Le son de mes pas resonnait encore au moment que je me suis reveillee. Un son d'echos, qui indiquait un site solitaire. Cela me surprend toujours, cette transition abrupte du monde des reves vers le monde concret, d'un nouveau jour, voyant l'horloge qui indique le temps, 6:45 du matin, voyant le rideau de la chambre a coucher ou joue la lumiere et le carillon eolien, suspendu du sous - toit, ses chants joyeux d'une vingtaine de petites cloches qui imitent un style zen bouddhiste de reflection, de pause. Ou etais - je cette nuit, dans ce monde vaste de mes reves, ou je voyage sans meme y penser consciemment? Ces images le matin, venu en pieces comme d'un puzzle qui s'est glissee de la main, s'evaporent vite, si on ne les met pas a la memoire aussitot, avant que la realite quotidienne fait ses demandes. Je me rappelle seulement des breves scenes du reve: j'etais dans une ville desertee, je chercheais la maison d'une personne ne pas vue depuis longtemps, je marcheais sur du beton, et dela le bruit de mes pas. J'etais seule, mais je sentais la presence d'une autre personne, de qui je ne voyais que son ombre, dans la distance. J'avais l'impression que la personne me chercheait aussi, quoique son ombre marcheait dans l'autre direction. Faisant la transition vers le monde concret, j'ai pensee au monde des jeux d'ombres, au theatre des marionnettes chinoises. J'en voulais apprendre leur histoire, et apres, dedier un poeme a ce reve bizarre, hantant, de solitude, de manque, pour un etre cher, de qui je n'ai pu voir que son ombre evasif, et qui m'avait laissee ce matin clair, de soleil et ciel bleu, de chants des oiseaux au jardin, avec un chagrin au coeur, de cette douleur que seulement l'affection et la tendresse savent faire souffrir.
L'histoire des jeux d'ombres, des marionnettes chinoises, ce theatre d'illusions, est une forme ancienne de narration et divertissement, faite avec des figurines articulees, qui sont tenues entre une source de lumiere et un ecran translucide ou scrim. Il y a 4 differents types d'acteurs dans un theatre d'ombres: 1) des acteurs qui utilisent leur corps comme ombres, 2) des marionnettes ou les acteurs tiennent les marionnettes, et sont tous les deux visibles, dans la lumiere du jour, 3) des marionnettes ou domine la vue spatiale: ce qui se refere a la perception d'objets dans une espace, donc, la manipulation d'objets dans cette espace, d'objets 2 - dimensionnelles et 3 - dimensionnelles ( 2 D ou 3 D), 4) le theatre avec la vue des ombres et les marionnettes des deux cotes de l'ecran. Il y a plus de 20 pays ou il y a des troupes de theatre des ombres. En Syrie, cette tradition artistique est classee par l'UNESCO comme faire part du patrimoine mondial culturel intangible. Les yeux d'ombres comme expression theatrale a une longue histoire dans l'Asie du Sud - est, surtout en Indonesie, en Malaisie, a la Thailande, et en Cambodge. C'est aussi un art ancien qui fait part de la tradition folklore en Chine, en Inde, en Iran et au Nepal. C'est un art qui se pratique en Egypte, en Turquie, en France et aux Etats Unis. Les origines du theatre des ombres est probable d'etre de l'Asie Centrale ou de l'Inde, vers 1000 B.C. Apres les invasions mongoles du XIIIeme et XIVeme siecles, le theatre des ombres devient en vogue au Moyen Orient, et s'exprime dans des styles locaux de la region au XVIeme siecle, et beaucoup de ce theatre se trouve en Turquie et dans les arts de l'empire Ottomane, surtout au XIXeme siecle. L'influence y contribuee a la repandue de cet art ancien avec l'expansion de l'empire Mongole, fut facilitee par l'immensite du territoire mongolien: cet empire imposant fut et reste, l'empire le plus vaste dans l'histoire du monde, de frontiere a frontiere, qui incluyait, ensemble