Saturday, November 26, 2022

Au Monde des Esprits Gentils: Le Marche des Fantomes - dans la serie "Les Blessures de Chiron"

           Le monde des reves la nuit est depuis mon enfance un monde que je visite et qui me visite avec grande regularite. C'est un monde de couleurs, de theatres, d'une multitude de personnages, connus et etrangers, un monde qui rappelle souvent aux films de Federico Fellini ( 1920 - 1993), qui avait un interet dans les theories sur les reves du fondateur suisse de la psychologie analytique, Carl Gustav Jung (1875 - 1961) pour la confluence entre le concret et le surreel, un monde de silences, et aussi de voix, de la part de personnes qui m'aident a naviguer ce monde complexe, qui souvent pour moi est une odysee longue et seule, toujours pres de villes pleines de bruit, pleines d'autoroutes, avec moi toujours a pied, invisible a  la circulation frenetique qui m'entoure. Souvent dans ces reves intenses, mais heureusement rarement effrayants, je cherche le retour vers mon village natale en Flandes, que je n'ai plus vu en 35 ans maintenant, et sur mes routes je me trouve souvent sur des souks, des marches, avec pleines de personnes charitables, qui essaient de m'aider trouver le chemin, qui me donnent a manger, a boire. L'ambiance au souks est souvent une de carnaval, de fete, ou les gens rigolent, se visitent, et moi j'observe cette energie des marchands de fruits, de legumes, de fleurs, de gourmandises, qu'on m'offre, qu'on me partage. Parmi les foules de gens inconnus, il y a dans ces explorations a pied de mes reves, des personnes connues, parmi elles c'est tres souvent mon pere, qui a disparu en 2008, qui a une certaine distance me suit, pour se rassurer que je ne me perds pas trop dans ce monde flou et incertain qu'est lunivers de mes reves la nuit. L'absence de famille toutes ces annees ici dans ce vaste pays des Etats Unis, qui parait perdre une piece de son ame avec chaque jour qui passe, a fait que je me construis un village de famille dans mes reves, et ceci avec beaucoup de difficulte, car je m'y trouve si souvent toute seule dans une tumulte de personnes inconnues, qui portant sont gentilles, et se demandent que je fais dans leur monde la nuit. Les souks paraissent etre des scenes de theatre, ou tout le monde se connait, sauf moi, et je cherche parmi les personnes disparue de ma famille un visage que je connais, qui me dirait comment trouver mon chemin de retour. Je pense souvent au souk a Ifrane, au Maroc, que j'ai eue la chance de visiter en 2019, juste avant mon sejour en Algerie la meme annee. Ce souk berbere etait une merveille pour moi, et c'etait un des sites ou je me sentais si a l'aise, car tout le monde qui etait la, les marchands, les familles, me disaient bonjour, et je me sentais acceptee, et ce fut une sensation de grande joie, tres emouvante. Je me rappelle a ce papa avec sa famille, sa belle epouse et leurs cinq enfants, et il m'a toleree que j'admirait sa famille, et quelque part il a compris mon emotion, il a compris que pour moi ce bonheur d'appartenance, culturelle, identitaire, cette fierte, cet heritage, m'etait perdue il y a longtemps. Je me rappelle encore son regard, ce melange de comprehension et charite, et de fierte aussi, que j'admirais sa belle famille dans leurs brillantes couleurs de leurs habits berberes. Ce souk a Ifrane etait le contraste le plus grand avec le monde des souks dans mes reves, ou les personnes ne me voient que brevement, entre le bruit du va et vient du commerce du jour. Depuis mon sejour en Kabylie en 2019, quand je pense a un chez moi pour mon coeur de poete, je pense a la Kabylie. Elle est ma mere spirituelle, elle est ma famille de coeur, ma muse, ma joie et mon courage. Elle adoucit le monde de mes reves, leurs incertitudes, leurs solitudes, elle est ma voix redonnee, mon identite restauree, elle est la main chaude dans le noir quand le monde precaire de mes reves parfois me pousse vers la torture psychique de cauchemars, ou je dois faire face a des fantomes aux grimaces qui me blessent avec des agonies du passe, que la Kabylie tel le soleil et sa lumiere me chasse, m'enleve, elle est l'esprit gentil, qui m'embrasse, me guerit les peines. Je crois que le coeur berbere de la Kabylie est acueillant, pour savoir ce que c'est se battre contre la perte de sa culture, de sa langue, de sa terre, de sa mythologie, de sa famille aussi, suite d'emigrations comme consequence des ruptures sociales et interieures qu'a laissee des milliers d'annees d'invasions et colonisations brutales. La Kabylie est pour moi tel Chiron, le guerisseur blesse de la mythologie grecque, qui me voit les blessures au coeur, a l'ame, et les soigne, et m'inspire par sa grace, son esprit d'accueill, de patience, de tolerance, de raconter mon histoire et en meme temps elle me raconte sa vie, me partage son odysee ancienne et resistante. Quand la Kabylie me manque, les souks dans mes reves sont pleins de dangers, de tristesses, ils m'entourent avec les fantomes de mes solitudes si durement survecues, et quand la Kabylie m'est proche au coeur, elle y brule comme une flamme rassurante qui m'illumine mes poemes, mon art, mes livres, qu'elle continue a m'inspirer, qu'elle chante et guide a mes cotes, comme un esprit gentil, qui ecoute, qui voit, qui entend, qui aime, qui comprend. Ce poeme est ecrit pour ma Kabylie, pour ma famille de coeur berbere:


