Wednesday, April 12, 2023

Hebergee dans le Silence de ses Memoires: L'Ancienne Maison Kabyle de Nacer Amari - dans la serie "L'Esprit Itinerant"

            Une photo en noir et blanc du 7 avril 2023, de la part du photographe berbere d'Aokas, Nacer Amari de Tassi Photographie, est un tableau qui reveille de forts sentiments pour son sujet qui touche un desir de surmonter une blessure tres profonde de mon coeur de poete si longuement vagabond, errant. Hebergee dans le silence de ses memoires, cette photo d'une maison kabyle a une beaute spirituelle que le photographe a su capturer avec grande precision et sensibilite, et que ses mots soulignent: "Ma photo represente une ancienne maison kabyle, construite generalement sur une crete ou un versant pour assurer la defense contre l'ennemi, les animaux sauvages ou les mauvais temps. Elle est construite en pierre taillee et couverte d'un toit a deux versants en tuiles. J'ai pris cette photo sur ma route vers le Mont Issek, elle est abandonnee mais elle nous raconte l'histoire d'un peuple qui a vecu sous son toit pendant des annees et des siecles meme." Ses mots du photographe me rappellent ma visite aux villages kabyles de Djebla et Iguersafuene en 2019, et ma visite a la citadelle historique du XVIeme siecle, Kalaa Ait Abbas, a 60 km sud - ouest de Bejaia, et site de la revolte heroique de 1871 de Cheikh Mokrani contre l'aggression des colons francais. Le silence des maisons, des rues y parlent de l'histoire heroique du peuple kabyle, qui despuis des milliers d'annees se defendait contre les interminables invasions de sa terre natale. Malgre toutes les aggressions souffertes, pendant la Guerre de l'Independance de 1954 - 1962, qui a mis fin a l'occupation brutale des forces coloniales francaises, et les souffrances terribles pendant la Decennie Noire de 1991 - 2002, ou les villages kabyles ont souffert des atrocites inimaginables, le village kabyle a survecu et inspire tout le respect pour sa resistance, sa determination de maintenir ses traditions, son importance dans la culture et la mythologie kabyle, ou la famille et les proches sont au centre de son coeur, de son esprit. Pour toutes ces raisons, l'image d'une ancienne maison kabyle evoque une reponse profonde, et cette reponse est liee a un sentiment complexe et souvent contradictoire, pour etre a la fois une emotion de joie, d'espoir, et aussi de melancholie, de tristesse : la nostalgie. C'est cette reponse complexe qui va etre au centre de cet article, car la nostalgie, vue de pres, s'approche a l'importance de la culture, de l'histoire, de la position des cultures aux mythologies independantes des machinations industrielles et post - industrielles, qui voient le profit economique comme l'ultime objectif et dans le processus veulent eliminer les cultures anciennes pre - industrielles, qui cherchent a preserver l'equilibre entre homme et nature, entre individu et communaute, entre maison et famille, etre terre et recolte, entre corps et esprit. La maison kabyle est en fait d'une renommee considerable dans le monde de la sociologie, et une des etudes les plus notables autour de cette philosophie qui met au centre la communaute, avec comme son element la maison de village comme element crucial de la culture berbere, fut concu par le sociologue francais Pierre Bourdieu (1930 - 2002), son etude de 1971, "La Maison Berbere ou le Monde Inverti", qui fut une rupture de la vue traditionnelle de voir la maison comme une espace purement physique, et de la voir au lieu,  comme une espace de