Maintenant que l'intensite de temperatures tres chaudes parait s'atenuer, le soleil a dans sa senteur d'ete deja un air qui annonce cette melancholie ne jamais precisement definie ou compris. Autour de nous ici a Olympia, beaucoup de familles sont en vacances, pour des reunions de famille, pour visiter avec des cousins, des oncles, des tantes, des parents, des grandparents, des neveux, des nieces. C'est presque comme une langue etrangere pour moi, entendre les voisins et voisines parler de ces reunions, car autre que mon mari americain et notre fils adulte, je n'ai plus de famille ni ici, aux Etats Unis, ni en Europe, autre que quelques cousins ne plus vu depuis que j'ai quittee Flandes apres avoir finie mes etudes de lycee. La mort de mes parents, de mes deux petites soeurs, de mon frere, m'ont appris une appreciation pour la resistance du coeur, pour le soulagement que donne la nature, et beaucoup de pratique en combattre le vide et ses silences de me trouver la seule survivante d'une famille hantee par des tragedies, sous forme de maladies, conflits, qui font que la lecture de Fyodor Dostoevsky ( 1821 - 1861) l'ecrivain russe fameux pour ses livres longs et profonds, " Le Crime et Le Chatiment" (1866), "L'Idiot" (1871 - 1872), et "Les Freres Karamazov" (1879 - 1880), que j'ai lu pendant mes etudes universitaires au Texas, etaient une source de confort, pour certaines ressemblances avec ma famille quant a complications et tensions vecues. Fyodor Dostoevsky avait fait des etudes d'ingenieur, et son style realiste du mouvement litteraire naturaliste se considerent etre les premieres oeuvres de la litterature existentialiste, et allaient influencer les livres de Aleksandr Solzhenitsyn (1918 - 2008), d'Anton Chekhov (1860 - 1904), de Friedrich Nietzsche (1844 -1900), et de Jean - Paul Sartre (1905 - 1980). J'aime beaucoup les livres de l'ecrivain russe Aleksandr Solzhenitsyn, surtout son roman bref et puissant, "Un Jour dans la Vie d'Ivan Denisovich", sur ses experiences de l'auteur dans un camp pour dissidents politiques, en Siberie. Je pense souvent encore a l'impact des livres de Fyodor Dostoevsky, quand la melancholie de la fin de l'ete laisse son parfum furtif et lourd, mais heureusement ces jours, bref, sur les seules rencontres possibles avec ma famille ne plus de cette terre, celles preservees dans ma memoire. Ces memoires sont plus claires et beaucoup plus tolerables, depuis l'introduction a la Kabylie me faite par ma copine francaise de Grenoble, avec qui j'ai etudie au Texas, pour mes etudes d'une maitrise en litterature. Apres toutes ces annees de lui connaitre, j'ai appris cette ete quand je l'ai revue a Strasbourg cette ete, sur notre route pour la Tunisie, que son pere est d'une famille d'ascendance kabyle. La Kabylie est une force de guerison, de reclamation de mon identite de poete, de mes racines blessees, de mom ame si longuement en exile. La culture Berbere de l'Afrique du Nord, de la Kabylie, me guerit avec sagesse et charite, cette douleur immesurable que j'ai eue au coeur, a l'esprit, depuis des decennies, et elle me rappelle en meme temps, les memoires heureuses, de mon enfance, de mes experiences formatives intellectuelles grace a mon pere, et de mon oncle peintre surrealiste Frans De Cauter (1920 - 1981), avant de quitter l'Europe, pour mes etudes universitaires, ce qui fut le debut de complications de famille accablantes. Tout ce qui me reste de ma famille sont quelques photos, et beaucoup de questions, beaucoup de chimeres, et le monde de reves angoisssants, ou mon pere, paix a son ame, apparait toujours en capacite de guide, de presence protective. J'ai un respect profond pour l'art de la photographie, et les portraits du photographe Berbere Nacer Amari de Tassi Photographie, d'Aokas, ont une influence cathartique et artistique profondes pour leur qualitite narrative inclusive, et les nuances subtiles de la facon que ses portraits d'adultes et enfants, de jeunes, s'approchent au monde interieur de ses protagonistes, avec un interet sincer, sans etre intrusif, ou franchir les frontieres souvent