La Kabylie et le lien qu'elle me donne avec une famille de coeur, me permet d'explorer le monde de mes inspirations poetiques et artistiques, et leurs origines, leurs antecedents, leurs histoires. Ce lien spirituel, symbolique avec la terre kabyle fertile, est d'ou mon monde creatif recoit les energies transformatives de sa lumiere, de la chaleur de son soleil, des eaux fraiches, desalterantes de ses rivieres qui naissent dans ses montagnes eternelles. C'est aussi le manque reel, tangible, de la terre kabyle, de ma famille de coeur si loin d'ou je vis ici dans la region du Pacifique Nord - Ouest des Etats Unis, qui me define d'egale mesure. Ce manque du pays, qui me suit depuis mon premier sejour en Kabylie en septembre - octobre 2019. Mon coeur de poete vit ainsi, comme sur le rythme vite et ralenti d'un tambour, la joie de l'amour pour la Kabylie et du chagrin de son absence tout en un. Le chagrin, comme la joie, est une chose bizarre, si on essaie de le comprendre, car on n'y peut rien. Les sentiments ne se rationalisent pas, on peut essayer de les comprendre, de les sentir avec tolerance, avec patience, mais les sentiments ne sont pas subis au monde rationel, ne sont pas des puzzles a resourdre avec une formule mathematique. Ils sont une energie de joie a jouir, ou une energie de douleur a tolerer, qui avec le temps s'adoucit, se calme, quoiqu'il y a des souffrances du coeur, de l'esprit, qui a peine nous laissent, qui sont comme des blessures tres sensibles, qu'il faut traiter avec beaucoup de soin, beaucoup de respect, de tendresse. Lutter comme je fais, avec toute ma force, contre ce manque de ma Kabylie, de son coeur, de son esprit, prouve etre inutile: montre - moi une video ou photo du Djurdjura, de ses villages, et surtout d'Aokas, vue d'en haut, et mon coeur doit se battre contre les larmes, contre cette douleur qui se met au milieu de mon coeur, comme y mis avec un couteau a la lame de feu brulant, et je n'y peux rien, que attendre, que le chagrin passe, comme la mer tolere l'ascente et la descente de ses vagues. Comme les saisons, cette peine va et vient, et les jours ou elle est aigue, cela me coute de l'effort de ne pas l'eviter, de lui addresser avec courage, de l'accepter, et d'essayer de l'exprimer dans le contexte de ma vie ici, dans le contexte de mes racines flamandes, dans la realite dure de tant de pertes de famille, dans la realite dure de tants d'annees vecues en silence, en anonymat, invisible. L'effort de continuer d'exprimer ma voix de poete continue, certains jours avec elan, confiance, conviction, et d'autres jours, quand la Kabylie se sent loin, quand ma famille de coeur se sent loin, avec pas mal de difficultes. Je suis reconnaissante a mon collegue d'Aokas, le photographe Nacer Amari de Tassi Photographie et a mes amis randonneurs fidels, Rac Adrar et Lemnouer Khaled, qui ont un particulier talent de savoir comment m'encourager, comme le sait faire aussi Mounir Amari, le cousin du photographe Nacer Amari, et qui l'a accompagne a Tunis, pourque je puisse faire connaissance au photographe - collegue et camarade kabyle en personne, apres 4 ans de collaboration creative magnifique, qui continue de donner vie a des livres et pieces de l'art, depuis 2019. Cet encouragement gentil, respectueux, les jours ou la solitude de mon petit bureau ici a Olympia m'envahit, et l'isolation de tants d'annees, quand la distance de 9000 km parait etre plutot des millions de kilometres, quand je me sens comme Don Quichote, survenue des moulins de la melancholie, de la futilite, comme Don Quichote, qui les pensait des geants malevolents, quand mon collegue professionnel lui aussi se voit absorbee par les energies de la vie, de ses joies et defis, est la grace qui me permet de pousser a cote le manque de pays, le doute, et me permet voir a nouveau avec clarte, le sentier sur lequel se trouve ma vie de poete. Ces gestes de gentillesse, sont des graines de l'or, qui me laissent savoir, que ma voix atteint le coeur kabyle, que mes efforts ne sont pas en vain, que le bien dans ce monde brille plus fort que les efforts nefastes du mal et ses contortions, ses sinistres obsessions comme metamorphe repugnante.
La grace dans le chagrin, qui assure que la joie recoit sa chance, garde son courage, voila comment je comprends cette misericorde que je recois du coeur kabyle, de sa sagesse, de sa vision spirituelle, cette belle illusion optique, qui a travers la magie de ses sensibilites, me laisse savoir, que je ne suis plus seule, comme poete, comme artiste, comme etre humain qui a du se battre comme une lionne, pour ne pas disparaitre, pour ne pas permettre que les pertes et traumes du passe m'avalent, me detruisent. Le lion est le symbole du courage flamand, et il est le protagoniste du drapeau flamand: un lion en silhouette noire, erige, rugissant, sur un fond jaune brillant, et la chanson des flamands qui accompagne ce lion fier, resistant a ces mots, et fut ecrit par Hippoliet Van Peene en 1847, avec une musique de Karel Miry:
"Il ne vont pas reussir a dominer le lion flamand, aussi longtemps qu'il reste un flamand, Aussi longtemps que le lion a des griffes, aussi longtemps qu'il a des dents.
Il se bat depuis des milliers d'annees pour sa liberte, sa terre, son Dieu, Et ses forces gardent leur jeunesse. Si on le pense impuissant, et on lui tourmente avec des coups, c'est alors que le lion flamand s'erige et menace de facon effrayant. "
Si mon coeur flamand sait ces jours recuperer sa force, sa jeunesse, son energie, et fierte creative et identitaire, c'est grace a la Kabylie, sa terre et son esprit, c'est grace a mon collegue d'Aokas, Nacer Amari, et a mes amis kabyles fidels, qui m'envoient de loin un peu du soleil kabyle, de sa lumiere, de sa grace, de sa sensibilite, qui me permet retrouver le centre, grace a leur esprit de sagesse, en me pretant une illusion optique charitable venue des rives berberes du Nord de l'Algerie. Recevoir cette grace dans les moments de doute, de chagrin, est le regal qui a chaque fois me guide vers la joie, vers l'espoir, vers la comprehension que mon ame est kabyle, et l'est depuis la nuit des temps. Merci a vous, Rac Adrar, Lemnouer Khaled, Mounir Amari, pour etre si present, si visible, ensemble avec mon collegue Nacer Amari, sur le chemin difficil et pourtant si beau, si unique, et sublime, de mes efforts de donner gloire a cette terre, qui reussit, qui sait, me definir comme poete, comme ecrivaine, comme artiste, qui depuis 2017 est mes ailes, mon souffle, ma vie: la seule et eternelle Kabylie.
Trudi Ralston