Ce matin, en donnant a manger les oiseaux et les ecureuils qui visitent le jardin qui adjoint la foret de l'autre cote de la cloture qui les separe, j'ai eue cette pensee sur un sujet qui touche proche le coeur et l'existence humains: la distance. Ce mot simple, on pourrait dire presqu'ordinaire, vit pourtant dans toutes ses formes dans le va et vient de la vie quotidienne, de la vie exceptionnelle, impossible, difficile, douloureuse, courageuse, et tous les autres adjectifs que sont les costumes que ce mot humble se doit mettre sur le theatre de l'histoire, des peuples, et de chaque personne a travers le temps. On ne peut pas etre une personne qui vit, ou a vecu des liens longs, de famille, de mariage, d'amities, de collegues, de communaute, je parle de 10, 20, 30, ou dans mon cas, 40 ans, sans arriver a un point ou on comprend comme c'est difficil, dur meme, dans les meillieurs des circonstances aussi, de traverser la distance qui nous separe du coeur, de l'esprit, de l'ame d'une autre personne, meme apres avoir passee une vie entiere ensemble, de s'aimer avec devotion, d'etre des parents, des epoux, des amis, des enfants sincers, patients, gentils, courageux, dans les moments agreables, et ceux de defis, et leurs degres plus grands ou plus petits. Les raisons sont multiples, et paraissent evidentes, et celles de raisons qui a premiere vue sont les plus logiques pour en expliquer la complexite de la distance qui existe entre les personnes, echappent quand meme le denouement de leur frustrante facon de savoir evader une solution qu'on espere a chaque fois etre juste en face de notre comprehension. Alors, de quelle distance s'agit - il, c'est ca la question intrigante, que je me pose. Il y a biensur, la distance la plus visible, pour ainsi le dire: la distance geographique, qu'on peut mesurer en kilometres, en miles, comme on le fait ici ou je vis aux Etats Unis, et cela me fait sourire, qu'apres pres de 50 ans dans ce pays vaste, et l'avoir traversee du Nord au Sud, et de l'Est a l'Ouest ses milliers de kilometres de terrain, je calcule toujours les distances en kilometres, meme si tout sur les routes est annoncee en miles. Et voila, une des premieres "types" de distance: la distance, comme expression d'une definition qui est autre de celle avec laquelle on a grandi, comme une idee qualificative, mesurable selon les normes d'une culture et ses interpretations, et dela l'importance des sciences, sociales, mathematiques, et leur partage, qui essaient d'unir ce qui nous separe par l'imposition de frontieres, de passeports, de lois, de liens entre pays, qui ou nous savent unir, ou garder a distance, effectivement, suite de conflits diplomatiques, de guerres, de disputes de commerce, de ressources, de differences en ideologies economiques, sociales, historiques, de degats d'invasions, du colonialisme, du desir de dominance. La distance se manifeste ainsi de facon bien concrete, comme toutes ces millions de personnes qui essaient de fuire la violence suite de geurres civiles, de persecutions, de desastres ecologiques, de racisme, de manque d'une chance a une vie libre du desespoir, de la misere, et qui pas mal de fois se trouvent dans des circonstances apres plus au moins tolerables, mais isolees par la distance linguistique, sociale, culturelle, qui les a accueilli, et voila qu'on arrive a "la distance" penible de la population des immigrants. Il y a donc la distance "invisible" dans un sens, celle qui fait souffir en silence, pour se sentir en dehors de la communaute, de la culture dominante, du pays dans lequel on vit. J'ai fort pensee ce matin de silences au jardin, avec son ciel opaque, froid du mois de novembre ici, a ce genie litteraire algerien: l'ecrivain et dramaturge Kateb Yacine, a qui je retourne souvent, a son livre "NEDJMA", que j'ai lu plusieurs fois, et a chaque fois, c'est comme une rencontre cathartique, profonde, sur toutes ces distances qui dechirent, qui cherchent a comprendre, a guerir, ce mal agonisant de se savoir loin de tout ce qui nous unit, devrait unir comme etre humains, mais que notre obsession avec les categories, la dominance, politique, economique, ideologique, mythologique, linguistique, cherche a detruire depuis la nuit des temps et sa parade du theatre sanglant des civilisations, cette tragedie du "mien" et "tien", de "eux" et "nous". La distance la plus cruelle, en fait, est celle qui force les personnes de se rendre leur dignite, leur liberte, leur droit a une voix, au respect, physique, culturel, social, qui cherche a nier la personne de la personne, qui cree des distances imposees par les systemes qui s'assurent la dominance. Cette misere et frustration se manifeste dans l'evantail de systemes de repression, qui sont les maitres de creer des distances brutales, mortelles aussi. A l'autre bout de ces realites tragiques de la