complexes symboles culturelles. Pierre Bourdieu connaissait bien a l'Algerie, y ayant arrive en 1955, il s'interessait dans l'impacte desastreux de la colonisation francaise sur la culture kabyle, sur la structure du village, du lien entre le village et la terre, que la brutalisation de l'occupation francaise chercheait a detruire, a lui enlever sa sagesse, son importance, sa dignite, sa place, sa chance de survie. Ce traume laisserait des cicatrices encore bien visible dans le paysage kabyle, de maisons kabyles abandonnees, de terres et arbres encore martirises des incendies aux mains des colons francais, de forets, d'entiers villages, de vergers, qui laissaient la population berbere reduite a la misere de se trouver volee de propriete, d'independance economique, forcee hors de la vie du village a la pauvrete, a l'anonimite des grandes villes, pour tomber victimes de famines, de maladies, de desespoir, tous des crimes contre l'humanite qui 60 ans apres l'independance, laissent des blessures agonisantes encore, visibles dans la solemnite des maisons kabyles abandonnees, qui inspirent une puissante reverence et respect envers l'esprit et coeur fier, resistant et digne de la Kabylie. Les perspectives que ses experiences en Algerie lui ont fourni quant a la culture kabyle et sa sagesse, a Pierre Bourdieu, sont vus avec beaucoup de respect aujourd'hui, parce que son scepticisme envers la justification du systeme de la globalisation postindustrielle qui risque detruire ce qui reste de cultures independantes, de l'integrite de la communaute ne pas esclave de l'obession avec le profit a tout prix, qui risque aussi detruire l'ecologie de la planete et sa chance a la terre de survivre cette obsession avec l'argent pour l'avantage d'une minorite riche au subjugation des majorites pauvres abusees. Malgre le fait que Pierre Bourdieu se trouvait desillusionne avec le systeme capitaliste de l'education, il a soutenu pour des decennies des etudiants kabyles qui chercheaient une education universitaire, quand il enseigneait a Alger, ce qui parle de sa generosite privee, et son sens d'obligation, et il aidait aussi a la fondation d'un centre de recherche pour des emigres berberes, le CERAM, le Centre de Recherche et d'Etudes Amazighes, et il etait aussi le fondateur d'un groupe de soutien prominent d'intellectuels algeriens en prison ou sous menace, le CISIA, le Comite de Soutien aux Intellectuels Algeriens. Il etait convaincu aussi, que la science et l'education etaient la meillieure facon de combattre le drame de la reproduction sociale, qui voulait perpetuer la domination coloniale et post coloniale, qui chercheait a maintenir des structures sociales a base de modeles de conditions economiques et pedagogiques qui voulaient tenir en place l'avantage pour eux d'injustices dont ils profitaient de generation a generation. Une realite tres visible en ce moment dans le systeme de la politique de droite, par example aux Etats Unis, qui ainsi justifie le mepris et la violence policiere envers la population noire, a base d'une ideologie qui voit a la pauvrete et la marginalisation culturelle et economique de cette population comme etre un resultat d'inferiorite raciale et culturelle, et ne pas du systeme et son heritage inhumain de l'esclavage, et une idee qui fut mis en place au XIXeme siecle quand le pays chercheait aussi a justifier la destruction systematique des cultures ameridiennes, qui jusqu'a aujourd'hui sont la population americaine la plus marginalisee economiquement et socialement, du pays. 