Aussi Longtemps 


Aussi longtemps, que quand le matin arrive, je vois le soleil kabyle qui me laisse la lumiere de son sourire pres de ma fenetre, je peux tolerer le monde incertain de mes reves la nuit, ou souvent je me trouve, sans le vouloir, sans pouvoir eviter ses ombres, que me laisse son monde avec une nonchalanche surprenante sur mon oreiller apres que part l'ete et ses chants d'oiseaux et grenouilles. 

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Aussi longtemps, que quand les chimeres de la nuit et ses scenes de theatre s'evaporent quand je me rappelle la chaleur de ton etreinte, qui me dit bonjour, qui me touche le coeur, je peux tolerer ce gout de frisson froid que me laisse la foule du monde de mes reves ou je marche si loin sans jamais arriver nulle part.

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Tu es la voix de mes poemes, tu en es leurs melodies, leur courage, leur fierte, ma Kabylie, ma mere spirituelle quand ma mere sur cette terre ne voulait pas de sa fille, qu'elle a obligee de souffrir une enfance seule et une adolescence ne pas permis de fleurir. 

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Quand je vois la lumiere de tes yeux ou brille la sagesse de milliers d'annees de tolerance, de resistance fiere, quand j'entends ta voix sonore, avec son echo de tes montagnes, de tes rivieres, je sors du monde trouble de mes reves penibles avec une energie renouvelee, avec au coeur cette tendresse, cette grace que tu me laisses comme des roses qui m'accompagnent mes chants, mes espoirs. 


Trudi Ralston 

Friday, November 25, 2022

Theatrum Mundi: Le Langage Contextuel du Portrait "Les Anciens" de Nacer Amari - dans la serie "L'Esprit Itinerant"

