'a menee vers la chance de me liberer du sortilege du poids toxique d'une saga familiale tragique, et de me trouver les ailes pour mes ecrits, mes poemes, mon art. Elle est la carafe magique, indestructible, qui contient l'elixir guerisant, renconfortant, qui m'a donnee les melodies, l'eau spirituelle de mes inspirations, de ses experiences, de ses defis et leurs triomphes, de me savoir sur ce chemin solide qu'elle m'a permis de decouvrir, de suivre. L'esprit durable de la touche ancienne, je l'entends dans les chansons kabyles, d'Idir, de Slimane Azem, de Matoub Lounes. La carafe patinee qui me permet de toucher les memoires des conversations sur l'art et l'histoire avec mon pere, maintenant me permet l'espoir et sa joie de savoir que l'esprit durable de la Kabylie m'accompagne mes poemes, mes livres, les souhaits de leurs visions, de leurs reves a laquelle elle donne vie, me permet de voir au - dela des frontieres de mon exile et ses rigueurs, ses demandes. Ce poeme "La Carafe Patinee" exprime ce lien affectif et rassurant qu'on peut sentir envers un objet qui nous rappelle ce desir si fort de ne pas perdre la memoire d'une personne qui nous est cher, de qui sa presence sait vaincre le temps, l'espace, le chagrin. Ce lien avec l'histoire de notre vie, qui nous assure que la vie tient une promesse, meme si cette promesse ne se realise pas dans sa totalite, reste cachee partialement, derriere la porte ou a sa residence ce sphinx evasif, silent, du destin et ses imprevisibles detours et frustrations:
La Carafe Patinee
Elle s'y repose silencieusement, sur le rebord en granit de la fenetre de la cuisine, ou on dirait qu'elle parait ecouter les chants des oiseaux tot le matin. Elle a ses courbes de porcelaine patinees, avec des craquelures comme d'une peau fatiguee, et ses figures chinoises me rappellent aux mimes d'une piece de theatre long oubliee.
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Quand je lui touche ses couleurs vives encore, rouge, bleu, aux lignes en or, j'entends a nouveau la voix de mon pere, dans son pullover marron en laine pour combattre le froid de l'hiver du Nord, et je vois a nouveau son sourire, je sens l'odeur de la cigarette eternellement sa compagne, et le passage du temps s'effacer.
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Mon pere a disparu il y a longtemps, mais il me parle encore sans besoin de telephone, dans cette langue que connait l'esprit et ses ressources, envers ceux qui ont du souffrir beaucoup de pertes et humiliations. C'est le regal pour le courage de ne pas reculer devant la douleur, que l'esprit nous laisse son mirror et son regard.
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La carafe ancienne modeste pour beaucoup d'annees, chercheait de se communiquer avec moi, et c'est la Kabylie qui depuis m'a fait voir claire dans ma peine, qui m'a brisee la tourmente de la solitude, de l'abandon et ses genes, du deracinement, de la nuit noire sans horizon, sans lumiere.
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L'esprit durable de la touche ancienne, c'est le coeur kabyle qui s'est uni a mon enfance, a ma jeunesse loin de ma terre, qui m'a traduit les hieroglyphes de ma vie, qui m'a appris le chemin vers les secrets de sa resistance, qui habite ses montagnes et ses rivieres, sa lune et son soleil qui me parlent.
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La carafe patinee, elle sait que comme elle l'a fait a un temps quittant la Chine, que c'est dur de se savoir etranger, en exile, que c'est sur les rives de sa mer Mediterranee de la Kabylie, dans les horizons sans fin du Djurdjura qui m'a saluee, que mon coeur de poete, ma muse est renee.
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La touche ancienne qui se reflete dans la blancheur de sa peau de la carafe chinoise me regalee, maintenant chante avec moi en silence complice, heureux, l'amour pour la terre Berbere, qui m'a pris dans ses bras, m'a lavee les blessures avec l'eau fraiche de sa tendresse, m'apportee par elle et ses devouees sirenes.
Trudi Ralston
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