avec la Mongolie : la Chine, l'Afghanistan, l'Armenie, l'Iran, la Russie y compris la Siberie, le Turkmenistan, l'Uzbhekistan, la Belarusse, l'Iraq, le Kazakhstan, le Kyrgystan, le Pakistan, la Turquie. Ce qui faisait un empire de 23 million km2, et voila l'empire contingu le plus immense dans l'histoire de notre planete, "contingu" etant un mot qui signifie "juxtaposee", donc, sans interruptions de frontieres, de mer, d'ocean, ou autre distance, donc, qui se touche ininterrompu. Les navires marchands venants de l'Europe, chercheant des routes maritimes vers l'Inde ou la Chine, introduisaient dans le cours de leurs exploits, le theatre des ombres qui ainsi devient populaire en France, en Angleterre et en Allemagne, a partir du XVIIeme siecle. Selon l'historien anglais des arts de l'image animee, Stephen Herbert (1952 - 2023), le theatre des ombres s'evoluerait de facon nonlineaire, dans les diapositifs sur ecran, et finalement, dans l'art de la cinematographie. Le principe en commun dans ces innovations fut l'application de la lumiere, des images et de l'ecran, de maniere artistique. Dans les annees 1910, l'animatrice allemande, Lotte Reiniger (1899 - 1981), fut la pionniere de l'animation des silhouettes comme formule, ou les ombres des marionnettes etaient filmees image par image, et avec l'arrivee des annees 1920, le film silent s'annonce avec des acteurs, dans le monde de l'expressionnisme allemand, avec le film d'horreur "Ombres Menacantes", ou le jeu des ombres fonctionne a cote des acteurs comme symboles irreels qui laissent des avertissements sur le futur trouble pour les acteurs insouciants.
Le monde des reves est irreel, comme l'est le monde des marionnettes chinoises, ses ombres du monde du theatre ancien. L'idee du monde des ombres, comme un theatre qui traduit le monde concret et ses illusions, ses contes, ses legendes et histoires, etait deja un sujet de la philosophie ancienne grecque, comme l'explorait Platon (c. 427 - 347 B.C.) dans son "Allegorie de la Grotte", dans son livre "La Republique" ensemble avec "L'Allegorie du Soleil" et "L"Allegorie de la Ligne Divisee." Les prisonniers dans la grotte ne voient que les ombres sur le mur, et ces ombres ne sont que les reflections d'objets y mis par le monde reel, par des personnes qui ont entree au monde reel. Ce que les prisonniers dans la grotte voient n'est qu'une illusion, une distortion de la vraie realite, du vrai monde. C'est pour cette raison que le monde des jeux d'ombres, du theatre des marionnettes chinoises, etait si hypnotisant, et le reste, jusqu'a nos jours: on vit nos vies sous tants d'illusions, imposee par la societe, par les traditions, les gens en charge du monde, qu'on vit dans un sens la vie dans un etat de somnambules, et je crois que le monde des reves est un effort de se reveiller, de faire face aux illusions. Le monde de mes reves est tres complexe, l'est depuis mon enfance, et comme poete, ecrivaine et artiste, ce monde des ombres, de la nuit, m'eclaircit grandement le trajet et ses incertitudes et defis existentiels de ma vie, souvent vecue dans la compagnie ne jamais tres distante, de la solitude et ses enigmes, ses messages cryptiques, difficiles a comprendre, a accepter. Le monde de mes reves, est le monde ou je suis tres consciente d'etre la silhouette d'une ombre, d'etre dans un sens une marionnette chinoise, qui suit involontiers les mouvements des mains, des doigts du marionnettiste qui me manipule, qui selon certaines ideologies est absent, indifferent, selon d'autres, un etre divin qui nous accompagne le destin. Dans les moments les plus lucides le monde de mes reves, si vaste, et oui, contigu, ou l'Europe et l'Afrique du Nord touchent leurs terres, et mon enfance et mon adolescence, et ma vie