           Il y a dans le monde de la portraiture, un genre de portraits important, qui a connue une expression visible de qui son influence continue dans la photographie et peinture d'aujourd'hui. Ce genre de portraits se define comme portraits sujet de conversation, " conversation piece" en anglais, pour le fait que son interet remonte a une vogue de portraits du XVIIIeme siecle aux Iles Britanniques. Un portrait du 23 novembre 2022 de la part du photographe berbere d'Aokas, Nacer Amari de Tassi Photographie, est un merveilleux example de ce genre sujet conversation. Le portrait au titre "Les anciens" a tous les elements d'un portrait qui a au centre une conversation de qui son contenu impliquee est elusive et sait generer ainsi un interet immediat, comme le sait faire une scene de theatre quand s'ouvrent les coulisses au spectateur de qui son imagination attend avec impatience que commence le dialogue entre les protagonistes. Les mots du photographe soulignent de facon tres precise l'importance de ce portrait sujet de conversation, et cet article va leur donner leur contexte historique et artistique, dont la complicite reussie des personnages de "Les anciens" de Nacer Amari est un des aspects intrigants de la narrative de ce portrait: " Mon dernier portrait parle de deux vieux, c'est les retrouvailles. Ils avaient entre autres fois le meme nom de famille, l'un tu le connais deja, c'est le frere de ma mere, et l'autre c'est son cousin Ahmed, un emigre. Ils ont entame une discussion serieuse de ce qui doit etre un sujet tres important. Enfaite, ils sont tout le temps serieux. J'ai voulu les prendre en photo, pour immortaliser cet instant et rendre hommage a tous les veterans, parce que un jour ou l'autre on partira." Ce contexte precis evoque une profonde nostalgie, pour les vieilles personnes que je me rappelle de mon enfance et adolescence en Flandes: mon grandpere maternel Guillaume; ma grandmere paternelle Celina; un ami poete de mon pere au nom de Jules, qui etait aussi un jardinier; un autre jardinier tres gentil qui travaillait encore avec beaucoup d'energie et vitesse a l'age bien depasee de quatre - vingts ans, Arthur Naert; le frere invalide et sa soeur du mari de ma tante Denise, Nestor et Irma. Toutes ces annees ici aux Etats Unis, etre autour d'une personne agee reste un privilege tres rare, pour etre si loin de tous liens de famille. "Les anciens" rappelle aussi les peintures narratives de Vincent van Gogh (1853 - 1890), et de l'ami de mes parents, le peintre expressionniste flamand Raoul Van Den Heede ( 1924 - 1999), qui avait une fascination pour le portrait sujet de conversation et qui etait capable lui - meme de conversations tres animees sur l'art, la vie et le sujet de sa vie tumulte suite de defis enormes qu'il avait survecus pendant la Seconde Guerre Mondiale, ayant echappe deux fois de camps de prison de guerre en Europe de l'Est. Le genre du portrait sujet de conversation derive son energie, son interet dans la joie du partage, de conversations animees, de contes orales illustrees, de la complicite verbale impliquee, de la nostalgie, tous des elements richement sugerees dans la piece de conversation que nous peint "Les anciens". 

            Bien avant que le portrait sujet de conversation, "conversation piece" allait devenir en vogue aux Iles Britanniques, le peintre maitre de l'ere de l'Or du Baroque du Nord, l'artiste neerlandais Rembrandt van Rijn ( 1606 - 1669) etait connu pour ses dessins qui illustraient des conversations animees, comme son dessin en craie, plume et encre brune, "Deux Vieux en Conversation", et au XIXeme siecle, le peintre Adolf Von Becker ( 1831 - 1909) de la Finlande a de belles pieces comme sa peinture "Deux Vieils Hommes en Dialogue" de qui le portrait photo sujet de conversation "Les anciens" de Nacer Amari sait creer cette meme ambiance d'interet pour la conversation impliquee et son energie d'optimisme et intrigue. Ce phenomene du portrait sujet de conversation commence aux Iles Britanniques au debut des annees 1720 et vers la fin des annees 1730, et il y a un article meme qui se dedique a l'etymologie de la "conversation piece", ecrit par Chin - Jung Chen, dans le British Art Journal, Volume XIII, No.2: "The Etymology of the "conversation piece". Le portrait de famille de 1732 de Thomas Wentworth, le comte de Strafford, du peintre Gawen Hamilton (1698 - 1737) comme composition est un des premiers examples du portrait en groupe sujet de conversation, " Conversation piece" a juste 94cm par 84 cm de ce portrait en pied, ou les personness sont engagees dans des conversations animees, de la musique, le rite du the, ou le jeu de cartes, dans une scene exterieure ou interieure. Le terme " conversation piece" apparait pour la premiere fois en 1706 vers la fin de la traduction par John Savage du livre sur la vie du peintre Roger de Piles, "Abrege de la vie des peintres" et dans les cahiers de notes de George Vertue ecrit entre 1710 et 1756, et definent la conversation piece comme etre le sujet de narratives modestes. Les peintures portraits sujet de conversation etaient peints d'abord selon la tradition des portraits genres de l'age de l'Or des Pays Bas, et des peintures "fetes galantes" de Jean - Antoine Watteau (1684 - 1721), un peintre qui avait un interet dans la renaissance du mouvement et de la couleur sous l'influence de Correggio et Rubens, et dans le style post baroque plus naturaliste du rococo. Les pieces sujet de conversation etaient des portraits de groupes petits, et ce style avait son antecedent dans les Pays Bas du XVIIeme siecle, sous le nom flamand - neerlandais de "conversatie" par des peintres comme l'artiste flamand Hyromimus Janssens ( 1624 - 1693), et le peintre neerlandais Dirk Hals (1591 - 1656) et le peintre flamand, Peter Paul Rubens (1577- 1640). L'humour aussi joue un role important dans les portraits conversation piece, comme est visible dans le portrait de famille de 1732 du peintre anglais Gawen Hamilton du comte Henry Wentworth de Strafford. Cet humour se manifeste dans des blagues visuelles de la part d'enfants, d'animaux, ou aussi d'adultes dans des positions compromises, qui ajoutent une ambiance detendue et d'anecdote aux portraits. 