              La photo en noir et blanc, et ses fortes resonances solemnes , "Ancienne maison kabyle" de Nacer Amari touche a des themes de grande importance, autant du point de vue sociologique, que culturellement, et aussi aux themes de la mythologie et de l'histoire quant a ce que signifie le mot, l'idee de "maison" dans la conscience humaine a travers les civilisations et le temps.  Le mot "maison" est vu comme ayant une signification qui denote une valeur affective, au - dela de la signification d'etre une espace physique, un batiment. On fait le lien entre maison et famille, et c'est dela que "maison" recoit son contexte culturel, social, mythologique, historique, et spirituel, et aussi affectif. C'est cette complexite qui lui attribue aussi l'idee de la nostalgie, une qualite affective, que la photo evocative du photographe kabyle d'Aokas, resussit a evoquer avec beaucoup de respect et aussi intensite et passion. Les nuances riches que sait dessiner son tableau, habillee en ombres de noir, gris, pales et foncees, du toit de la maison ancienne, des montagnes en arriere plan, dans une union de lignes comme faites par un pinceau reflexif d'aquarelle, nous invitent dans l'intimite de la scene, de cette maison abandonnee, qui s'accroche a ses memoires dans un silence solemmne, et qui touche le coeur presque de facon imperceptible mais de tout pres, pour la dignite et vulnerabilite, la fierte gardee, l'espoir meme de cette ancienne maison kabyle. Comme poete et artiste qui vit depuis toute une vie loin de sa terre, la vue d'une maison kabyle abandonnee, me touche profondement, evoque une peine, une douleur, d'avoir perdue a toujours la maison ou j'ai grandie, a la famille, toute la famille, qui n'existe plus, ni mere, ni pere, ni soeurs, ni frere. Comme la maison kabyle dans la photo, il me reste que les memoires, vagabonds dans les silences de l'espace et du temps, qui la nuit me visitent avec une regularite angulaire et maladroite, dans le monde complexe de mes reves. La nostalgie est ainsi souvent associee avec les memoires de la maison ou on a grandi. La nostalgie possede j'ai appris, deux types: la nostalgie restorative et la nostalgie reflexive. La nostalgie restorative est autour de memoires heureuses du passe, et cette nostalgie nous inspire de chercher de nouvelles experiences, a base des evenements positifs anterieurs. La nostalgie reflexive, souvent nous rend triste, pour penser que le present ne vaut pas ce qu'on se rappelle d'un passe qu'on manque, et qui nous ne permet pas d'avancer et de chercher des nouvelles experiences. Les deux types de nostalgie, en equilibre, peuvent etre des experiences qui donnent de la confiance, du courage, si on sait utiliser leur pouvoir. La maison est un symbole qui a travers son lien a la famille, aux proches, a une presence centrale dans toutes les cultures, soient elles nomades, agraires, urbaines, a travers l'histoire et les civilisations. La separation de l'espace masculine et l'espace feminine est presente dans beaucoup de cultures. Elle est evidente dans la structure des espaces dans la maison kabyle, dans les tipis des cultures amerindiennes des Grandes Plaines des Etats Unis, dans la culture Dogon de Mali et Nigeria, ou le sol de la maison et vue comme la femme, et le plafond son partenaire masculin. Dans les cultures des Grandes Plaines, les poteaux des tipis symbolisent ce qui unit l'humanite au ciel et Wakantanka,"le grand mystere". Le lien a la maison que connait la famille qui l'habite, a ses menaces comme se trouver sans abri, quand on perd sa maison, et l'esclavage, qui coupe tous les liens avec la famille, la tribu, le village, comme la menace aussi d'etre banni, une forme de punition souvent imposee dans des cas extremes dans des cultures avant qu'elles furent exposees aux empires industrialistes. La maison, comme domicile, ou reside une famille, et son identite, son histoire, s'applique comme defintition ainsi aux morts autants qu'aux vivants, le tombeau etant une maison pour les morts autant que la maison l'est pour les personnes en vie. Cette conviction a ses racines dans l'Antiquite, comme dans la coutume des anciens egyptiens de faire des maisons minuscules pour les ames des personnes disparues, une pratique aussi qu'on retrouve dans la periode Yang - shao de la Chine entre 5000 - 3000 B.C. Dans la peninsule Malay d'aujourd'hui, on met dans les cabanes, des muebles minuscules et des outils pour l'usage des morts, et en Papua et Melanesia, on met des images des ancetres dans des "maisons d'ames" miniatures. De tels liens intimes entre maison et famille disparue, trouvent une expression poetique dans la conviction de la part de la culture amerindienne Kwakiutl de notre region du Pacifique Nord - ouest ici, que la maison meme est vivante et