Apres plusieurs jours de pluie rafraichissante, le soleil et sa chaleur intense sont a nouveau bien installes dans le ciel, qui brille dans son habit immense bleu turquoise liquide. Cette apres - midi, il fait juste en - dessous de 33 degres Celsius ( 91 degres en Fahrenheit, comme on le calcule ici.) J'adore cette chaleur, qui me rappelle mes annees d'etudes universitaires au Texas, ou un jour en ete atteint facilement 39 - 40 degrees Celsius. Ayant grandie en Flandres, en Belgique, ou la couleur de la Mer du Nord reste gris toute l'annee, et l'eau y etait toujours glaciale, meme au mois d'aout, vivre au Texas pour dix ans, etait un regal, quant aux etes chaudes et hivers tres brefs avec des temperatures rarement froides. La chaleur du jour ici, me trouvait neaumoins dans un etat affectif douloureux, duquel j'essaieais de me debarrasser, sans beaucoup de resultat. Je me sentais comme si j'avais le coeur qui etait l'interieur d'un mecanisme laissee dans le froid et la pluie, qui lui avait laissee avec des degats, qui faisaient que les engrenages etaient devenus rouilles, resistants, lents. C'etait une sensation bizarre, de sentir la caresse chaude du soleil et me sentir triste en meme temps. Cela me confondait, je le trouvais inacceptable, et comme est connu du coeur humain, il est resistant. Meme en mille pieces, il continue son battement, nous pousse au - dela de ce qu'on pense capable de souffrir, et on se hausse les epaules, on s'essuie les larmes, respire fort, met le camoufflage du sourire convenable, et voila, le chagrin retourne dans sa boite, tel un diable a resort obeissant. L'idee de la resistance du coeur m'est restee, y compris le son de ses engrenages infatigables, qui insistent de ne pas oublier la melodie de son bonheur, maintenant lointain, evaporee, sans traces, quand il a quittee la scene joyeuse ou on avait connu, ce qui paraissait etre une chance unique de cette avonture rare de se trouver magiquement il parait, face a la vie pour une fois, sans illusions, sans double entendres, sans l'hypnose de la repetition, sans le cynisme d'ombres que si souvent aiment mettre sur le chemin, le destin et son armee de mirages, de defis. Le coeur humain, est un acteur heroique, qui meme moribond de chagrin, de fatigue, d'insultes en camoufflage condescendants, se leve encore et encore, parce que entendre aussi longtemps que possible, la melodie de l'espoir, affaiblie comme elle puisse devenir, est mieux que se rendre au chagrin de son absence totale, de lui donner la derniere parole a la douleur, de lui avaler son venin, ou meurt meme la memoire du bonheur connu si richement, ni moins les notes du bonheur, de sa chanson precieuse, quand etre libre etait ne pas un souhait, mais une realite vecue, savouree, comme un verre de vin Muscat le plus frais, le plus doux, quand la chaleur du soleil avait la senteur de la personne aimee, le gout de ses bras, de son baiser, et la brise chaude etait le toucher de son sourire, la lune et ses etoiles l'eclat de ses yeux, de son ame. Comme poete, aimer la vie est aimer l'amour, comme le mystique perse Sufi Rumi le vivait et savait il y a 800 ans quand il a dit avec une conviction passionnee: "Tombez amoureux, et restez dans son espace." Ceci est toujours un risque, mais comme le savaient et savent les poetes et les rebelles, vivre sans cette oxygene pour le coeur, pour la muse, est tuant, est asphyxiant. Alors, on ramasse ce qui reste du mecanisme de notre coeur, on essaie d'adoucir le bruit et sa cacophonie des engrenages rouilles, et on se repare les degats, parfois avec patience, parfois avec rage, parfois sans aucun effet visible, et on continue, sur la route, le coeur brulant encore, des flammes de s'avoir approchee avec une confidence naive et imprudente a ce coeur autrui, qui a disparu, et on se demande, comment est - ce possible, d'etre un guerrier si intemere et a la fin, si vulnerable, malgre la carapace la plus dure? Quand il s'agit des sentiments dont est capable le coeur humain, meme quand il a souffert tellement, il est pret de croire encore l'impossible, de