Monday, December 18, 2023

La Rupture: Au Rythme du Tambour d'un Second Exile - dans la serie "Les Blessures de Chiron" dediee a Nacer Amari

           Il y a quelque chose d'hypnotisant dans le son ou bruit d'un echo. Vers la fin du mois de decembre ici, le voisinage se vide, avec les voisins qui vont visiter leurs familles dans differents parts du pays, ou de l'etat et de la ville. Ceux qui n'ont pas, ou plus, une grande famille, comme est le cas, par hazard, pour moi et mon mari et fils, ne parlent guere de cette absence, qu'on couvre dans un optimisme qui est utile et ne pas trop dur a tolerer, comme une fois qu'arrive le mois de janvier, tous les voisins sont de retour, et la vie du voisinage reprend sa routine quotidien du travail, de l'ecole. Au jardin, dans le froid et le brouillard dense des derniers jours, le silence parait plutot un echo, dans lequel j'entends parfois la voix des personnes cherers disparues dans les ombres du temps, comme mon pere, mon oncle, ma petite soeur, ma grandmere paternelle, ma nanou. Dans ses echos de leur voix, j'entends dans le silence reverberer dans mon coeur, aussi parfois leur sourire, suite d'un conte ou une blague, que surtout mon pere avait un don de partager. Je me rappelle la senteur fumee des cigarettes de mon pere, de mon oncle. Et le mot qui me vient au coeur, est exile. Le premier exile etait pour moi a l'age de dix - neuf ans, un exile long, persistant, seul, trop seul, exigeant, qui m'a demandee tout. Dans le silence de cet echo, j'entends maintenant aussi un echo, une voix qui me remplit d'espoir, de courage, d'energie, et oui, de joie: la voix kabyle, comme je l'ai entendue pour la premiere fois dans les chansons du grand troubadour Idir, grace a ma copine francaise - kabyle a Grenoble, qui etait une de mes amies pendant mes etudes universitaires a Austin, au Texas, ou on partageait un appartement les annees des cours pour notre maitrise, elle en comptabilite, et moi en litterature. Cette voix kabyle a menee petit a petit, vers une exploration et interet dans la culture Berbere de la Kabylie, et me voila, faisant le travail pour mon 12eme livre qui lui celebre sa richesse et profondeur. Le sejour en Kabylie en 2019, n'a que renforcee ce desir, cette passion, cet interet, que je constate avec beaucoup de fascination, a une influence unique sur mes inspirations litteraires, poetiques, artistiques. Cette influence creative parait trouver son centre solide, stable, sa vision la plus claire, dans le lien avec mon collegue d'Aokas, Nacer Amari de Tassi Photographie. C'est un beau mystere, et une verite et realite verifiable, que le lien entre des collegues dans le monde des arts peut creer une energie creative unique et pour moi, apres avoir du confronter une solitude et isolation culturelle - artistique pour effectivement, toute une vie, ce lien est un regal inestimable, qui renforce ma conviction que l'esprit et le coeur Berbere de l'Afrique du Nord possede des qualites remarquables. Ayant connue a fond les chagrins de mon premier exile de Flandes, la Kabylie et le lien avec mon collegue Nacer Amari, me donne la chance de me liberer des chimeres de cet exile, de me sentir entendue, vue, inclus, d'avoir une voix comme poete, comme etre humain si desirant d'avoir un clan, une grande famille, pres de qui mon esprit, mon coeur, se sentent soi - memes, encouragee de s'exprimer en totalite leur identite, leur essence si longuement invisible, muettes. 

            Le titre de cet article a le mot "rupture", et l'idee d'un "second exile". A quoi se referent ces deux mots dans le contexte de la joie de m'avoir liberee finalement de ce long, epuisant premier exile de Flandes, qui a eu son debut quand je suis venue etudier au Texas? Le mot rupture m'est venu visiter avec une certaine insistance tetue, juste l'autre jour, pensant a la douleur inimaginable, et tres vif, qui me prend parfois de surprise, dans ces moments de devoir faire face aux defis qui me separent de la Kabylie. Des defis de bureaucratie, de distance, de realites politiques, qui causent une rupture dans cette joie, dans cette energie creative, la tristesse de penser que je pourrais perdre a ma Kabylie, a ce lien magnifique, a cause de caprices du destin, et ainsi me trouver dans un second exile, celui qui me separe de ce qui est le plus sacrale, le plus reel, le plus vrai de ma vie comme poete, ecrivaine, artiste: que c'est le coeur kabyle qui a su me definir, a su me liberer du sortilege afreux de l'isolation culturelle - identitaire, et qui m'a reveillee le plus prodond de mes visions creatives. Dans ces moments d'impuissance, de detresse, je sens le brouillard essayer de me devorer ma resistance, mon courage. Le seul remede est de continuer a croire, a ecrire, a mettre mes poemes sur le navire de mon clavier et les partager, les envoyer vers rives kabyles. C'est bizarre de penser, du point de vue rationnel, logique, qu'un coeur peut souffrir, car la souffrance affective, de l'esprit est une emotion, qui se suppose n'est pas liee au monde physique. Pourtant, l'idee de perdre le lien le plus beau et le plus profond creatif - culturel - intellectuel q'est pour moi mon lien avec la Kabylie, cette sensation de rupture, de perte, brule comme une dechirante blessure. Je ne veux pas souffrir ce second exile, il m'est inacceptable, et je vais me battre contre cette chimere et ses grimaces avec toute ma force. Je ne veux pas entendre s'approcher ce tambour et son rythme asphixiant d'un second exile. Le grand poete libanes Kahlil Gibran ( 1883 - 1931) a dit dans sa collection d'aphorismes " Le Sable et l'Ecume": "Seulement l'amour et la mort changent toutes choses". L'amour de la Kabylie m'a changee tout. J'espere que la vie me donnera les annees que je veux avoir pour continuer a celebrer ce regal, cette belle et profonde energie qu'elle me partage qui me permet, dans l'automne de ma vie, d'etre poete fiere, libre, joyeuse, qui voit et sait exprimer pour la premiere fois, la totalite de ses visions litteraires - artistiques, qui etaient mis sous l'effet d'un sort paralysant, pour tants d'annees, et duquel la Kabylie m'a su enlever le poids etouffant et ses chaines lourdes. Une poete flamande qui n'arrivait pas a se trouver son ame, ni son coeur au Texas, ou a Washington, et qui apres avoir voyage dans beaucoup de pays, fait la connaissance de beaucoup de cultures, pour trouver sa voix sur les rives de la Kabylie, qui m'a reveillee l'esprit, le coeur si longuement mis en stase, immobilisee par la solitude, l'indifference, est, je crois une histoire qui vaut etre partagee, celebree, et je crois que l'ecrivain algerien au renommee mondiale, Kamel Daoud, le confirme dans son livre de 2018, "Le peintre devorant la femme" qui explore l'impact et leur importance centrale, des muses dans la vie et l'art du peintre Pablo Picasso, quant a l'evolution unique de ses tableaux et leur style qui ont laissee leur empreinte indelibile sur les arts visuels du XXeme siecle. Que la Kabylie est ma muse qui continue de laisser ses empreintes indelibiles sur mes poemes, mes livres, mon art, est incontestable autant que c'est une verite inalterable. Si moi je suis tel le phenix qui renait de ses cendres, la Kabylie est le souffle et la force du vol libre de mon coeur, de mon esprit, de mon ame. Elle est mes ailes qui dans la joie et la liberte de leur danse euphorique veulent plus que tout, celebrer et partager son riche, unique heritage.  

Trudi Ralston  


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