si fragiles, que chaque personne essaie de maintenir dans un monde qui rarement les voit, ou comprend. Un portrait en noir et blanc de son jeune neveu, "Massine", est une celebration de l'innocence et de la joie que sait exprimer le coeur d'un enfant. Ce portrait exuberant, du jeune Massine avec son sourire eclatant, ses cheveux boucles comme une cascade jubilante, evoquent ce sens que j'ai pu sentir quelques rares fois comme enfant et jeune adolescente: la joie de se savoir enfant d'une famille, de pouvoir vivre la chance d'etre membre d'un clan et ses generations, et d'etre dite: "Tu sais, tu te parais beaucoup a ta grandmere, tu as son regard, la couleur de ses cheveux quand elle etait jeune fille, et tu as sa sensibilite creative." Se savoir sur de son nom, de son histoire, etre reconnu en apparence, en qualites, comme membre de cette famille, et pouvoir se reunir avec elle, pour des anniversaires, des baptemes, des mariages, et oui, des funerailles, sont des rites que je ne connais plus depuis tres longtemps. Il y a des moments biensur, ou ne pas avoir des liens d'une famille grande, de plusieurs generations, a des moments de lucidite, d'une vision et perspective meditative, d'etre un esprit, un coeur errant, sans le poids de devoir se comporter selon le code heritier d'une famille, une sorte de liberte gagnee avec beaucoup de difficulte, de voir le monde avec un degre de detachement zen, un certain courage silent, une certaine capacite de charite, de tolerance, envers le theatre du monde, pour le pouvoir observer a une certaine distance. C'est un processus penible, une sorte de rite du phenix qui renait apres de ses cendres. Je me rappelle quand on etait, mon mari, mon fils et son meillieur ami, dans la medina de Tunis, suite d'une rencontre avec le photographe Nacer Amari et son cousin Mounir Amari, ce mois de mai 2023, quand mon collegue photographe me disait: "Tu sais, quand tu demandes une question a un algerien, il va te repondre avec une question." Ses mots me resonnent encore, parceque je les comprends a fond, dans un contexte specifique de ma vie ici, avant la decouverte de la culture berbere: quand on me demandait comment ca allait, je repondais avec la question, et comment vas - tu, pour pouvoir eviter de dire comment je me sentais, ce qui etait tres seule, tres invisible, tres muette. Repondre a la question, "Comment vas - tu?" etait trop penible, trop intime, envers des personnes qui ne me connaissaient pas, et qui n'avaient aucun contexte de ma personne, de ma vie, de mon histoire. Ces jours, si on me demande, "Comment vas - tu?", je suis tres contente de pouvoir repondre, avec un rotond " Je vais bien", et meme "Je vais tres bien, merci. " La capacite de pouvoir repondre sans stress, sans peine, a cette question presumee souvent innocente, beaucoup diraient, je la dois au lien culturel - artistique - affectif unique que me permet la Kabylie. Elle est pour mon coeur et ma muse la mere benevolente, apres avoir eue une mere qui traiteait a ses enfants comme des obstacles a sa vie sociale et ses ambitions, qui nous tolerait, a peine. Mon pere faisait de son mieux, et ce que j'ai appris de lui, quant aux arts visuels, aux litteratures du monde, et les exploits de voyages, me reste jusqu'a aujourd'hui, ainsi que la sagesse appris de passer du temps avec ma grandmere Celina, sa mere, et la soeur de mon pere, ma tante Lieve, qui a 83 ans et vit depuis beaucoup d'annees a Oostende, ou elle vivait avec ma grandmere qui etait restee veuve a l'age de 38 ans, avoir perdue son mari pendant la Seconde Guerre Mondiale. Ma grandmere se mefiait de ma mere, et faisait de son mieux pour m'inclure dans le monde de ses memoires, de sa sagesse, de ses experiences et de me donner un sens de confiance, d'identite, de fierte d'avoir le nom de famille de son fils, mon pere. Elle et ma tante faisaient de leur mieux de me faire sentir membre de leur clan, possedant les deux une intelligence astucieuse, une volonte de fer, une identite sure de son heritage, un desir pour la connaissance, pour l'etude, pour la charite vers autrui.