d'adulte aux Etats Unis, dans une ligne ininterrompue, me permet marcher vers les Flandes la nuit, vers ma Kabylie, et y revoir ses montagnes, ses villages, sa mer, ses rivieres, mes amis et mon collegue photographe, me permet pouvoir revivre mes plus belles memoires que l'esprit et coeur kabyle m'unit, ou les annees passees deviennent l'espoir du present, l'horizon lumineux de demain. C'est tres emouvant, tres calmant. Ce poeme exprime cette nostalgie, cette appreciation et ce manque du pays, ce melange de douleur, pour les souvenirs de mon enfance et adolescence en Flandes, et pour le regal du present que me donne a mes energies creatives la Kabylie. Dans le monde de mes reves, il n'y a pas de distance entre terre flamande et terre kabyle, et j'y cherche toujours avec beaucoup de courage, beaucoup d'amour, ces paysages et ses amis et collegue, qui dans ce monde de marionnettes chinoises retrouvent leur ame, leur esprit, leur voix, et savent unir leur silhouette a l'essence creative, corporelle, spirituelle, culturelle:
Le reve de la Marionnette Chinoise
Me voila encore, dans le monde des silences. La nuit arrive, je ferme les yeux, et je sors du monde du jour, pour trouver la porte qui s'ouvre, vers les figurines animees de mes reves. J'y rencontre dans cet univers de silhouettes, le monde de famille, d'amis, du village de mon enfance, de mon adolescence.
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Te voila, Nanou, te voila, Papa, te voila, mon oncle peintre Frans, et voila, mon frere, mes soeurs, si longuement disparus. Voila, le jardinier Arthur Naert, si gentil, si calme, et voila, ma grandmere Celina, la couturiere, voila ma tante Lieve a Oostende, qui a resolue tants de questions autour de mes origines.
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Et voila, de la vallee flamande, des montagnes de la Kabylie qui m'appellent, j'entends de loin de la fenetre de ma chambre, la flute d'Idir et ses compagnes, et voila les portraits de mon collegue venir me raconter leurs histoires, voila la lune Tiziri et le soleil Berbere, qui me guident la traversee, la distance.
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Je suis au monde irreel des jeux d'ombres, mais je suis aussi au monde eternel Berbere, ou j'entends les melodies de mes poemes, ou voyagent les exploits de mes livres qui celebrent l'histoire ancienne de l'Algerie, ou mon esprit s'unit a ma muse qu'est l'Afrique du Nord, ou mon coeur est libre.
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Le monde de mes reves, ou vont se reposer mes poemes, les chants et leurs cris de joie de mes espoirs, de mes visions donnees des ailes, ou je suis permis d'aimer, de danser, et ou je vois parfois, le sourire du Marionnettiste, qui essaie de ne pas me faire mal avec le tir qu'il fait de mes bras, de mes mains des fils m'accrochee aux joints, qu'il me manipule.
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Parfois, je vois sur son visage ancien imperturbable, une larme, de comprendre le bonheur que je recois dans ces reunions nocturnes, des marionnettes chinoises, qui ouvrent pour moi le monde present, de la Kabylie, de mes poemes, de leurs fieres creations. Les silhouettes et leurs ombres, de mon enfance et adolescence, et les exigences de mon exile continu, si loin des rives kabyles et flamandes, si loin du coeur Berbere, de ses chants rassurants, des douceurs de ses mysteres.
Trudi Ralston
La recherche sur l'histoire de l'art ancien du theatre des marionnettes chinoises, dans le monde et ses cultures, courtoisie de Wikpedia.
"Seulement l'amour et la mort changent toutes choses. " - Kahlil Gibran (1883 - 1931) de son livre d'aphorismes de 1927, "Le Sable et l'Ecume."
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