Sunday, August 14, 2022

Les Larmes des Rivieres: Le Portrait "Une Vieille aux Yeux Tristes" de Nacer Amari - dans la serie "L'Esprit Itinerant"

              L'autoroute vers la maison de ma coiffeuse etait poussiereuse, l'herbe jaune seche, pityoable sous un ciel si bleu il etait presque d'une couleur violette, et un soleil d'une intensite qui s'approcheait a la colere.  J'etais en route vers la ville de Centralia, a une 35 minutes en voiture de Olympia, ou vit maintenant mon amie coiffeuse, avec son mari de Mascara, et leurs trois jeunes fils. Mascara, comme j'avais appris, est la capitale de la wilaya de Mascara, dans le nord - ouest de l'Algerie, une ville de 150,000 habitants, fondee au Xeme siecle par le Banu Ifran, une tribu berbere. Mascara etait la capitale de l'Emir Abd - al Qadir, un des chefs de la resistance algerienne contre les colons francais. La ville de Centralia est une ville fantome apres la chute de l'industrie du bois, qui a laissee les 18,000 habitants dans un vide economique, ou maintenant cherchent sa jeunesse la fuite pour le manque de travail et futur, dans le monde de la drogue, surtout l'heroine et les methamphetamines, qui sont devenues un vrai fleau dans les communautes stressees rurales des Etats Unis, surtout que l'heroine est tres bon marche a produire maintenant, comparee a la cocaine, qui reste chere et la drogue de jeunes affluents. Centralia lutte aussi avec le racisme, et des tensions entres la population blanche tres conservatrice, et les jeunes qui sont les enfants de travailleurs immigrants du Mexique et de l'Amerique Centrale. Pour mon amie et son mari et leurs enfants, qui avaient voyagee beaucoup avant la pandemie, et qui ont une perspective ouverte et inclusive sur le monde et la vie, aller vivre a Centralia est une decision qu'ils regrettent, et ils veulent retourner a vivre a Olympia. Centralia a une histoire bien ambigue, fondee comme fut la ville au XIXeme siecle, en 1852, par le fils d'un esclave et une femme anglaise, la ville fut le lieu d'un massacre en 1919, suite d'une dispute prolongee entre les proprietaires des industries du bois, et les membres du syndicat local, une dispute qui s'est terminee dans un massacre le 11 novembre 1919, pendant une celebration en hommage de la fin de la Premiere Guerre Mondiale. Le conflit laisserait a 6 personnes mortes, 4 blessees, et 7 condamnations a la prison, pour meurtre. Ce conflit mortel, qui recevait une attention nationale, fut la consequence de coups vicieux de travailleurs membres du syndicat local, par les gros bras des industriels, en 1918, enrages que les travailleurs refusaient de retourner au travail si leurs salaires maigres n'etaient pas augmentees. Les gros bras lyncheaient les travailleurs, et detruisaient le batiment ou se reunissaient les travailleurs syndicalises. Voyant la condition desolee des voisinages, et la cacophonie visuelle du centre ville, qui n'est qu'une encadenation de motels et de restaurants comme MC Donald's et Pizza Hut, ce n'est pas surprenant que Centralia aujourd'hui n'a aucun interet dans les droits des travailleurs et peut a peine respirer etranglee dans une ambiance politique republicaine qui voit suspecte a toute personne qui n'est pas de la race blanche et de conviction politique d'extreme droite, ou regne l'obsession avec le droit aux fusils et une ideologie centree autour d'un christianisme du feu et du soufre de l'ancien testament. Au milieu de cette ambiance deprimante, ma pensee fut: pour cette desolation spirituelle et sociale, ce pays des Etats Unis a aneantie les magnifiques cultures amerindiennes? L'artiste americain contemporain rebelle, Robert Crumb (1943), un caricaturiste et nostalgique du folklore americain du XIeme et debut du XXeme siecles, a fait un panneau en 16 dessins au titre de " Une Histoire Breve des Etats Unis", qui montre la ruine qu'a fait l'industrialisme du pays, un desastre qui chaque jour devient de plus en plus une realite ici, et malheureusement dans beaucoup de pays de cette planete envahie de guerres, de pollution, de destruction ecologique. Dans ces heures de tourmente, sur cette route et dans cette ville perdue americaine, je trouvais un reconfort notable de penser a un portrait kabyle fait le 8 aout 2022 par le photographe berbere d'Aokas, Nacer Amari de Tassi Photographie. Cet article va se consacrer a faire une etude de ce portrait, qui est de la soeur du pere du photographe, encore en deuil pour son fils David, paix a son ame. Le photographe donne comme titre a ce portrait intime: "Une Vieille aux Yeux Tristes". L'article va se consacrer a la beaute et la sagesse qui illumine l'esprit du portrait, de qui son protagoniste est heretiere d'une culture ancienne sacrale, qui est en contraste immense avec le monde postindustriel et son chaos.

