Tuesday, August 9, 2022

La Soiree d'Ouverture: Le Portrait "DJIHANE" de Nacer Amari - dans la serie "L'Esprit Itinerant"

             La photographie de la portraiture est un art visuel qui a une attraction puissante, qui sait mettre au centre l'attention de l'observateur telle une mise en scene de theatre, dont le photographe a su capturer un moment specifique, a travers la perspective de sa camera. Un moment arrete dans le temps, qui nous permet de le visiter, de l'observer, et de le connecter a notre memoire et ses experiences gardees eux aussi comme des moments de notre vie, qu'on peut revivre, pour apres les ranger dans les archives vastes que collectionne le cerveau humain. Un portrait du 4 aout 2022, en noir et blanc de sa jeune niece "DJIHANE" de la part du photographe Nacer Amari de Tassi Photographie, m'a permis revisiter une memoire precieuse de mon enfance comme enfant dans un village ouest - flamand en Belgique. Le portrait montre a la belle jeune fille dans une robe elegante kabyle, et ce qui en impressionne est ce magnifique sens de fierte culturelle, cette dignite et joie de se savoir membre d'une culture ancienne et profonde, ou le sens de l'appartenance, de la communaute et ses partages et mythologies est integrale et centrale. Depuis 2017, je dedique mes livres, articles et poemes, a la celebration de la culture berbere de la Kabylie, et la photographie de Nacer Amari en est au centre depuis 2019, pour le talent que montre le photographe d'Aokas quant a la portraiture, une portraiture qui se concentre sur les personnes de sa communaute natale de Aokas. Ses portraits kabyles sont une documentation culturelle importante, et le photographe reussit a chaque fois d'unir l'esprit unique du peuple et sa culture de la Kabylie, avec un esprit d'inclusion qui sait incorporer l'universalite de l'experience humaine sur cette terre. Ce pont que Nacer Amari sait etablir entre ces deux mondes est encore plus poignant et important, vu la condition precaire de la planete au debut du XXIeme siecle, ou les cultures libres et anciennes se voient inondees d'un racisme degoutant et un fanatisme politique d'intolerance, qui ensemble avec les defis enormes du changement du climat global, et les realites troublantes economiques et ecologiques de secheresses, d'incendies, d'inondations, de guerres et famines, de pandemies de rotation, mettent au premier plan l'urgence de revisiter la sagesse de la mythologie sociale et spirituelles des cultures anciennes.  La sagesse de cultures anciennes quant a la preservation de la communaute, de sa culture, de son identite sociale et linguistique, mythologique, economique, n'a jamais ete plus relevante et importante. La portraiture dans la photographie est ainsi chaque fois plus au centre comme l'art qui sait transmettre de facon directe la condition humaine et ses defis, son coeur, son esprit. Le portrait "DJIHANE" est un tableau qui tire l'attention sur cette importance de l'appartenance, sur l'identite culturelle resistante et intacte, sans laquelle la vie sur cette planete postmoderne, risque de perdre sa raison d'etre, son ame, sa chance a un futur digne et valable. 