            Un autre aspect interessant des portraits "conversation piece" est le role du genre, de l'identite, ou le sexe masculin montre une preponderance notable. Dans l'Angleterre du XVIIIeme siecle, les portraits "conversation piece" illustrent avec exclusivite des reunions d'hommes, quand il ne s'agit pas de portraits de famille, pour la dominance sociale du genre masculin, qui se reunissaient dans des cafes, des tavernes, des clubs, pour celebrer les privileges sociaux du sexe masculin de la societe anglaise du XVIIIeme siecle. Donc, ces portraits " conversation piece" etaient des documents qui illuminaient les liens entre les hommes apart des liens de la famille, des liens de commerce, d'amitie, de politique, d'interets culturels. Les peintres memes des portraits "piece de conversation" souvent se reunissaient et s'entre connaissaient a travers des clubs de reunions d'artistes et leur clientele, comme elabore l'ecrivaine Kate Retford dans son livre illuminant de 2017: "The Conversation Piece: Making Art in 18th Century England", qui a une bonne revue faite par Ms. Alexandra M. Macdonald dans le Review History de 2022. Le livre antecedent sur le sujet du portrait conversation piece est celui de 1971 du critique d'art et de literature, et conaissseur italien Mario Praz (1896 - 1982), qui avait un interet dans ce genre de portraits comme vue dans la vie quotidienne et son epanouissement de la classe moyenne anglaise du XVIIIeme siecle avec la revolution industrielle et l'expansion de l'empire britannique, et dans ce sens, les portraits sujet de conversation etaient une manifestation sociale moderne. Un point tres interessant dans le livre de Kate Rentford est aussi sa these du lien entre le portrait "conversation piece" et le monde du theatre, qui passait a l'epoque par une periode de floraison, avec l'idee que le monde entier etait un theatre: theatrum mundi: "Derivees de mots et sujets de conversation, ces images sont moins preoccupees par l'echange reel des mots dits, qu'elles le sont de capter la representation codifiee de cette echange sociale." ( page 123) ce qui etablit ainsi un lien selon son livre, entre l'etiquette sociale des manuels sociaux et les mises en scene de l'epoque, et le langage contextuel dramatique du portrait sujet de conversation. Cet interet dans le portrait "conversation piece" continue aujourd'hui, comme est evident dans les peintures sujet de conversation de grande renommee de l'artiste anglais contemporain David Hockney (1937) qui a l'age de 85 ans donne encore des expositions de ses peintures de grande taille mondialement, et de qui son art se vend pour des millions, avec sa peinture la plus chere recemment vendue pour plus de 90 millions de dollars. Le portrait "Les anciens" du photographe Nacer Amari continue une riche tradition dans le monde de la portraiture, qui prend un interet vif dans l'intrigue et l'ambiance de la conversation sugeree, impliquee, devinee, partagee, dans toutes ses nuances culturelles, artistiques, identitaires, sociales. Ce portrait de deux vieux berberes en conversation animee, avec sa complicite nostalgique, renforce cette si agreable sensation d'appartenance et ambiance narrative que sait creer le photographe d'Aokas avec ses portraits kabyles, qui celebrent la richesse en esprit, en histoire de sa region natale, la fascination que tient la Kabylie, son peuple et ses traditions orales, historiques, artistiques, sociales, dans un monde qui risque se perdre dans les brumes et le stress de l'anonimite identitaire et sociale du monde post - moderne et ses incertitudes globales. 