Le portrait en noir et blanc, "Massine" de son jeune neveu, que le photographe Nacer Amari a mis avec le nom du jeune protagoniste en scripte Tifinagh, le 20 juillet 2023, brille avec joie, avec confiance, et avec cette fierte si importante, de se savoir enfant d'une famille de qui il est heritier de son nom, de son identite kabyle, et de ses traits aussi, de la famille Amari, dans le sourire accueillant, la lumiere chaude du regard, dans l'energie pour vivre la vie avec appreciation pour ses regals, avec optimisme face aux defis. Je vois dans le portrait de "Massine", les traits positifs que cet enfant aura comme adulte, comme son oncle photographe: un interet dans l'histoire, l'archeologie, une passion pour l'expression artistique, une sensibilite sociale perspicace, un coeur charitable et genereux, un esprit tranquil dans un esprit ample, ouvert. La culture Berbere de l'Afrique du Nord a une sensibilite profonde envers la communaute, dans les moments de celebration, et de douleur, le village kabyle est dans un sens, une grande famille, qui s'entreaide, se maintient, qui a travers les generations reunissent et maintiennent la mythologie de la culture, de son histoire, de ses chants, de ses connaissances, de ses chagrins, et de ses triomphes. Je me rappelle une petite photo de mon frere et moi a la mer, a Oostende, ou j'ai cinq ou six ans, et lui, quatre ou cinq ans, et on a tous les deux les cheveux longs, boucles, et un regard tres serieux pour des enfants si jeunes. J'ai ma main sur l'epaule de mon frere, qui est mort il y a trois ans suite d'une crise cardiaque, quand il travaillait dans son jardin au Texas, ou il vivait seul depuis son divorce il a plus de 20 ans, sans savoir que son fils adulte et sa jeune epouse allaient avoir leur premier enfant, ainsi que sa fille adulte et son mari. J'ai une photo de mon fils Nicholas, adulte maintenant, ou il est sur les bras de mon pere, quand mon fils avait juste neuf mois, et mon pere lui avait mis son chapeau, et Nicholas se voit si fier. Il se rappelle de mon pere, qui est mort en 2008 : "Il etait gentil envers moi, il me parlait comme si j'etais adulte et comprenait tout." Il ne se rappelle pas de ma mere, qui n'etait pas gentille envers lui, et je suis contente que cela s'est effacee de sa memoire. "Massine" a toute une famille, de parents, de grandparents, de tantes, d'oncles, de cousins, de cousines, et peut - etre aussi de frere, de soeur. C'est un tresor inestimable, comme enfant, comme adulte. Je suis tres contente que Nicholas a un clan sympathique et charitable et uni, d'amis qu'il connait depuis son adolescence, qui sont sa famille, car autre que mon mari, son pere, et moi, sa maman, il y a pour lui juste quelques cousins a l'autre bout de la terre, et des Etats Unis, qu'il ne connait pas. Pour Nicholas, famille est rarement question d'heritage, mais de coeurs unis dans la comprehension, que la famille, avec un peu de chance, un peu de grace, peut aussi etre ces personnes, ces liens qui unissent des esprits et des coeurs qui se comprennent, qui partagent une sensibilite profonde envers les mysteres du destin et la facon que celui s'exprime sur le sentier de notre vie. La Kabylie et les liens uniques que sa sagesse, sa culture, et son esprit et coeur grand et inclusif me donnent, me permet comprendre que les familles, de sang, et de coeur, valent proteger, valent celebrer. Je suis tres reconnaissante que la culture Berbere de l'Afrique du Nord, qui me fascine depuis mon adolescence, est la culture, le coeur, qui me permet de reclamer mon identite de poete, d'enfant, d'adolescente, d'adulte, si longuement sans pays pour mes poemes, pour mes reves, pour mes talents, ses energies, et son desir si profond, si douloureux, d'avoir la fierte et dignite blessees depuis toute une eternite, et de les voir se guerir, se reclamer, sur ce chemin vers une identite libre, confiante. Pouvoir celebrer les magnifiques portraits kabyles du photographe Nacer Amari dans mes livres et mes poemes, permet celebrer la richesse de la culture Berbere, son esprit a la fois universel et specifique, son heritage ancien et complexe, qui touche depuis des milliers d'annees l'histoire et le destin des peuples Imazighen de l'Afrique du Nord, et qui est au centre de la plus belle histoire de ma vie de poete en exile: celle ou je me trouve en famille Berbere, meme a une distance de 9000 kilometres de ses rives, celle ou ma voix de poete resonne libre, fiere, avec un desir fort de retourner en Kabylie, pour remercier les esprits de ses montagnes, et crier a haute voix ma reconnaissance, de ne plus etre ni enfant, ni adolescente, ni adulte, seule, oubliee, invisible, de pouvoir laisser s'evaporer, chaque fois un peu plus, les cauchemars et leurs chimeres. Le refrain de la memoire preservee de ma vie, est chaque fois moins celui du passe, et chaque fois plus, celui d'un chant fier, sur, resistant, kabyle qui se trouve sur terre firme d'un present ou regne l'espoir confident, le courage tranquil, encore si nouveau, qui chante avec energie et vision, jusqu'aux coins les plus profonds, les plus loins de mon coeur, de mon ame, la joie inattendue de pouvoir decouvrir l'espace grande ouverte que me donne cette seconde chance a une vie de poete aux ailes et coeur libres.
Trudi Ralston
L'information sur l'ecrivain Fyodor Dostoevsky, courtoisie de Wikipedia.