Pour contrarier de facon optimiste, les blues inevitables qui me hantent chaque annee avec l'arrivee de la fin de la saison estivale ici au Pacifique Nord - Ouest, mon mari et moi ont pris la decision de passer quelques jours et nuits sur la cote de l'etat juste en bas de nous, Oregon, a la ville de Cannon Beach, avec ses plages rocheuses dramatiques, et son monolithe fameux au nom de Haystack Rock, pour etre dans la forme d'une grande botte de foin. Le rocher imposant a une hauteur de 71 metres, attire des visiteurs de tous les coins des Etats Unis. Le site est connu pour etre l'habitat de preference de l'oiseau macareux huppe, et d'heberger une quantite de vie marine dans ses bassins de maree. Le rocher inspire des tas d'artistes de la region de lui dediquer des peintures, et c'est vrai que son effet est presque spirituel, dans la brume le matin, et dans la lumiere aveuglante des couchers et levers du soleil duquel Haystack Rock est le protagoniste solennel. Etre dans la presence de ce monolithe qui est temoin de millions d'annees d'histoire geologique, me calme toujours l'esprit, surtout dans ces moments de doutes existentiels, d'incertitudes affectives, d'inevitables impasses incomprehensibles que la vie laisse, pour le coeur humain sur ce sentier precaire terrestre. La plage de Cannon Beach a du monde toute l'annee, et le mois de septembre attire une foule un peu plus reflexive, avec la rentree scolaire, et la fin de la saison des vacances. Comme ecrivaine et poete qui trouve son inspiration et centre dans la culture kabyle de l'Algerie, la distance geographique parfois s'amuse de se traduire aussi dans une distance affective, dans une rupture de communication, qui peut vite devenir agonisante, surtout pour le fait que mon collegue photographe d'Aokas, Nacer Amari, est la moitie indispensable de cette collaboration creative - litteraire. Une interruption dans la communication, qui traine, est donc tres frustrant et penible. Alors, une visite a Cannon Beach et sa sentinelle Haystack Rock, etait urgente, pour m'aider de recalibrer ma perspective, ma patience durement eprouvee, et comme Cannon Beach est a seulement a 3 heures en voiture d'ou je vis a Olympia, en Washington State, tres faisable. L'auberge ou on a restee, etait agreablement nostalgique, avec un petit cour au centre des logements individuels, qui avait un petit etang et des arbres et fleurs. Il y avait meme plein de lapins sauvages, que personne n'embete, comme ils sont un effort de reintroduire une espece locale a une vie sauvage, apres avoir ete domestiquee, un effort qui date d'il y a 40 ans maintenant. Les lapins sont petits, de couleur marron ou noir, et s'amusent de brouter l'herbe et de jouer ensemble. Cela donne un effet un peu de conte de fee, un peu irreel, qui amuse grandement les enfants de visite avec leurs familles.
Il faisait beau les jours qu'on y etait a Cannon Beach, et on a pu voir un coucher de soleil dramatique, de couleurs jaunes - rouges vives, ce qui aussi a augmentee le chagrin dans mon coeur de me savoir si loin de la Kabylie. Un chagrin qui s'installe dans mon ame, et qui y reste parfois avec une intensite tortueuse. Marchant sur la plage ce jeudi, entouree de touristes et gens locaux, d'enfants et jeunes, de personnes agees, tous baignee dans cette lumiere intense, doree du soleil et l'ombre imposante de Haystack Rock, etait comme un moment d'equilibre precaire entre agonie et extase, ce qui m'a laissee avec l'impression d'etre temoin et participant en meme temps, d'une piece de theatre silent, de mime, de danse, de voix muettes, prisonnieres des corps ambulants, comme dans un sortilege leur fait par un sorcier immense, invisible, cachee derriere les coulisses immenses du ciel rouge, moribund dans le rite du soleil qui se coucheait sur cette scene que la nature offrait de facon presque indifferente:
Au Theatre ce Soir, sur une Plage maintenant Lointaine
Au theatre ce soir, sur une plage maintenant lointaine, le soleil etait le tambour silent qui annonceait la scene, et les vagues le choeur qui repetait les cris et mettait a la memoire les pas des danceurs et danseuses errantes.
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La lumiere etait aveuglissante, le soleil saigneait ses blessures rouges comme du sang chaud, qui se melangeait avec l'eau argentee de ses grandes larmes, et le sable souspirait sous le poids de tants de pieds frenetiques, laissants les traces de leurs SOS en alarme.
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Le bruit et l'echo des cris inaudibles resonnaient pourtant fort dans l'ame eternelle du sphinx monolithe de la plage, ce rocher Haystack Rock insensible, comme un robot ancien laissee par des extra - terrestres d'une galaxie lointaine, qui registre les rythmes de la tragedie et de la comedie humaines.
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J'ai quittee la plage, couverte dans le rouge vibrant du soleil, qui s'etait peint sur mon ame, et la tristesse du manque Berbere m'a laissee pour un moment sublime, et j'ai laissee sur cette plage et sur la scene de son theatre diurne, les cris d'agonie qui vivent sans remede dans mon coeur de poete.
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De me savoir soumise a la peine irresolue et son mystere, de me savoir enfant de la Kabylie, poete et ecrivaine, artiste, en confinement loin de ses rives, loin de mon collegue et la medicine qu'est pour mon dilemme son art et ses visions de qui leur absence sans lui me font souffrir, me tourmentent.
Trudi Ralston
"Il faut briser le coeur, jusqu'a ce qu'il s'ouvre." Jalal al - Din Muhammad RUMI ( 1207 - 1273), poete perse, savant et theologue Sufi, de Balkh, qui est aujourd'hui l'Afghanistan.
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