Trudi Ralston  

La recherche sur le genre du portrait sujet de conversation, " conversation piece" et ses origines et importance historique et artistique - sociale, courtoisie de Wikpedia et les articles suivants: " From genre to portrait: The Etymology of the "conversation piece" by Chin - Jung Chen, dans le British Art Journal, Volume XIII, No. 2, et la revue du livre de 2017 de Kate Retford " The Conversation Piece: Making Modern Art in 18th Century Britain" par Ms. Alexandra M. Macdonald, dans Reviews in History, de 2022, reviews.history.ac.uk  

Saturday, November 19, 2022

Quand elles Tombent Vertes: Les Larmes des Arbres Froids - dans la serie "Les Blessures de Chiron"

            Ce matin, il faisait -7 degres Celsius, ou 19 degres Fahrenheit comme on le calcule ici. Ce froid est tres rare pour l'automne, et meme en plein hiver, ce froid n'arrive que de temps en temps juste avant la fin de l'hiver, le mois de fevrier. Un phenomene bizarre de ce froid soudain la nuit, fait que les arbres laissent tomber leurs feuilles quand elles sont encore toutes vertes. Observer cet evenement, est hallucinant: les feuilles tombent tout en meme temps, faisant un bruit ruissellant, telles des gouttes d'eau qui descendent vite, pour tomber en silence, comme le font les larmes. Les arbres laissent tomber leurs feuilles comme des larmes vertes. Ils paraissent pleurer tous ensemble, le spectacle me laisse avec un frisson. Je n'ai encore jamais vu tomber les feuilles si vite, si tristes, comme si elles savent que ceci n'est pas normal, qu'il faut attendre que leurs feuilles sont peintes de couleurs vives rouges, jaunes, oranges, pourpres, pour tomber dans une danse joyeuse que leur chante la brise. Heureusement, il y a les arbres vieux et tres hauts dans la foret a l'autre cote de la cloture qui marque le jardin, qui ont une belle couronne grande de feuilles dorees et rouges, et qui ont a leurs pieds un tapis multi - colore de feuilles brillantes. Mais trop d'arbres fremissent dans leur robe de feuilles vertes, qui tombent, qui pleurent en larmes vertes, et qui se trouvent nus, soudain, sans l'etreinte chaude de la danse de feuilles rouges, oranges, jaunes, pourpres, et les arbres qui restent la avec leurs feuilles vertes encore attachees, restent immobiles, comme s'ils se ferment les yeux, et font un voeux de ne pas se voir tomber les feuilles en larmes, seules, perdues.  Ce poeme exprime cette realite dure du changement du climat, avec des saisons de trop de pluie, ou ne pas assez, trop de chaleur, trop de froid, ou la terre crie sa detresse, en esperant que l'etre humain lui ecoutera, avant que les arbres se trouvent trop invisibles pour se rappeler comment faire encore des feuilles et fleurs nouvelles en printemps et ete. Je dedique ce poeme a ma Kabylie, a sa terre resistante, a son peuple au coeur infatigable et plein de chaleur et courage, qui continue a faire honneur a la terre, aux traditions des ancetres, aux rites sacrales des saisons, a la sagesse des recoltes, malgre les defis considerables et reelles d'un monde avare et egoiste qui ne comprend rien du bonheur, de la paix interne que donne au corps, coeur, et esprit humain, de se savoir unie, nourrie, par la mythologie profonde que donne la connaissance de savoir travailler la richesse et abondance de la terre:


Quand elles Tombent Vertes


Fremis, etre humain, comme le font les arbres cette automne, qui voient tomber leurs feuilles vertes, seules. J'entends la terre qui se plaint, qui se demande, a quand l'avarice va comprendre qu'on ne mange pas l'argent, que comme le savent les sages du monde, qu'une fois mort le dernier arbre, que l'or et ses eclats ne se digere guere, que sans respect pour la terre l'homme ne peut pas survivre, que les batiments d'acier et verre ne sont qu'un sortilege du vide.

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Les arbres savent, leurs racines le chantent, comme on sait sur terre kabyle, que les lois des ancetres quant aux recoltes et ses mysteres, il faut respecter, il faut sauvegarder pour que le savent vivre nos enfants qui devront suivre sur les traces incertaines d'un monde qui s'egare dans les illusions du pouvoir et ses chimeres. 

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Les feuilles vertes qui tombent des arbres en automne, sans les couleurs vives du rouge, orange, jaune et pourpre, elles sont les larmes qui coulent pour donner a boire a la terre, qui a soif, qui voit qu'on oublie le respect pour ses dons, sa sagesse. Les feuilles tombent vertes, dans un silence inquiet, de detresse, elles tombent avec le son que fait un baton de pluie, cet instrument qui celebre la reverance sacrale et ancienne. 

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Unissons alors nos coeurs comme le sait faire le coeur kabyle, le coeur amerindien, le coeur des peuples nobles de la terre, pour que ne plus le son des larmes vertes des arbres resonne, pour que le jour revienne ou les feuilles tombent a nouveau toutes multi - colores, et qu'il y ait a nouveau un equilibre dans les saisons et la paix et satisfaction que le travail de leurs racines partagent et donnent.   