suspendre les lois du raisonnable, et ses convenances qui ne comprendront jamais les esprits libres et les melodies qui leur visitent le coeur qui vit mal dans le contexte d'un monde qui ne tolere pas les pas des pieds de ceux qui oublient ou sont les marges et les bords, les limites de l'ordre etabli. Cet article veut explorer, exprimer et ainsi comprendre cette douleur, du coeur du poete, cet albatros qui trebuche, comme le savait le rebelle Charles Baudelaire (1821 - 1867), quand il a decrit le destin cruel de l'albatros dans son poeme de 1859, "L'Albatros", maitre aux ailes geants et agiles dans le ciel, et prisonnier de son corps maladroit et du mepris aussitot sur terre: "Le Poete est semblable au prince des nuees Qui hante la tempete et se rit de l'archer; Exile sur le sol au milieu de huees, Ses ailes de geant l'empechent de marcher." Cet article et ces reflections a comme affirmation avec le titre de "Un Mecanisme Incassable", l'annonce d'etre "Le Lien Indissoluble", pour le courage que demande se mettre au bord du tolerable, de risquer le mepris par desir de vivre libre, le coeur tellement pret de se savoir pret de laisser un heritage d'authenticite. Mes energies creatives les plus vibrantes, me sont inspirees par ma muse, la Kabylie, elle qui m'a appris de prendre sans hesitation ce risque, de voler libre, et de ne pas me deranger trop si marcher apres sur la terre de mon exile ici, me coute, m'est difficile, apres avoir goutee la joie de sentir le bonheur profond d'avoir retrouvee mes racines, d'avoir ete donnee les melodies, les rythmes, les couleurs des mots pour mes poemes, mes articles, qui depuis sont devenues toute une gallerie de livres qui celebrent ma Kabylie, ma mere spirituelle. Elle est l'echo de ma voix, qu'elle me permet entendre, comprendre, traduire dans la langue de mes sensibilites et experiences, flamandes - americaines, dans le lien artistique - litteraire qu'elle me donne dans mon collegue d'Aokas, le photographe Nacer Amari de Tassi Photographie. Ce lien unique qui possede un pouvoir transformatif incroyable, pour sa sincerite, son courage, son respect, sa patience, de me voir les vulnerabilities, comme personne, qui a du surmonter des defis et des pertes lourdes. Mais, ce photographe gentil, humilde, de peu de mots, a su m'aider a trouver le courage de croire que oui, je pouvais me retrouver, me reconstruire le coeur, l'esprit, l'ame, unir les pieces du puzzle de ma vie impossible, avant me trouver ma valise de poemes sur le continent de l'Afrique, pres des esprits anciens des montagnes de l'Afrique du Nord, du Maroc d'abord, pour aterrir en Algerie, en route vers la Kabylie qui allait me definir comme poete, ecrivaine et artiste. Personne ne sait combien d'annees de vie on recevra sur cette terre, combien d'annees de bonheur, de joie parmi les beaucoup d'annees de defis, de chagrin. Dans mon cas, recevoir la chance inattendue, de comprendre le fil du tissu complexe de ma vie, n'est pas une evidence, etant deja dans l'automne de ma vie. Recevoir la chance de pouvoir vivre comme poete heureuse et libre, grace a la rencontre avec le chaman et sa sagesse charitable et intemporelle comme se m'a ete revelee le Coeur et esprit Kabyle, de recevoir la grace d'elle de me definir comme poete, finalement libre du sortilege de l'oubli et ses tourmentes, comme j'en exprimeais le souhait deja comme adolescente dans mes premiers cahiers et leurs timides experiences poetiques, est pour moi un miracle. Comme jeune adolescente isolee, timide, je trouvais le courage et l'espoir, dans la lecture, dans les poemes du poete bengale Rabindranath Tagore (1861 - 1941), recipient du Prix Nobel en 1913, et d'Arthur Rimbaud (1854 - 1891), dans le frisson de son poeme "Le Dormeur du Val", de 1870, qui decrit la mort d'un jeune soldat de la guerre prusse - francaise: "Un soldat jeune, bouche ouverte, tete nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort; il est etendu dans l'herbe, il fait un somne: Nature, berce - le chaudement; il a froid. / Les parfums ne font pas frisonner sa