Deux des trois freres de ma mere etaient des artistes peintres, Frans De Cauter (1920 - 1981) et Emiel De Cauter (1921 - 1976) J'etais surtout proche a mon oncle Frans, qui m'a appris de dessiner, de peindre, et avec qui j'ai passee comme jeune adolescente entre l'age de 14 et 16 ans, des heures et heures en discussion sur l'art, la litterature, la philosophie, l'histoire. Je me rappelle une chose qu'il disait qui m'a paru etrange a l'epoque: "La vie est une salle d'attente." Frans etait un homme hyper - intelligent, qui avait connu la souffrance et le manque comme jeune homme etudiant en Autriche, pendant la Seconde Guerre Mondiale, quand il est devenu un prisonnier de guerre dans un camp en Hongrie, ou il souffert la faim, et la torture. Ce traume allait grandement marquer sa vision artistique, et sa disposition humilde, presque timide, car malgre les horreurs qu'il avait vecu, son coeur possedait un desir fervent de croire dans la capacite de l'etre humain de se devouer a des instincts plus nobles. Recemment, je dois faire face a un defi de sante, duquel j'espere je vais pouvoir m'en sortir sans degats ou complications problematiques, et je pense aux mots de mon oncle Frans: "La vie est une salle d'attente." C'est sur que je comprends tres bien ce que ses mots peuvent dire, au moins, pour moi, en ce moment. Je me sens, a cause de l'incertitude que les examens medicaux me vont possiblement reveler, dans une salle d'attente, qui bizarrement, je sens comme etre vide. J'y suis seule, mais la chose etrange est, que ce ne'st pas necessairement une sensation desagreable, juste ne pas connu avant. Dans une semaine, il y aura un autre examen, et apres, une autre semaine d'attente, pour en apprendre les resultats. Je me sens comme marchant dans un long couloir vide, blanc, clair, ou j'entends le son de l'echo de mes pas, et le couloir continue, et je ne sais pas ou il va, ou il termine. Mon fils est tres gentil, et me rassure, avec ses calins chauds et son sourire, et mon mari reste a l'ecart, incertain de comment reagir. Le soir, je m'endors, pensant a ma Kabylie, a ses montagnes, a sa mer, et je pense a mon collegue kabyle d'Aokas, le photographe Nacer Amari, qui ces derniers 5 ans, m'inspire mes livres et mes poemes, mon art, que ses visions photographiques reveillent, qui me permettent comprendre ma vie d'exile aux Etats Unis, et mon adolescence et enfance en Flandes. Ses portraits surtout, sont une odysee qui m'illuminent le chemin, le parcours et ses detours de ma vie, me precisent les indices de la carte routiere enigmatique de ma vie, me permettent de me definir et comprendre comme ecrivaine, comme poete, comme artiste, comme etre humain ayant vecu si longuement entre deux mondes. La sensation de ne pas trop savoir ou j'en suis en ce moment dans cette jungle inconnue de la condition de ma sante, me fait comprendre que je sens dans toute ce tumulte interieure, silente, invisible, aussi un sens hesitant de paix, de douceur presque, de savoir que je n'ai pas ratee mon destin creatif, de trouver ma voix litteraire, grace a la Kabylie, et grace a l'esprit accueillant, inclusif, charitable et visonnaire, de mon collegue kabyle Nacer Amari. Cette realisation me tient calme, philosophe, face a l'incertitude existentielle qui m'affronte. Cela a pris toute une vie, presque 50 ans, mais, le fait que j'ai recue cette chance, qu'une partie de l'ame, du coeur kabyle vit dans mon coeur, et que je vis, quelque part, dans son esprit ancien, resistant, fier, me donne de l'espoir, que je survivrai dans ses pensees quelque part, de ma famille de coeur kabyle. En ce moment, j'ai ecrit depuis 2017, 12 livres de prose et poemes qui celebrent la Kabylie, et je suis prete de publier dans les mois qui viennent, le 13ieme livre, qui celebre les portraits et leur art de Nacer Amari: "Les Blessures de Chiron", qui sera suivi par le livre suivant, qui a deja 25 articles et poemes "L'Hurlement des Loups du Midi". Je ne sais pas quel futur, ou si un futur m'attend encore, mais je sais que dans cette salle d'attente tortureuse, vide, le temps qui y coule si lentement, si etrangement, il y a la presence du coeur kabyle, de la dignite et du courage que la Kabylie m'inspire, que mon collegue si genereusement me donne. Savoir que j'ai recue ma chance, apres une vie entiere de traverser un desert immense fait de solitudes et isolation innombrables, ma chance de pouvoir dire, quoi qu'il arrive: "La Kabylie m'a su heberger mon coeur, mon ame, ma voix de poete, lui a su briser le sortilege de la solitude, lui a liberee de l'invisibilite et son chagrin." Ma joie, mes defis survenus, ma dignite reclamee, mon amour profond, pour ma famille de coeur kabyle m'accompagnera ce jour, vers les espaces grandes, ou vivent les memoires des esprits de ses montagnes, de son soleil, de sa lune, de ses etoiles, m'accompagnera vers ses rivieres, ses champs, ses recoltes, ses villages, ou vivent et revent le sourire resistant, fier, de ses hommes, de ses femmes, de ses enfants.
Trudi Ralston