Monday, August 4, 2025

Le Rappel: Le Dilemme du Masque - dans la serie "Les Ailes d'Aphrodite"

                   L'idee du masque est complexe, et la preuve est que depuis leur debut dans l'Antiquite, il existe maintenant des musees entiers sur la vaste espace des pays du monde, qui sont remplis de toutes les expressions artistiques leurs donnees des masques des civilisations anciennes et contemporaines de la planete. La fascination que sait inspirer le masque reste puissant, de l'age de la pre- histoire, jusqu'aux plus recentes interpretations du theatre avant - garde de nos jours. C'est bien connu, que l'Afrique est le continent qui a inspiree le modernisme dans la sculpture avec le surrealisme unique des masques de ses cultures: la culture Dogo de Mali utilise 78 differents masques dans ses rites et rituels. Il y a aussi les masques de la culture Bamana, aussi de Mali, et de la culture Punu de Gabon, de Benin qui est aujourd'hui le pays de la Nigeria, et les masques des cultures Yoruba, Igbo et Edo, et du peuple Senoufou de la Cote d'Ivoire et du peuple Temne de Sierra Leone. Sur les autres continents, il y a les masques rituels de Papua, en Nouvelle Guinee, et aux Ameriques, il y des masques impressionnants de la culture des Azteques, comme celui du roi Xiuhtecuhtli de c. 1500, fait de mosaiques de la pierre turquoise. Au Japon, les masques de theatre Noh sont connus pour les nuances de l'expression dans les traits, et il y a les masques d'or decouverts en Iran, dans la grotte de Kalmakareh, qui datent de 1000 B.C. En Europe, les masques les plus anciens ont des liens avec la chasse et le chamanisme. Le Carnaval de Venice continue une tradition commencee en 1268 A.D., et les acteurs grecs anciens portaient des masques pour la presentation des tragedies et comedies d'Aeschylus, Sophocle et Euripedes, et certains d'eux sont frappants pour le realisme moderne du style de ces masques. Ils portaient aussi des masques pour les festivals de Dionysos, et les romains les portaient pour les celebrations de leurs saturnalia. L'origine du mot "masque" reste incertain: possiblement, le mot derive son etymologie du mot italien "maschera", a son tour du latin medieval "masca" pour indiquer un "spectre, ou cauchemar", ou possiblement, le mot vient de l'arabe, "maskharah", qui se traduit comme "clown, comique", du verbe "sakhira", qui veut dire "ridiculiser". Ou, possiblement, le mot masque vient du provencal, "mascara", qui veut dire "noircir le visage", ou le mot vient du catalan "mascarar", ou du francais ancien "mascarer". La definition du masque est un peu plus precis: un masque est vu comme "un objet qu'on porte sur le visage, comme forme de protection, de deguisement, d'amusement ou comme outil pour des rites et rituels." Cependant, malgre cette definition nette, le masque sait evoquer des emotions de grande nuances, de celebration joyeuse, festive, de reflection spirituelle serieuse et intense, de guerison importante, en dehors des convenances, comme dans les rites des chamans du monde, de force intermediaire entre le monde physique, concret et le monde des esprits, comme expression artistique dans la sculpture, et dans le theatre. Le masque est aussi capable de prendre des incarnations lugubres, dans le monde du militarisme, dans le monde du crime, de l'esclavage et ses degoutantes formes contemporaines. Le masque ainsi appartient a un univers vaste, qui range de l'innocence des jeux des enfants, a la tendresse timide de jeunes amoureux, aux rites anciens et solemnes du monde spirituel de la plupart des cultures depuis la nuit des temps, au monde de la mode, de la frivolite des carnavals de Venice, de Bresil, au monde de traditions anciennes qui predatent la plupart des empires dominantes de la terre, qui souvent l'ont fait leur mission douteuse, d'eradiquer les rites paiens au nom du colonialisme et ses sinistres buts. Quand je pense au mot "masque", je pense surtout au theatre, pour le fait que c'est dans le monde du theatre, y compris le theatre contemporain et avant - garde, que le masque continue de se re - inventer, re - interpreter. Le masque a un charisme qui persiste depuis des milliers d'annees, et dela vient son pouvoir mythologique. Le masque aussi sait toucher des sensibilites profondement individuelles: on le met pour devenir autre de ce qu'on est, que ce soit comme acteur sur scene, comme participant a un carnaval, ou un festival, que ce soit meme comme porteur d'un masque invisible, quand notre visage devient illisible, un miroir vide, un sphinx, a cause d'une douleur profonde qu'on ne peut pas partager, ou une joie qu'on non plus est permis de communiquer, par interdiction de tabous, de conflits ne pas resolus. Le masque peut ainsi aussi devenir un objet triste, ou on se trouve sur une scene de theatre vide, ou personne ne nous voit, ne nous comprend les emotions, la peine, ou la salle pour le public a toutes les chaises vides, ou personne ne nous applaudit le courage, la joie, le triomphe. C'est pour cette raison que le masque dans le monde du theatre contemporain vit une renaissance visible, ou les elements des masques des tragedies anciens grecs et de la Commedia dell'Arte sont re - introduits avec beaucoup de success et interet. C'est interessant pour moi de noter, que c'est le lien avec la Kabylie, et surtout, le lien professionnel - culturel - artistique avec mon collegue d'Aokas, le photographe Nacer Amari, de Tassi Photographie, qui me fait comprendre recemment l'impact qu'a sur mon evolution comme poete, ecrivaine et artiste, le travail collaboratif entre ses photos et mes livres et art ces 5 dernieres annees. Je ne me rendais meme pas compte avant, du poids de mon masque, et c'est tres emouvant pour moi de comprendre que c'est le photographe kabyle qui petit a petit, me donne le courage de me noter le masque, de lui faire face dans le miroir de ma vie, et de prendre le risque ne pas evident, de me l'enlever, avec confiance, dans l'espace sure, ample, libre de jugement ou demandes, qu'est pour moi le monde de son art et de son amitie qui ont un esprit a la fois guerisant, comme d'un chaman ancien, et aussi franc, libre de sentimentalite ou pretense. Le titre de cet article est "Le Rappel", car ainsi je me sens: face au rideau qui se leve, apres toute une vie d'etre derriere les coulisses, et d'entendre et sentir la presence du public, mais n'ayant pas la force de lever le mecanisme du rideau qui me separait d'eux, de la chance d'jaouter ma voix, de ma vie, de ses scenes dans le monde. L'esprit kabyle de mon collegue me donne cette chance, et je ne sais pas du tout exactement ce que cela veut dire, sauf que c'est le premier pas, longuement attendu, vers la decouverte, le masque en main, de qui est exactement cette poete, son coeur, son esprit, son ultime destin et souhait, de ma personne que je salue dans le miroir depuis toute une vie, et qui j'apprends finalement faire sa connaissance, avec un melange d'anticipation nerveuse, et joie, espoir et curiosite immense, en esperant que mon collegue garde le sourire et la comprehension sur cette route qui m'a permis de lui savoir mon guide gentil, patient, toujours pret pour la prochaine decouverte artistique - litteraire dans cette exploration de la richesse de la culture et coeur kabyles. Je dedie ce poeme a cette avonture fascinante, parfois un peu deroutante aussi, qu'est pour moi ce grand voyage interieur - exterieur que me donne la Kabylie:


Le Dilemme du Masque


Le rappel du rideau, son echo me reste, quand j'etais enfant, dans ma classe de premiere pour filles, au village ouest - flamand, quand je me suis trouvee sur scene, faute de presence de garcons pour la piece de theatre fait pour les parents et les familles, comme son Prince Charmant. Ce n'etait pas mon role, decida la directrice, d'etre la princesse en robe de satin blanc et couronne de pierres de verre eclatants. 

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Je me rappelle le moment ou le rideau a fait son recul lent, pour m'inonder d'aveuglissantes lumieres et que j'ai avancee sur la scene, ou m'attendait le drame de la princesse qui avait besoin qu'on lui sauve du sortilege de la sorciere. C'etait moi le heros qui avec pas surs, fiers, a su liberer la princesse. Depuis, toute ma vie, j'ai pensee qu'il ne faut jamais ceder aux limitations imposees, aux pieges de la vulnerabilite.

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Mais la vie a sa facon de nous inonder, de doute, de demandes, d'insultes et blessures soigneusement camoufflees, et c'est dans ces tumultes de la piece la plus compliquee, d'etre sur scene d'un role ne pas compris ou imaginee, que j'ai trouvee dans un coffre de qui apres j'ai perdue la clef, un masque discret, que personne m'a notee. 

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J'etais qui alors, apres tants d'annees, en costume et masque si bien ajustees, qui pourrait me connaitre, me voir, quand meme moi a peine en rappelais la difference? Timide, silente, souriante pour cacher la peine, de la solitude, ses rages, ses genes? Le temps et son horloge meticuleux avanceait, de 20 ans, a 30, a 40, a 50, et les annees continuent leur danse. 

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C'est au moment que les rives de la Kabylie se sont mis sur la scene, grace a une amie kabyle - francaise, qui m'a introduit au troubadour Idir et ses melodies et chansons envoutantes, que le masque m'est devenu a la duree penible, que le desir m'a envahi, tout patiemment, de me connaitre sans deguisement, sans camoufflages. 

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Sur les rives de la Kabylie, il y vit un chaman modeste, qui j'appelle Chiron, pour l'humilite et le silence de son esprit et ses gestes, qui est devenu le refrain rassurant des mots de mes poemes, qui donne ma voix aux images qu'il fait de sa terre Berbere. Dans la presence de ses visions tranquilles, je me sens recemment a l'aise de m'enlever, sans prise, sans illusions, le masque portee depuis toute une vie.

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On ne peut pas porter un camoufflage pour si lontemps, si peniblement, sans sentir l'effet de se voir le visage, le coeur, l'esprit nus, et vulnerable, sans rendre visible aussi, les traces, les marques qu'y a laissee le poids du masque. Le dilemme du masque resolu, n'en absoud pas le gene, et le devoir urgent, mais aussi de l'espoir rajeuni, de defis exhilirants, de me trouver avec la chance de recommencer, des le debut, ce premier rappel d'antemps, avec cette fois la grace delirante de la presence kabyle, de son bravo, de son sourire ouvert, absolu.


Trudi Ralston 


"Pourquoi se battre pour ouvrir la porte qui nous separe, quand tout le mur n'est qu'une illusion?" Jalal  al - Din Muhammad Rumi (1207 - 1273). Poete et mystique Sufi perse. 



 

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