narine; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au cote droit." Et le poeme de Paul Verlaine (1844 - 1896) "Il pleut dans mon coeur, Comme Il pleut sur la ville. Quelle est cette langueur. Qui penetre mon coeur?", de 1874. Lire ces deux poemes, quand j'avais juste 16 ans, l'age qu'avait Rimbaud quand il avait ecrit "Le Dormeur du Val", m'avait beaucoup impressionnee, dans ma classe de litterature francaise au lycee en Flandres au debut des annees 1970. La collection de 320 poemes brefs comme le haiku japonais, "Oiseaux Errants" (1916) de Rabindranath Tagore, que j'ai lu a l'age de 14 ans, en traduction flamande, aussi m'avait laisee un impact profond sur le pouvoir du mot comme expression du monde interieur et ses visions du poete: "Il etait un temps, on s'imagineait etre des etrangers. On se reveille, et on decouvre qu'on s'aime.", et "Le Chagrin est dit de se taire, de trouver la paix pour mon coeur, comme le soir le trouve parmi le silence des arbres.", et "Je ne peux pas choisir le mieux. Le mieux me choisit a moi." Le poete libanes - americain Kahlil Gibran (1883 - 1931), aussi allait laisser cette meme empreinte indelible quand j'avais 18 ans, sa collection d'aphorismes, "Le Sable et L'Ecume", sur la liberte, la justice, l'amour, l'art, le temps, l'espace, la guerre, le genie, le bien et le mal: "La poesie n'est pas une opinion qu'on exprime. C'est une chanson qui s'eleve d'une blessure saignante ou d'une bouche souriante." Ma solitude et isolation recevait de la dignite, de la tendresse aussi, dans la presence spirituelle de ces poetes legendaires. La Kabylie me permet re - entendre et re - ecouter les voix et melodies des poemes qui m'ont laissee la graine pour les poemes qu'elle m'allait inspirer si copieusement. Elle m'a aussi introduit au monde de la poesie du mystique perse Sufi, Jalal al - Din Muhammad Rumi (1207 - 1273), qui m'apprend le courage d'embrasser cet amour pour la terre et le coeur kabyle, de me permettre ce bonheur de decouvrir mon ame, mon esprit, d'en comprendre mon histoire, complexe, pleine de contradictions, de solitudes, de rages ne jamais compris avant, de la charite de la guerison, de la fierte de reclamer mon identite si longuement niee. Mon collegue - photographe kabyle Nacer Amari, me donne l'espace ouverte de son art, ses sensibilites et leurs nuances, ou je peux reunir l'apprentissage me donnee en art et philosophie et poesie par mon oncle artiste peintre flamand, Frans De Cauter (1920 - 1981), qui m'a instruit avant que je suis partie pour mes etudes universitaires aux Texas, aux Etats Unis, dans le monde des ecrits du poete - philosophe autrichien Rainer - Maria Rilke (1875 - 1926), surtout ses pensees de l'auteur dans "Lettres a Un Jeune Poete", publiee en 1929, apres sa mort. Pour le poete autrichien, le droit a la volonte et sa libre expression creative dans le monde des arts et de la complexite des liens proches etait une necessite centrale. Travailler dans le monde de sa photographie de Nacer Amari, et dans mon monde de litterature et l'art qui ainsi nous unit ces deux mondes Berbero - flamands, ouvre cette espace immense, ou brille la richesse du coeur Berbere de l'Afrique du Nord, de la Kabylie, qui en m'ecoutant, me permet lui entendre, lui celebrer, lui partager, sa richesse, sa sagesse, sa resistance, sa beaute, son histoire, sa passion, en meme temps qu'elle me permet partager ma vie et son long chemin vers ses rives, ou depuis mes poemes et leurs reves vivent, avec moi a l'autre bout de la terre, marquant le passage de mes jours et de mes nuits loin d'eux et de l'Afrique du Nord, comme le Petit Prince d'Antoine de Saint - Exupery comptait le temps loin de sa Rose avec chaque fois plus de peine, plus d'urgence, plus de tendresse.
Trudi Ralston
L'information sur les vers des poemes et des textes auxquels je fais reference, de Charles Baudelaire, d'Arthur Rimbaud, de Paul Verlaine, de Kahlil Gibran, de Rabindranath Tagore, de Rainer - Maria Rilke, et de Jalal al - Din Muhammad Rumi, courtoisie de Wikipedia.
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