             Le portrait de Nacer Amari "Une Vieille aux Yeux Tristes" montre une femme agee aux yeux tendres, comme des eaux accueillantes, des yeux ou le regard raconte une histoire de chagrin survecu avec dignite, charite, courage et sagesse. Le format du portrait, sa formule d'un portrait a gros plan, invite le spectateur a l'intimite, pour nous permettre pouvoir approcher visuellement tres proche a son protagoniste, a son visage, a sa main pres du visage, a son monde interieur que le photographe nous revele avec grande tendresse et respect envers cette femme kabyle qui la vie a eprouvee mais ne pas brisee. Ses yeux brillent avec une lumiere qui encourage, qui rassure qu'il y a une sagesse et source spirituelle que possede le coeur resistant qui sait vaincre les defis de la vie, qui choisit de voir au - dela du quotidien, de l'evident, et qui se ressource de sagesses et heritages anciens, solides. Ses yeux de la protagoniste montrent aussi qu'elle a des doutes sur le futur, sur la condition deplorable du monde qui ne respecte plus les lois de la nature, de l'ordre et sagesse des saisons, des ancetres, elle a aux yeux aussi l'eau des larmes des rivieres de la terre, qui se sechent, a cause des crimes de l'homme qui a choisie pour trop de siecles l'argent et le pouvoir, et a trahi tout ce qui est decent, avec le resultat que la terre est malade, de manque d'eau, de manque d'air vivable, de la destruction de centaines d'especes de faune et flore, qui va resulter dans la destruction de l'etre humain lui meme, et pour la premiere fois dans l'histoire ancienne de notre planete, une destruction par lui - meme. L'anthropocene risque de terminer la race humaine, si on n'arrete pas de valoriser l'argent et le pouvoir au - dela de la vie meme, au - dela de la vie de nos enfants, et leurs enfants, comme est le cas deja aux Etats Unis, ou le gouvernement et les pouvoirs sinistres derriere les coulisses, ne trouvent ni le courage pour bannir les armes de pistoles automatiques qui tuent deja des milliers de personnes chaque annee et surtout des enfants ici, des ecoliers innocents, aussi jeune que 4 et 5 ans, pour le fait que l'association des armes ici donne de quantites enmormes d'argent aux politiques qui les soutiennent leurs marchandises fatales qui leurs font des millards de dollars chaque annee. Ceci n'est pas juste immorale, c'est au - dela de cette classification, c'est de l'amoralite de la plus basse provenance. Meme les rivieres pleurent, comme en Europe, ou la secheresse est de telle gravite, que des pierres soumergees depuis des siecles sont visibles, en Allemagne et l'Europe centrale, comme dans la riviere Elbe, de qui ses pierres sont inscrits des avertissements effrayants qui datent de la secheresse et ses douleurs economiques de 1616: "Wenn du mich siehst, dann weine": "Quand tu me vois, alors pleure". Les yeux de la femme kabyle agee dans le portrait de Nacer Amari ont cette tristesse, ils savent que c'est une erreur grave de nier, de negliger la sagesse ancienne, comme la possede la culture berbere, que cette negligence criminelle va causer des problemes graves, cause en fait deja des problemes graves. J'ecris cet article en combatant le bruit infernal qui envahit meme la maison, venant du lac ici a cote, ou chaque annee des courses de hydroglisseurs viennent a terroriser la faune du lac, et de la foret autour pour deux jours de suite, au nom d'un sport ridicule que pratiquent des gens avec trop d'argent venus de Seattle. Ces hydroglisseurs sont des bateaux aux moteurs immenses qui coutent des centaines de milliers de dollar chacun. La stupidite humaine en ce moment n'a pas de limites. Les yeux si riches en histoire, tendresse et courage de la femme kabyle, soeur du pere du photographe, sont en meme temps un hommage a la resistance, et un avertisssement contre l'abus de la sagesse ancestrale des anciennes cultures, qui ont souffert tellement au nom nefaste des empires coloniales, francais, anglais, espagnol, turque, romain, holondais, belge, et qui souffrent encore sous les delires du post colonialisme de l'Australie a l'Afrique, des Ameriques a l'Asie. Aux Etats Unis, les cultures amerindiennes restent la population la plus marginalisee du pays, avec un taux de chomage de 28,6%, aggravee par la pandemie et par un systeme de gouvernement qui ne donne aucune attention a la situation deplorable d'isolation sur les reserves, de pauvetre, de manque d'opportunite pour le travail, les services medicaux, l'education, pour une population de 6,79 millions de personnes, a travers 574 tribus amerindiennes officiellement reconnues, avec les etats de la Californie, Oklahoma et Arizona les etats avec la plus grande population amerindienne. En total, le gouvernement ici ne se hate pas d'aider les cultures amerindiennes, qui font juste 2,09 % de la population totale des Etats Unis apres le genocide historique du XIXeme siecle contre les cultures amerindiennes a qui appartenait avant l'arrivee desastreuse des colons europeens, toutes les terres de ce pays. 