              "DJIHANE" met au centre un souvenir bien specifique de mon enfance, de quand j'ai ete a l'age de 8 ans, part d'une piece de theatre, un conte de fee, mis en scene par une des institutrices a mon ecole primaire dans mon village natal ouest - flamand de Beveren, a peu pres une demi - heure de la ville ancienne flamande de Brugge, surnomme "la Venise du Nord", pour les canaux anciens qui croisent ses ponts et rues.  Ce fut une experience inoubliable, d'etre sur scene, devant les familles du village, et je me rappelle encore maintenant les lumieres aveuglissantes du podium, la musique, l'euphorie transformative d'etre en costume, de faire partie de cet effort de l'institutrice de donner a ses eleves une chance de participer a ses visions artistiques qu'elle voulait partager avec l'ecole et les familles du village. Pour un moment bref de mon enfance, je me sentais inclus, visible, dans une celebration communale qui avait mis au centre les enfants de mon ecole, dans cette experience valable qui m'avait donnee la chance d'apprendre sur la confiance, la cooperation, la fierte, la communication, le sens de l'appartenance. Je n'aurais pas pu savoir que cela allait me prendre toute une vie pour ressentir a nouveau ce sens d'inclusion, d'espoir, d'appartenance, et que ce serait la Kabylie en Algerie qui allait me donner la grace de cette seconde chance pour mon coeur de poete si longuement vagabond et seul. Perdre son nom de famille, sa langue, sa famille, sa culture, le sens de l'identite, de l'appartenance etait ma vie depuis mon adolescence quand j'ai quitte mon pays natal, et que je n'allais pas recuperer jusqu'a 2017, quand j'ai decouvert la nature et la culture de la Kabylie. C'est elle qui m'a aidee a retrouver, petit a petit, les memoires de mon enfance, l'impacte formatif de personnes dans mon enfance et jeune adolesescence a travers le coeur et esprit du peuple kabyle, et sa longue histoire de resistance contre les efforts d'assimiler sa culture, sa langue, son courage face a l'anonimite du monde postmoderne avare et perdu. Je me rappelle encore avec beaucoup d'emotion le moment en 2017, pendant mon premier sejour en Kabylie, quand je me suis mise en robe kabyle, un regal d'une amie kabyle de Bejaia, ce sens de fierte, de joie, d'etre permis d'etre inclus dans le coeur de la communaute berbere accueillante et genereuse. Ce fut une transformation emouvante savoir que j'etais la bienvenue, que mon interet et amour pour la culture de la Kabylie, pour son peuple fier et resistant, au coeur chaud et inclusif serait la medicine pour guerir les blessures de la solitude et l'isolation, de l'invisibilite intellectuelle et sociale que j'avais souffert pour tants d'annees. La Kabylie devint la mere que j'avais manquee si souvent avant elle comme enfant et adolescente. Comme la jeune fille kabyle dans le portrait "DJIHANE" de Nacer Amari, en robe kabyle, je me sentais sure de moi - meme, libre, et mes livres et poemes celebrent depuis cette joie inattendue recue par le coeur grand et charitable berbere. La vie aux Etats Unis a ete une lutte contre cette perte de l'appartenance, contre cette perte de l'identite, du nom, de la langue, rendues encore plus penibles par la perte de mes deux parents en 2008, de mes deux soeurs en 1998 et 2005 et de mon frere en 2020, pour me trouver sans famille dans ce pays americain immense duquel son coeur s'evapore dans le neant chaque jour un peu plus, de la part de ses leaders sans courage ou vision. Ici je suis tres loin de l'energie d'enthousiasme de me trouver comme enfant sur la scene de theatre, la soiree d'ouverture avec mes amies de classe primaire pour celebrer la joie d'etre membre d'un village ouest - flamand sur de son identite et heritage, ou je connaissais par nom toutes les familles, et ou chaque profession etait vu avec respect pour etre une partie integrale de la vie du village: le boucher, le boulanger, le marchand de biere, le maire, le mecanicien de velos, la directrice de l'ecole primaire, le chef des syndicats pour les ouvriers de la fabrique de carosseries, les familles des agriculteurs qui provenaient le ble, le lait, les oeufs, et la viande, le marchand de legumes, le coiffeur, le cure, la couturiere qui faisait les robes des mariees, le floriste, le medicin, le dentiste, l'institutrice de piano, les femmes celebataires courageuses qui s'occupaient des familles en besoin d'aide sociale ou economique. Le village etait un monde complet, synergique, comme le village kabyle reussit a rester depuis la nuit des temps, malgre la serie interminable d'invasions coloniales pendant des milliers d'annees. Le regard de confiance assuree, de fierte identitaire qui se montre dans le portrait "DJIHANE", la confiante posture de la jeune protagoniste, dans sa facon de se mettre les mains sur les hanches, dans le regard calme de ses yeux, dans la fierte tangible avec laquelle elle se presente dans sa robe kabyle, et que toute sa personne exprime, est une celebration et affirmation de l'importance de l'identite culturelle, que defend avec telle conviction le peuple kabyle de l'Algerie. Cela m'a pris toute une vie pour avoir la chance de recuperer mon identite, et c'est important de partager la verite incontestable que c'est en Kabylie que j'ai recu la grace de guerir les blessures de mon identite niee, fracturee, rendue invisible, muette. Dans un sens reel, concret, la Kabylie est la Soiree d'Ouverture pour mon coeur de poete, pour ses energies, pour sa dignite, qu'il y a toute une vie, j'ai pu ressentir comme enfant et qu'a l'age de 19 ans, j'ai commencee a perdre dans un exile culturelle et identitaire qui m'a pris presque 40 ans pour retrouver. 