Trudi Ralston  

Tuesday, November 15, 2022

Maitrise et Mystere: Le Regard Averti du Portrait "Mustapha" de Nacer Amari - dans la serie "L'Esprit Itinerant"

            Il y a des portraits dans la peinture, dans la photographie qui resonnent parcequ'ils nous invitent en meme temps dans le monde des arts et dans le monde de nos propres experiences. Cette confluence d'une reponse qui est a la fois esthetique et affectif, qui reveille notre curiosite quant au monde de l'histoire de l'art qui nous aussi permet de voir et comprendre avec un peu plus de clarte dans les desseins et influences qui font le trajet de notre vie individuelle, est la reaction qui m'a attiree l'attention dans le portrait du 12 novembre 2022 en noir et blanc, "Mustapha", du photographe berbere d'Aokas, Nacer Amari de Tassi Photographie. Le contexte du portrait de la part du photographe fut ce qui a rendu clair le double effet qu'avait ce tableau: " Mustapha est un cousin. Il a 70 ans, j'aime en lui le sourire permanent malgre qu'il est souvent triste. Mustapha a de petits yeux, mais un regard loin et percant et il a toujours quelque chose a dire. " Mustapha me rappelle dans son regard averti a ma tante Lieve, la soeur la plus jeune de mon pere. Elle fut marquee comme enfant tres jeune par les traumes de la Seconde Guerre Mondiale, quand elle et mon pere et leurs deux soeurs ont perdu a leur pere, quand ma tante Lieve avait juste 4 ans, et mon pere avait 14 ans, et se trouvait du coup l'homme de la famille. La dure realite de cette perte, avait laissee ses traces sur ma grandmere, une femme fiere et tres resistante, et sur mon pere, et ses deux soeurs ainees, et surtout sur ma tante. Elle est une femme ferocement independante, qui n'a jamais voulu se marier, et qui a un caractere tres resolu.  A l'age de 82 ans maintenant, elle continue a vivre seule, malgre des defis avec sa sante. Parfois quand je lui parle au telephone, je me rappelle son regard lointain et averti quand elle me racontait sur la Seconde Guerre Mondiale, quand les nazis occupaient la Belgique aussi ou je suis nee et ou j'ai vecue jusqu'a l'age de 19 ans. Elle se rappelle comme enfant les contes de mon pere, quand les nazis terrorisaient les villages en Flandes, et faisaient la chasse aux hommes de tous les ages pour les enlever par force et les transporter pour travailler dans les fabriques d'armes du regime de Hitler, ou ils etaient utilises comme des esclaves, pour mourir de fatigue, de faim, d'abus physiques et mentaux. Les soldats allemands les faisaient la chasse avec des matraques dans les champs, je me rappelle encore l'horreur dans les yeux de ma tante. Ce meme regard lointain je vois dans les yeux avertis du portrait "Mustapha" de Nacer Amari. Le realisme intime du portrait rappelle aussi a l'art du peintre neo - baroque norvegien de naissance suedois, Odd Nerdrum (1948) qui est considere un des peintres les plus importants du style classiciste, et qui a ses peintures dans des galleries mondialement. Odd Nerdrum est un artiste tres interessant, pour le fait qu'il a pris une route de rebellie contre le mouvement moderne abstracte qui etait de vogue en Norvege au moment qu'il y a recu son education artistique a l'Academie Nationale des Beaux Arts. Il se sentait mal a l'aise dans le mouvement moderne, et a pris la decision de s'eduquer dans le style des peintres de la Renaissance et du Baroque. Le peintre qui allait avoir la plus grande influence sur lui etait le peintre de l'Age d'Or du Baroque du Nord, Rembrandt van Rijn (1606 - 1669). Son insistance de suivre son propre intuition et interet artistique dans ses peintures, resulta dans son expulsion de Odd Nerdrum de l'Academie Nationale des Beaux Arts. Dans les mots de Odd Nerdrum: " En choississant les qualites qui etaient si etrangeres a mon epoque, j'ai du abandonner en meme temps l'art sur lequel l'art de notre epoque met sa fondation. Je devais peindre en defi de mon propre ere, sans la protection de la superstructure de cette ere. Bref, je savais que j'allais me peindre dans une direction d'isolation." Ses mots resonnent fort dans mon coeur de poete, qui ne s'est jamais senti a l'aise dans la langue anglaise et l'esprit dominant des Etats Unis, et qui a trouvee sa voix en francais, comme adolescente flamande, pour trouver son expression et liberation depuis 2017 dans la culture et le coeur acceuillant de la Kabylie. 

