Sunday, November 30, 2025

Les Sables du Temps: Un Arbitre Ambivalent - dans la serie "Les Ailes d'Aphrodite"

          Un moment de nostalgie m'a fait revisiter la chanson "Time" ("Le Temps") du rock groupe anglais iconique "Pink Floyd" (1965), une de 10 chansons de leur album de 1973, "The Dark Side of the Moon" ("La Face Cachee de la Lune"), qui les allait donner une fame meteorique et durable comme un des groupes les plus fameux dans le monde de l'histoire de la musique, pour leurs vers et musique saturee d'angoisse et scepticisme existentielle, et la passion et genie de leurs melodies et instrumentations de la part des membres fondateurs Syd Barrett (1946 - 2006), Nick Mason (1944), Roger Waters (1943), Richard Wright (1943 - 2008). Appres le depart de Syd Barrett en 1968, suite de raisons de sante, le guitariste David Gilmour (1946) a pris sa place. La chanson "Time" explore en forme de reflection viscerale, le passage du temps, qui s'enfuit avant qu'on ne se rende compte qu'on approche la fin de la vie. Il y a une grande force poetique qui guide toutes les chansons de Pink Floyd, ensemble avec une vision intellectuelle qui se fait peu d'illusions sur la farce qu'est le monde industriel et ses hypocrisies et folies de grandeur. Ecouter leur musique me donne toujours l'impression de me mettre dans une source minerale, de laquelle on sort avec un sens de catharsis, d'equilibre, de paix interieure assuree. Malgre le pessimisme profond, et un soupcon fort de melange de rage et tendresse, il y a une chaleur affective sincere qui illumine toutes les chansons, qui donnent la sensation d'une rencontre musicale - poetique - spirituelle. La chanson qui suit "Time", "The Great Gig in the Sky" ("Le Grand Concert dans le Ciel"), est la voix d'une femme qui chante une lamentation sans mots, qui parait souligner la crise de presque panique de la perte non recuperable du passage du temps, que la chanteuse Clare Torry (1947) exprime avec immense et emouvante conviction, comme d'une aria d'une diva du monde de l'opera, quand elle accompagne avec ses improvisations vocales la composition pour piano de Richard Wright.  

         Cette idee du temps qui coule, plus vite que de ce qu'on se rend compte, m'a fait penser au temps comme un arbitre, qui sait faire des interventions, qui a le pouvoir de regler des disputes, dans ce cas, sur le jeu qui parait si capricieux, nonchalant des annees qui passent, ces sables du temps, qui aussi avancent avec la rigidite decisive d'une loi implacable, froide, indifferente. Ce fut une revelation, de comprendre que le temps a acquis une qualite differente dans ma vie de poete exilee, depuis l'introduction a la culture et l'histoire, au coeur accueillant bienveillant et tolerant, et l'esprit ancien, resistant de la Kabylie. Elle sait, dans un sens qui se sent reel, transformatif, m'arreter le temps, m'en donner la chance de reconstruire les annees perdues, et me les rappeler, et ainsi les vivre a nouveau, mais avec la perspective de longue vue de la mythologie kabyle, son courage legendaire, tout ce qui resonne dans ma memoire du mieux de mes annees comme enfant et adolescente en Flandre de l'Ouest. Cela me parait parfois difficile meme de comprendre completement l'impact qu'a despuis 2017 la presence kabyle sur l'energie et les sensibilites et visions, inspirations creatives, la force qui reclame ma liberte, rend visible mon monde interieur, si longuement reprimee, niee, de mon art, mes poemes, mes articles, et mes livres, qui celebrent cette union fructive, exhilirante. Cela me permet pouvoir retourner dans le temps, et vivre avec plus de clarte toutes les experiences et apprentissages de mon enfance et adolescence qui m'ont definie la force interieure, qui m'ont donnee la volonte de ne pas abandonner l'espoir toutes ces annees de solitude, de silences cruels, d'isolation, d'invisibilite, de jugement, des insinuations de mepris, de trahisons penibles, que la Kabylie a su m'en briser leur sortilege. Les sables du temps, elle me les presente comme une fouille archeologique, de qui elle me guide ses decouvertes, m'accompagne dans la grotte souterraine de memoires reprimees, m'aide a les comprendre leur traversee. C'est comme si elle me connait mieux que moi - meme, comme si je suis son enfant, qui a pris toute une vie pour la rencontrer, comme si je vis grace a elle, le futur d'un passe perdu, qu'elle me redonne, pour que je puisse vivre le present, libre des blessures et traumes de l'exile impitoyable que m'impose depuis tants d'annees ce pays vaste qu'est les Etats Unis, un pays dans les mots de l'ecrivain brillant americain Cormack McCarthy (1933 - 2023) dans son livre "No Country for Old Men" ("Non, Ce N'est Pas Pour Le Vieil Homme") de 2005, qui a recu une adaptation impressionnante cinematogaphique de la part des freres americains realisateurs Joel Coen (1954) et Ethan Coen (1957), avec les acteurs americains Tommy Lee Jones (1946) et Josh Brolin (1968) et l'acteur espagnol Javier Bardem (1969), qui est une analyse presqu'apocalyptique sur le mystere deroutant de la force du mal: "This country is hard on people." Ce qui se traduit comme "C'est un pays dur." Ceci fut certainement le cas pour ma famille: je suis la seule personne qui l'a survecue. Le stress, la maladie, le suicide, la rivalite destructive, ... comme dans un film noir, tout a contribuee a la destruction de mes parents, mes deux jeunes soeurs et de mon frere, me laissant loup solitaire dans un pays impitoyable envers le refus de la soumission, envers la vulnerabilite, la spiritualite, la rebellie et fierte de l'esprit libre. Les sables du temps m'a avalee la famille, et le lien avec l'esprit kabyle de l'Algerie, de facon bien reelle, et profonde, m'assure que je ne m'y perds pas dans les espaces vides et ses echos hallucinants qui me restent de mes parents, mes deux soeurs et de mon frere, qui ne survivent que dans mes reves inquiets la nuit. Si le temps est un arbitre ambivalent, sa version kabyle est charitable, genereuse, patiente. Elle m'accompagne avec un sourire, un toucher de sa main, si loin, et pourtant si proche, et me donne ce qu'aucune autre culture et son coeur a reussi de me regaler: la force vitale retrouvee, de me savoir reunie avec ma voix, mon destin de poete, qu'elle m'aide a en decouvrir la totalite de ses energies, de sa joie, de sa passion. Avec la Kabylie et les amis et collegues qu'elle me regale, les sables du temps ouvrent le chemin vers d'horizons nouveaux, vers les espaces creatives - litteraires -  grandes ou elle me mene, pour me permettre de me re - construire le coeur, l'esprit, avec la version reclamee, claire, de l'histoire de ma vie, de laquelle elle garde la clef j'ai fort l'impression, depuis le jour de ma naissance. Tout dans mon coeur l'affirme chaque jour a nouveau, quand je sens que l'esprit de la Kabylie s'unit au mien dans les moments silents de courage, et m'assure que les sables du temps avancent avec un rythme clairvoyant, confiant, dans l'etreinte chaude de sa charite, de sa tolerance, de ses gentils petits coups de coude qui me disent que l'espoir renait avec chaque aube, chaque bonjour du soleil et sa lumiere.           

Trudi Ralston 

"Between what is said and not meant, and what is meant and not said, most love is lost." - Kahlil Gibran. (1883 - 1931) ("Entre ce qui est dit et ne pas intentionnee, et entre ce qui est intentionnee et ne pas dit, la plupart dans l'amour se perd.") 

  

 

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