              L'intimite du portrait "Une Vieille aux Yeux Tristes" invoque pour son realisme aussi, l'importance de la portraiture dans la photographie moderne quant a sa capacite de communiquer l'etat interieur d'une personne, de permettre une vue dans leur coeur, leur ame, de facon discrete ou la camera devient l'ambassadeur de messages sociaux, culturels, historiques, artistiques. La photographie du photographe suisse Robert Frank (1924 - 2019) et son disciple la photographe des Pays -Bas, Bertien van Manen (1942), sont connus pour la franchise de leur art, pour cette invitation franche a l'intimite des protagonistes de leurs photos, de leurs portraits et cette sincerite artistique se reflete aussi dans les portraits du photographe berbere Nacer Amari, une franchise esthetique qui unit les preoccupations du monde postmoderne avec la sagesse et l'heritage riche de la culture kabyle de son pays natal. Robert Frank publie en 1959 un livre photo "Les Americains" qui etablit une renommee pour sa perspective franche de la vie aux Etats Unis, et Bertien van Manen voyage toute la planete, de l'Asie aux Ameriques, a la recherche continue et obstinee de la vie des communautes marginalisees par l'isolation, l'indifference, comme les familles des mineurs dans l'est des Etats Unis, dans les montagnes des Appalaches, qui sont les montagnes les plus anciens du pays, et qui datent d'il y a 480 millions d'annees. La photographe, inspiree par la photographie de Robert Frank, commence sa carriere comme photographe dans les annees 1970, et vit souvent avec les familles qu'elle prend en photo et portrait au pays ou elle voyage, pour mieux apprecier et comprendre par example, les circonstances de leur vie comme familles de mineurs, une vie souvent meprisee et ignoree pour les circonstances durs economiques et sociales. Comme l'oeuvre de Robert Frank avant elle, son oeuvre de Bertien van Manen recoit une appreciation mondiale pour sa passion et dedication envers des communautes marginalisee en Chine, en Russie, et aux Etats Unis. Les portraits kabyles de la part du photographe Nacer Amari d'Aokas, vibrent avec la meme passion, une dedication et conviction de l'importance de documenter avec interet et franchise les enfants, hommes et femmes de sa communaute natale. Comme les photographes Robert Frank et Bertien van Manen, la portraiture de Nacer Amari a une energie et esthetique de determination, d'une patiente et passionnante conviction, reflechie et profonde, de l'urgence de sauvegarder comme un heritage precieux et unique, le coeur et esprit berbere infatigable et indestructible du peuple kabyle, de qui le photographe a travers ses portraits sincers et desarmants, permet une vision claire, en avant, au - dela des fractures du monde postmoderne et ses bruits malheureux et destructifs.

Trudi Ralston

La recherche sur l'histoire de la ville post industrielle de Centralia, Washington, sur le chomage dans les cultures amerindiennes des Etats Unis, courtoisie de Wikipedia, ainsi que l'information sur les photographes contemporains Robert Frank et Bertien van Manen. 

 

                

               

               

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