              Avoir son identite culturelle et linguistique, mythologique, sociale, familiale, effacee pour toute une vie, est tres penible, et laisse des blessures profondes au coeur et a l'esprit. Je pense souvent aux enfants amerindiens des Etats Unis et du Canada, des centaines de milliers d'enfants, qui entre les annees 1860 et 1960, en fait, 1970 pour le Canada, ont souffert un traume horrible aux mains des ecoles du gouvernement, des pensionnats, ou ils etaient forces de vivre, enleves de leurs familles par force par des agents du gouvernement americain et canadien. Dans ces pensionnats, et ils en avait 350 de ces pensionnats repandus a travers l'entierete des Etats Unis, ils etaient interdits de parler les langues de leur tribus, de porter leurs habits amerindiens, d'avoir les cheveux longs dans les differents styles des centaines des tribus qui existeaient avant le genocide de leurs cultures, et ils y subissaient des annees de faim, de coups vicieux, de tortures physiques, des abus sexuels, a un degre ou beaucoup d'enfants ne le survivaient pas, et n'ont jamais eue la chance de retourner chez leurs familles. Jusqu'a aujourd'hui, leur sort n'a jamais ete inquetee et reste dans cet abysse du genocide systematique contre les cultures amerindiens de l'Amerique du Nord. Tout cela sous le guise de l'Acte pour la Civilisation Indienne deja commencee en 1819 pour justifier les guerres contre les tribus amerindiens, ou la philosophie etait que " le seul amerindien qui vaut, est celui qui est mort." Il n'y a pire crime que chercher a exterminer a un peuple, et rien qui detruit plus l'esprit humain. La Kabylie a un coeur ancien, un coeur qui a survecu et qui continue a survivre, dans un monde qui cherche, chaque jour a nouveau, a dechirer le tissu du coeur, de l'esprit de cultures qui ont su maintenir un sens de l'identite culturelle, de la dignite humaine, d'un sens de la communaute, de la famille, de la sagesse ancestrale, du respect envers la nature, de la mythologie pluraliste inclusive, de l'amour pour les arts, de la liberte, des enfants, de la musique, la danse, du theatre, des artisanats, pour tout ce qui donne de la joie, de l'espoir dans la vie sur cette terre. Le portrait de la jeune fille kabyle "DJIHANE" lui fait par le photographe Nacer Amari est un temoignage important d'une culture unique et fiere, sans laquelle je n'aurais jamais eue la chance de me liberer du sortilege affreux de me trouver une personne seule, privee de sa voix, de son identite, reduit a un robot fantome pour toute une vie, invisible dans ces Etats Unis a l'esprit moribond, qui risque de devenir depourvu de toutes traces de sagesse spirituelle et charite visionnair envers les besoins de sa population heterogene et ses cultures marginalisees et sous stress considerable, et envers le monde en grave peril de chaos et violences croissantes.    

Trudi Ralston 

La recherche sur le traitement inhumain des enfants amerindiens dans les pensionnats du gouvernement des Etats Unis et le Canada, entre les annees 1860 et 1960 -1970, courtoisie de Wikipedia.         

   

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