Apres les tempetes de pluies torrentiales qui ont causees des inondations desastreuses pour l'etat de Washington State ou je vis, ici dans la region du Pacifique Nord - ouest des Etats Unis, voir un soleil timide et pale meme pour juste une heure aujourd'hui, fut occasion de respirer avec soulagement, avec reconnaissance envers le silence doux de l'absence de la pluie ce matin. L'esprit humain est une chose de grande resistance, et aussi de vulnerablilite, quant a sa facon de digirer le stress, celui que cause l'incertitude, le chaos, quand la nature n'en peut plus, et reagit hors des normes de son equilibre, de ses comportements du rythme de ses saisons, de ses lois. Dans les moments de pause, qui permettent de se recentrer les nerfs, et les emotions epuisees, crispees, la pensee m'est venue de ces personnes exceptionnelles qui nous restent proche au coeur, n'importe la distance et le temps qui nous separe d'eux. Il y a une douceur profonde et emouvante, de se rappeler les beaux moments que la vie parfois permet, dans la proximite affective intime de cette amitie unique, qui nous voit l'ame, le coeur et l'esprit tout en un. Cette personne qui nous voit le monde interieur, qui nous fait voir son visage ne pas connu avant, qui devient le miroir de notre etre. Dans mon cas, cela m'a pris toute une vie pour avoir l'experience inoubliable de partager une amitie qui devient une odysee, une exploration des circonstances de joie, de chagrin, de notre vie, qui sait illuminer dans leur totalite nos talents, qui devient la carte routiere qui rend visible le sentier de notre destin, qui adoucit les peines, rend plus joyeuse les victoires, qui embrasse avec tendresse nos reves, et leur courage, leur visions, qui nous voit notre force, et notre vulnerablilite, et les soigne, comme le jardinier les jeunes plantes de sa terre, qui les assure une bonne recolte, la fierte de se realiser toutes leurs possibilites. Et parfois aussi, il parait sans exception, tristement, la vie nous arrache apres, petit a petit, avec particuliere cruaute, cette amitie si rare, sous la guise souvent de l'ordre etabli, d'une moralite rigide, qui fait souffrir le coeur libre, lui blesse les ailes trop lourdes pour le poids de chaines mises sur le vol de ses energies, de ses passions. Le bilan est ainsi dur de supporter. Le coeur de l'esprit libre qui avait joui de la rencontre de son esprit jumeau, voit s'effacer la silhouette de son egal, petit a petit, effacee par la gomme d'une vision qui limite, qui veut controler, posseder, qui veut les ames reduites a des reactions fabriquees, qui deteste toute expression ne pas conditionnee. Le bilan, ce soliloque sobre, triste, du coeur constant qui se voit ame abandonnee a nouveau, qui se rend compte que le courage pour l'authenticite est plus rare que le joyau le plus cher que la nature sait reveler. Le coeur constant, qui parfois se rend malgre les meillieurs intentions, aux normes etablis, pour eviter le gene, pour essayer que tout reste en ordre, comme le metronome que met le maitre pour son eleve qui resiste le controle du rythme de l'instrument, et qui obeit, trop timide, pour exprimer en presence de son maitre, son propre rythme et melodie qu'il pourrait donner a son violon. On est tous parfois autant victime que bourreau quant a la peine que souffre notre coeur constant, qui une fois vecue le bonheur de la rencontre avec l'ame jumeau dans le monde des arts, des esprits libres, hesite de suivre l'appel de sa chanson. Le poete libanes - americian Kahlil Gibran ( 1883 - 1931) a dit que "Seulement l'amour et la mort changent toutes choses", et je crois que dans sa vie personnelle, il savait comme est dur la lutte pour la liberation, quand on se voit a nouveau seul, loin de la personne qui nous savait voir et comprendre toute l'histoire, sa force, ses traumes, ses contradictions, ses talents, et qui apres a perdu le courage, et nous a fait perdre ainsi l'energie la plus pure, la plus vibrante, de notre expression vitale, au moment qu'elle l'a perdue, abandonnee egalement. On peut mourir en ame, et rester vivant en corps, en repetition de demandes, de routines. Et dans ce sens, oui, une telle mort change tout. On devient a nouveau soumis aux illusions, et on vit le coeur conscient d'avoir perdue le regal si rare de se sentir en vie, corps, coeur et ame, comme ne jamais avant, et ne plus jamais apres qu'en brefs moments, comme se reveiller brevement et avec repetition stressant, d'un reve duquel on ne se rappelle que quelques fragments. Ce poeme exprime ce mystere, du coeur qui se reveille, rencontre son pareil, et apres hesite, et se rend au bilan qui choisit le sentier qui mene ligne droite vers les habitudes des lois etablis, aux routines qui expliquent le chemin bien visible des annees et leurs suppositions. Et ainsi aussi, comme la mort, l'amour change tout, une fois qu'on l'a connue sans masque, sans peur, sans limitations, de savoir que quelque part, dans le monde invisible pour la plupart, d'une realite avant le commencement du temps et ses peurs, on pouvait vivre comme esprit libre, sans le mepris, sans le chagrin de ne pas etre compris, sans etre privee de la joie et son sublime energie, de connaitre l'experience divine de s'exprimer le coeur qui comprend la vraie definition de l'innocence:
Soliloque du Coeur Constant
Il ne faut pas m'envouloir, car je ne t'enveux pas, ce n'est jamais evident, de marcher contre le temps, ses exigences, ses demandes, ses lois et contradictions. Le monde a ses pieces de theatre, ses rythmes, ses danses, un chaos qu'on subit sans le comprendre.
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C'est pourtant magnifique, de se savoir libre pour ce sejour vers le monde ou le temps parait absent, se rend lent, on dirait invisible, ou existe encore l'innocence du coeur pur, libre de suppositions, libre d'illusions, ou on se peut rencontrer sans masques, sans le poids de l'histoire humaine, ses malheurs, ses mirages.
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Le coeur constant, quel tresor, de pouvoir faire ensemble, l'exploration de beaux mysteres, que le monde ne comprend guere, qui cherche etouffer le souffle, ses ailes. Le coeur constant qui reste, malgre de savoir que ca ne dure pas, que le temps et la peur de la mort, de l'amour libre,
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fait obeir, fait fuire, qui invite le confortable, qui rend malleable au esprit libre, qui finit par oublier, decide de vivre comme une marionnette belle et charmante, qui accepte les routines, en costumes convenables, pour rester immobile, un somnambule souriant, qui cache le gout de ses larmes, en ignore leurs cris d'alarme.
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Le bilan du coeur constant, on n'en parle guere, on se contente d'etre, ni en vie 100%, ni mort, juste soumis, silent, avec au coeur la memoire et son chagrin brulant, a toujours, les jours de froid, d'indifference, d'avoir connu le bonheur fuyant, et son delire, de la renconte de ce coeur qui a vu, qui a compris, et qui s'eloigne, un pas timide a la fois, derriere les coulisses lourdes du theatre qu'est la vie, et ses insondables exigences.
Trudi Ralston
"Between what is said and not meant. And what is meant and not said. Most love is lost." - Kahlil Gibran.