           Le portrait "Mustapha" du photographe Nacer Amari a ainsi ce double interet, celui de savoir evoquer une reponse affective intime, et de inspirer une analyse esthetqiue culturelle importante et profonde. A partir de 1981, les peintures de Odd Nerdrum sont decrit comme se concentrer surtout sur des portraits individuels: "Les personnages qui a partir de 1981 habitent le monde de ses peintures sont saturees d'une grande quietude, d'un silence, et ont aussi une force vitale qui evoque une unite cosmique qui vainc l'individualite. Ce sont des personnages archetype, qui occupent des circonstances pre -sociales apocalyptiques dans des paysages austeres, sombres, une reference d'une espace au - dela de notre ere." Rembrandt van Rijn etait fameux pour ses portraits et aussi une grande serie d'auto - portraits, et Odd Nerdrum aussi peint depuis sa jeunesse une grande serie d'auto - portraits, tres francs et d'une profonde intimite affective, qui rappelle aussi certains des peintures et dessins du polymathe Leonardo da Vinci (1452 - 1519) qui a laissee son influence sur Rembrandt van Rijn et Odd Nerdrum. Rembrandt et Odd Nerdrum tous les deux aussi s'exprimaient dans leurs portraits et auto - portraits autant en peintures qu'en dessins de superbe qualite autant artistique qu'affective. Le regard averti qui est un trait aussi des portraits de la Renaissance et du Baroque, qui est visible dans beaucoup des portraits et auto portraits de Leonardo da Vinci, introduit un element de l'inconnu. Le regard averti, avec sa perspective hors de vue du spectateur et du peintre, cree une ambiance d'introspection, comme on ne sait pas ce qui occupe le regard du protagoniste du portrait. Cet element de mystere, de l'irresolu ajoute une energie de tension, d'attraction qui permet au spectateur d'ajouter ses propres observations et pensees au portrait, d'essayer de trouver la lumiere dans le jeu d'ombres du regard du protagoniste que nous presente le peintre ou le photographe. Le regard averti du portrait "Mustapha" a ses belles resonances des portraits classiques, d'une perspective multiple, complexe, qui donne une vue intrigante au monde post moderne et ses incertitudes, ses hesitations face a une terre qui continue a etre envahie de traumes, et ou le passe et ses histoires ne parait pas etre assez pour eviter de faire les memes erreurs. La perspective philosophe de la part du photographe d'Aokas Nacer Amari revele les sensibilities artistiques et culturelles de la Kabylie, qui connait tres bien a travers sa longue histoire d'invasions et luttes pour la sauvegarde de son identite et liberte, les defis du passe qui continuent a envahir avec leurs ombres longues et tetues, la volonte de la lumiere qui avec beaucoup de courage et determination continue a definir son coeur et esprit resistants et eternels. L'art narratif et classique dans ses themes et visions du photographe berbere est ainsi en ligne directe avec les intuitions que continue a defendre un rebelle comme le peintre Odd Nerdrum, et affirme l'importance de l'esprit universel des portraits de ses protagonistes de Nacer Amari, qui nous invite dans l'intimite du coeur humain, du coeur kabyle. 


Trudi Ralston 

La recherche sur le peintre Odd Nerdrum (1948) et son art et philosophie esthetique, courtoisie de Wikipedia. L'information sur les differents angles du regard dans les portraits, courtoisie de l'article du 10 janvier 2017 de David Appleyard, https://photography.tutsplus.com 

Monday, November 7, 2022

Entre Ciel Et Terre: Les Pas Nus de Novembre - dans la serie "Les Blessures de Chiron"