le reste, comme un double de ses habitants, aussi longtemps que les occupants restent en vie, et quand l'habitant primaire se meurt, la maison aussi meurt, devient sans ame, se vide, se casse l'esprit. Les survivants se regroupent alors autour d'une nouvelle maison. Les poteaux de sculptures avec des bouches grands ouvertes, symbolisent que la maison est un esprit vivant, et souvent des autels pour faire honneur aux esprits qui protegent la maison et la famille qui y vit, sont une presence tres visible dans les cultures qui restent proche a la terre et les mythologies et ses traditions et heritage. Cette reverence envers les membres de famille disparus a travers un autel et ses ceremonies spirituelle, se trouve aussi en Chine, le Japon et le Tibet. Un autre attribut de la maison est le feu de foyer, ou le feu est vu par les cultures amerindiennes de l'Amerique du Nord, comme un regal des dieux, et un symbole du soleil, comme la maison qui l'entoure symbolise l'univers. La maison recoit depuis l'Antiquite de la protection grace a des dieux et deesses qui en forme de figurines sont mis dans des coins specifiques de la maison, comme le dieu Olarosa de la culture Yoruba de Nigeria, Benin et Togo de l'Afrique de l'Ouest, qui compte 52 million de personnes. En Kenya, le dieu Bali Atap est celui qui protege la maison contre la maladie et les attaques, et son image est mis dans l'espace qui unit la maison au bord de la riviere, et le dieu Bali Utang est responsable pour la prosperite de la famille dans la maison. La photo "Ancienne maison kabyle " de Nacer Amari ouvre a travers l'ambiance intrspective de son tableau reflexif et serein, une experience affective - spirituelle qui unit beaucoup d'elements autour de l'idee de domicile, d'appartenance, de culture, de peuple. La nostalgie reverante de la photo touche ainsi aux trois categories de la nostalgie: la nostalgie personnelle, sociale et culturelle. La nostalgie personnelle est celle que le photographe nous invite vivre de nos memoires autour de famille, a travers l'intimite discrete de sa vision rendu avec un tact considerable que lui permet son talent comme artiste visuel. La nostalgie sociale s'introduit a travers le sujet historique que represente la maison kabyle dans le contexte de l'histoire de l'Algerie, quant a traumes d'invasions et aggressions a la famille, a ce qu'ont subi les familles kabyles terrorisees dans l'etre sacrale de leurs maisons envahies. La nostalgie culturelle vient de l'effort considerable et persistant de maintenir et revivre l'heritage ancien et noble de la maison kabyle, ou la femme est au centre de la continuation et preservation de ses mythologies autour de la famille, les enfants, et ou l'homme represente le monde exterieur qui defend la terrre natale qui entoure la maison, et la femme protege la sancitite des mysteres feminins du monde interieur de la maison. Dans un monde post -industriel qui est esclave de l'avarice, et qui veut rendre esclave a toutes les cultures, dans une obsession fatale de globalisation ou juste quelques individus trop riches, trop puissants controlent le destin et la vision de toute la planete, la dignite et spiritualite et sagesse que represente la maison kabyle, sa resistance, son histoire ancienne et heroique, son lien a la terre, les recoltes, le respect pour les lois de la nature, l'heritage des ancetres, la mythologie berbere, est une inspiration, une image de courage, d'espoir. C'est aussi un avertissement profond et serieux, de la tragedie immense qu'est perdre de vue l'importance de valoriser la culture de chaque peuple, ses contributions, sa beaute, son coeur, son ame, ses traditions et la richesse que ses connaissances apportent a la qualite de vie, de bonheur, d'abondance, pour cette planete deja sous un poids lourd a cause de cette negligence et indifference envers toute personne, toute communaute, toute culture, tout peuple, tout pays, qui n'apporte pas du profit, qu'on n'arrive pas a categoriser comme avantageux quant a pouvoir, et profit pecuniaire.  

Trudi Ralston

La recherche sur la maison, la nostalgie, son importance, et sur l'etude du sociologue francais, Pierre Bourdieu (1930 - 2002)  de la maison kabyle, "La Maison Berbere et le Monde a l'Envers" de 1971, courtoisie de Wikipedia, et l'article ( 19 pages) du professeur americain de sciences sociales a l'Universite de Arizona, Craig Calhoun (1952), " Pierre Bourdieu and social transformation lessons from Algeria" et voir aussi, son livre de 1993, "Bourdieu: Critical Perspectives."  

L'information sur la perspective spirituelle de la maison a travers les differentes cultures du monde, courtoisie de l'article de 1987 de Kathryn Allen Rabuzzi, dans "Encyclopedia of Religion". 

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