condition humaine, il y a les distances subtiles, qui existent entre personnes meme quand toutes les intentions sont bonnes: les malentendus, les disputes, les "mais non, ce n'est pas ce que je voulais dire", les "tu ne m'entends pas", et la solitude et isolation, donc, la distance que ces malheurs dans la communication savent creer, que le monde du theatre, et de la litterature sait explorer, partager, essaie de comprendre, d'en resoudre ses mysteres. Les anciens dramaturges grecs Aeschylus, Sophocle, et Euripides, seraient probablement ne pas trop surpris de constater que le monde du XXIeme siecle n'arrive pas a resoudre le mystere des distances qui nous separent, en fait, on a fort l'impression, que les choses dans ce sens ne s'ameliorent guere. Mais, je trouve que cela vaut l'effort, et dans mon cas, comme personne qui se sent en exile culturel permanent, le lien avec la Kabylie, ou vit mon coeur de poete, -depuis mon introduction a son ample esprit en 2017, grace a une amie francaise - kabyle de mes annees d'etude universitaires en litterature espagnole et latine - americaine au Texas - qui a survenu et continue de surmonter des defis qui remontent des milliers d'annees, me donne la chance d'effacer avec espoir et courage, cette ligne tetue des distances qui separent, qui font souffrir, qui tuent lentement, cruellement, le souffle qui reve de la chance d'etre libre, soi - meme. La distance qui souvent est tres difficile de traverser, on la vit dans le silence des defis de tous les jours, quand on sourit, pour cacher la larme qui cherche a s'echapper, quand on raconte une blague pour couvrir une blessure au coeur invisible. La distance, celle qui fait hesiter les mots qu'on choisit, celle qui nous fait sentir seule, entouree de personnes bien intentionnees, celle qui nous met ce manteau lourd de se sentir impuissant, et qui nous fait vivre dans le monde interieur de notre etre, et que la nuit le monde de nos reves essaie de nous aider de briser son mur epais, impitoyable. Ce poeme j'ai ecrit en anglais, et je l'ai apres traduit en francais, et je le dedie au coeur chaud de la Kabylie. Ce poeme decrit les images vues, dans mon reve il y a 2 nuits, ou je me trouvais encore dans le monde des distances, seule, marchant a pied, dans un monde qui ne me voit pas, un monde de distances si longuement vecues, tolerees, que cela me suprend parfois, que j'ai encore mon image qui se reflete dans le miroir, quand je me retrouve encore de ce cote de la realite, et quand je retrouve le sourire, pensant a cet article pour ma famille de coeur, pour mon collegue d'Aokas, et mes pensees que je peux vous envoyer, sur le sentier long, beau vers l'acceuil qui voit, qui comprend, de votre esprit ancien, resistant, qui chaque jour aussi se bat contre la distance dans toutes ses formes interminables, et qui reverbere dans la force de vos chansons, de la lumiere qui brille dans vos yeux tolerants:
In the Land of Shadows
In the land of shadows, no one knows your name. In the land of shadows, it does not matter, because no one knows from where you came.
In the land of shadows, everything is a game. The only rule is to play with enough courage to see the night close its curtain, to make way for the breaking of the spell with the call of the dawn's loud yell.
In the land of shadows, I walk alone. All paths are circles, drawn by the visions of a clan of wizards, banned from the gates of time.
In the land of shadows, I walk in silence, but everything there is music, traffic, people's echos, as they smile, dance, in towns and villages, where they gather, and I see them, looking back at me, as my own shadow folds its colors into the rythm of their voices, as they fade in the sun's breath and fire.
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Au Pays des Ombres
Au pays des ombres, personne ne sait ton nom. Au pays des ombres, cela ne fait rien, car personne ne sait d'ou tu viens.
Au pays des ombres, tout est un jeu. La seule regle est de jouer avec assez de courage de voir la nuit fermer le rideau, pour ceder sa place a la fin du sortilege qu'annonce le cri fort de l'aube.
Au pays des ombres, je marche seule. Tous les chemins sont des cercles, que dessinent les visons du clan de chamans bannis des portails du temps.
Au pays des ombres, je marche en silence, mais tout autour est de la musique, circulation, echos de personnes, qui sourient, qui dansent, dans des villes, dans des villages, ou elles se reunissent et me regardent, et mon ombre a moi se plie les couleurs dans le rythme de leurs voix, et ils disparaissent dans le souffle de feu du soleil.
Trudi Ralston
"The most important days in a life are the day you are born, and the day you figure out why." - Mark Twain (1835 - 1910): "Les jours les plus importants dans une vie sont le jour qu'on nait, et le jour qu'on en decouvre la raison."