            Cette semaine, on a eue la premiere tempete de pluie et vent de l'automne, qui a secouee les grands sapins fiers dans le jardin et dans la foret.  Ce fut une nuit noire, de bruits effrayants de branches cassees qui roulaient sur le toit avant de s'ecraser sur le sol. Le bruit dans le noir impenetrable suite de la perte de l'electricite, donnait l'impression qu'un fantome marcheait avec des pas lourds sur le toit, pour intimider, pour son amusement. Le jour suivant, il y avait des pieces de branches cassees dispersees a travers la pelousse, le veranda, le cour interieur, et l'allee, mais pas d'arbres tombes, pas de degats au toit, ou la serre. Le sol etait si sature de l'eau de la pluie, qu'il donnait l'impression que mes chaussures allaient etre aspirees dans l'herbe, avec le meme petit bruit que fait le sable quand la mer se retrocede et lui laisse mouille et moelleux. Le mois de novembre ici emmene la saison des pluies et le froid, et en protestation, je continue a porter mes sandales, comme je prefere savoir mes pieds libres, pourqu'ils se souviennent de l'ete et sa chaleur, ses couleurs, ses joies. En Kabylie, il faisait encore chaud, pres de 30 degres Celsius il y a juste quelques jours, et ici, les temperatures le jour vacillent entre 7 ou 8 degres Celsius, et la nuit se baissent deja a pres de 0 degres. Je vois les photos prises d'en haut de Bejaia, d'Aokas, et mon coeur ne resiste pas, un grand manque m'envahit, comme une blessure physique qui s'ouvre encore, et encore, comme une vague de la mer, contre laquelle on se trouve impuissant, et on n'a pas de remede que d'attendre que ca passe. Hier, Maitre Rachid Oulebsir a mis une photo d'un arc en ciel qui illumine de ses couleurs un beau paysage kabyle, avec ces mots: "Ce soir je pense a toutes celles et tous ceux qui a un moment de leur vie ont du quitter leur terre natale!" Je suis nee en Flandes, et j'ai quittee la Belgique comme jeune adolescente, pour aller vivre aux Etats Unis, dix ans au Texas, ou j'ai fait mes etudes universitaires, et depuis plus de 30 ans maintenant, ici dans l'etat de Washington State dans la region du Pacifique Nord - Ouest. En 2019, j'ai fait mon premier voyage en Afrique du Nord, un reve que j'avais depuis l'age de 14 ans. Le sejour d'un mois au Maroc et l'Algerie, a laissee une profonde impression, et une grande nostalgie pour un suivant sejour. Depuis 2017, j'ai ecrit et publiee 10 livres de prose et poemes  qui celebrent la nature, l'art et le coeur indomitable de la Kabylie, tous publies sur Amazon. La Kabylie vit au centre de mon etre de poete, en est ses racines, et elle me manque comme si elle etait ma terre natale, et dans un sens autant symbolique que concret, elle l'est, car c'est la Kabylie qui m'a donee ma voix de poete, lui a definie ses melodies, ses visions, le sentier de sa passion. La pluie tombe incessante cette apres - midi, et lave le ciel dans un liquide aquarelle gris, qui chasse de son pinceau ce qui reste du contour des nuages. Ce poeme "Entre Ciel et Terre" est un chant que j'envoie sur les ailes des oiseaux courageux ici qui font semblant que c'est le soleil qui brille dehors, pas le froid et pluie monochromes hypnotisants qui me laissent avec une nausee legerement moquante, parce que mon coeur en agonie sait que la vue meme de photos des rives de la Kabylie me rappellent combien la terre berbere dans le Nord de l'Algerie me manque: 


Entre Ciel et Terre  


Entre ciel et terre, je marche seule, vers le pont fait de nuages, fait des reves de mes poemes, fait de la lumiere des rives de la terre berbere. 

Entre ciel et terre, je respire, j'etends mes ailes, faits des couleurs rouges, vertes, bleues, jaunes du coeur berbere, je dessine les lignes de mes poemes, de leurs chants, qui donnent l'air, la force, la volonte a mes mots, pour pouvoir traverser encore ce pont sacrale vers les rives kabyles. 

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Entre hier et demain, je marche les pieds mouilles sur l'herbe de novembre et ses pluies, vers le pont qui est la traversee vers maintenant, vers ce moment fait des muscles resistants de l'espoir, du courage,

pour pouvoir embrasser, serrer dans mes bras, laisser couler mes larmes, mes cris de joie, de revoir, de connaitre encore, le gout du bonheur de me savoir a nouveau la ou je suis en famille,

en Algerie, en Kabylie, mere, racine de mon coeur en exile, mere de la terre eternelle, au soleil et nuits chauds, elle, qui voit mon coeur et ses blessures, que seul Chiron berbere et les fleches resistantes de son arc sur et ancien savent me guerir.   


Trudi Ralston