Friday, November 15, 2024

La Ruse de la Clef Perdue: dans la serie "L'Hurlement des Loups du Midi" dediee a Nacer Amari

             Apres plusieurs jours de pluie torrentiale, les meteorologues ici avaient prevu un jour de soleil pour Olympia, mais en fait, un brouillard dense s'est repandu dans tout le voisinage. Le brouillard etait tres commun en automne et hiver, en Flandes, ou je suis nee et ou j'ai grandie, avec des consequences tragiques pour une de mes cousines, qui y a trouvee la mort dans un accident de la route, quand elle etait une jeune femme recemment mariee, une tragedie que laisserait a son mari jeune veuf, et sans maman a son jeune fils de juste un ans. Le brouillard donne cette impression d'incertitude, de pressentiment, de l'ombre du mystere, de l'inconnu, pour le fait que ce phenomene metereologique obsure la vision des personnes qui s'y trouvent, et essaient de se trouver le chemin sur des routes avant connus, familiers. Le brouillard, reel et concret comme il est, evoque aussi des images du monde de la fantaisie, de magiciens anciens et leurs incantations, comme ceux du legendaire Myrddin, parfois mieux connu sous le nom de Merlin, et le mythe du roi Arthur britannique au XIIieme siecle, decrits par l'auteur pseudo - historique Geoffrey de Monmouth (c. 1095 - c. 1155), et apres par le poete francais Robert de Boron au XIIIieme siecle. Dans la poesie du Pays de Galles, Myrddin etait un troubadour qui avait perdue la raison apres avoir ete temoin des horreurs de la guerre, et qui avait fui le monde pour aller vivre comme un sage sauvage, au VIieme siecle: son nom est dit de se traduire comme "homme sauvage." A travers les siecles et a partir surtout de la renaissance, jusqu'a aujourd'hui, la legende du roi Arthur et son magicien Myrddin, ou Merlin, continue comme un theme de fantaisie pseudo - historique populaire, pour symboliser "la lutte entre la connaissance et le pouvoir" au centre du conflit existentiel, que la connaissance de la magie essaie de maintenir en equilibre precaire. Les arts dans toutes ses formes, et ses interpretes que sont les artistes du monde, se trouvent presque toujours au milieu de cette lutte, et dans ce monde, les arts de la litterature, du theatre, ensemble avec les arts visuels, comme la photographie, la peinture, la sculpture, se rencontrent au carrefour de la confluence du pouvoir de l'image et du mot, ils se nourissent mutuellement, et se renforcent, quand les circonstances socio - politiques essaient de limiter ou les images, ou les mots, ou les deux. Les images deviennent alors les melodies des notes que sont symboliquement les mots sous stress de se trouver ne plus permis, ne plus compris de suite, et les mots a leur tour, donnent la voix aux images de la pantomime quand elle se trouve privee de son violon, quand les bruits des illusions et leur violences ne  tolerent plus aux arts le dialogue, le partage de points de vue divergents. La langue dans ce sens, est une interpretation de l'image, car, les premieres langues, en fait, etaient pictographes: "picto", donc "image", et "graphe", donc "mot ecrit". La voix et l'image s'unissent ainsi depuis, et deviennent les rebelles par excellence, qui communiquent les secrets de la langue, et ce qu'elle veut laisser comme heritage de la part de la conscience des artistes, qui comme le magicien Myrddin, se trouvent bien souvent dans cette espace vaste, acueillante mais difficile a naviguer, une fois que le monde et ses hypocrisies et prejuges les y apercoit si a l'aise. Le travail que je fait avec mes broderies de fils metalliques de couleurs brillantes, a base de photos, depuis 2007, et depuis 2019, a base des photos du photographe kabyle Nacer Amari, me permettent la chance de comprendre que les fils qui unissent mes images mis sur le tissu, les images de fleurs, me parlent, comme un recit qui interprete et accompagne la photo. L'image se fait de lignes qui se rencontrent, comme le mot se fait de lignes de voyelles et consonnants qui se rencontrent. Le monde de l'art avant - garde cherche a re - construire ou de - construire l'image, le mot, pour apres le re - assembler et donner ainsi une nouvelle interpretation de la realite, de la facon que l'artiste voit et sent cette realite, dela les mouvements litteraires - artistiques a travers les millenia et les siecles, qui tel un eventail etalent ses visions, ses luttes, ses triomphes, ses agonies, sur le rythme des revolutions, des guerres, des avances, des inventions, des cataclysmes que sont l'histoire de la planete. Les arts sur cette scene de theatre ancienne et contemporaine, se voient dans des costumes differents, parfois en camoufflage, parfois courageusement visibles, vulnerables, pour trouver une facon de survie pour le besoin de l'expression artistique face au mepris, au malentendu, a l'interdiction, a l'indifference, a l'ignorance, au manque de courage, de la volonte, de la conscience. L'image et le mot sont la clef et la porte, et les arts la ruse astucieuse, qui sait unir les gestes aux voix, et les sauvegarder, avec les moyens disponibles, pour la suivante generation d'artistes. Cette clef, qui plus souvent que non, se voit obligee de faire semblant d'etre perdue, mais qui en fait, ne perd jamais la vue de l'espace immense, intemporelle, et de sa porte grande ouverte que sont les arts face au chaos et ses spasmes cycliques qu'insiste provoquer le monde et ses obsessions materielles. 

             Je pense souvent a ma grandmere paternelle, Celina Dujardin, venue de la France, avec sa famille d'Amiens, comme immigrants en Flandes. Elle etait couturiere, et comme enfant, j'etais fascinee avec les tissus des magasins ou elle faisait ses achats pour ses robes, ses manteaux, qu'elle a cousu pour toute la famille, et ses clients, et avec la grande boite de boutons, de toutes tailles et matieres, qu'elle gardait pres de sa machine a coudre, avec les dessins des patrons qu'elle allait marquer en crayon de craie bleue, et arranger sur les differents tissus avant de les couper et transformer en beaux et elegants vetements. Cette grande boite de boutons, qu'elle choisissait ensemble avec ses clients et clientes, selon la couleur et la qualite du tissu, avait des boutons pour les blouses en soie, les tailleurs en laine, les manteaux d'ete, d'hiver, les robes et jupes en couleurs vives, ou pales. C'etait tout un monde. Je pense maintenant au symbolisme de ces boutons, comme etre les mots du tissu, et le tissu l'image ou les differents boutons trouvaient leur identite, ensemble avec le tissu. Ils se trouvaient toujours, a la fin, dans cette mer de boutons, dans ce tas de tissu soigneusement en plis, dans une variete de couleurs, de tailles, de styles, de textures. Ainsi, l'image et le mot se trouvent, et se retrouvent, toujours, quand la photographie, la peinture, la sculpture, le theatre, s'unissent au mot avec lequel s'exprime la poesie, la chanson, le conte. La ruse de la clef perdue, ce sourire brillant des arts qui unit l'univers de l'image a l'univers du mot, dans cette rencontre qui celebre la joie de la creativite, la liberte et son courage, et l'espoir que donnent l'union de leurs energies, n'importe les forces du mal, qui cherchent a lui fermer la porte de son coeur, de son esprit, de ses interpretes voyants.    

Trudi Ralston   

"L'Art n'est jamais fini, sauf que quand on l'abandonne."-  Leonardo da Vinci (1452 - 1519).

"Tu vis dans mon coeur, ou personne ne te vois, mais moi, je t'y vois. Et c'est cette vision, qui donne naissance a mon art." - Jalal al - Din Muhammad Rumi (1207 - 1273). 

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