Monday, December 5, 2022

La Peau a L'Envers: Le Dilemme du Poete - dans la serie "Les Blessures de Chiron"

        Quand on ressent tout tres fort autant de son monde exterieur qu'interieur, on risque de devoir se defendre a travers les arts, que ce soit la musique, la danse, le theatre, la peinture, la photographie, ou dans mon cas, a travers surtout la prose et la poesie, et aussi mes broderies inspirees par l'art des photographes d'Aokas. L'hiver a peint ici tout en blanc, avec l'arrivee precoce de la neige, ce qui rend la nature tres silente, et me laisse tel un echo, en volume double les lignes et les contours de mon monde interieur, ses blessures, ses joies, comme des traces couleur d'ombre sur la lumiere etincelante de la neige. Ce poeme, je le dedique a ma famille de coeur, ma famille berbere en Kabylie, comme il me reste tres peu de famille de sang sur cette terre, et comme c'est la Kabylie qui est ma mere spirituelle, car c'est elle qui m'a adoptee mon coeur vagabond, ne jamais pas loin des griffes de l'isolation et de la solitude. Ce poeme est ainsi pour mes amis et collegues kabyles qui m'encouragent, m'entendent, qui me permettent continuer ma vie de poete, qui m'aident a combattre la douleur ne jamais endormie, de vivre loin de la terre kabyle, elle qui me nourrit les racines de mes poemes, de mon art, de mes livres qui celebrent le coeur du peuple berbere:

pour Maitre Rachid Oulebsir, pour Nacer Amari, pour Djamil Diboune, pour Katia Djabri, pour Kurt Lolo, pour Rac Adrar, pour Lemnouer Khaled, pour Issaad Issaadi, pour Ghassane et Malika Anki. Merci pour votre respect, votre amitie, votre tendresse. 


La Peau a l'Envers 


Je suis nee la peau a l'envers, comme ma grandmere Celina s'en doutait, qui me disait souvent: " Toi, tu es une enfant inquiete, tu vas souffrir beaucoup avant de te trouver la paix, tu vas toucher beaucoup de rives, beaucoup de terres. Tu risques etre vagbond pour longtemps, je ne sais pas comment te preparer, ou comment tu vas faire. "

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La peau a l'envers, j'ai fait mes valises a l'age de dix - neuf ans pour le continent des genocides des cultures amerindiennes, de l'histoire atroce de l'esclavage de sa population noire, ce pays contruit par des colons anglais au coeur froids, qui se sont fait un empire qui se croit maitre de cette terre. Je n'ai rien compris, et je n'y comprends moins encore: ma valise m'etait faite par la volonte d'atutres personnes, qui me racontaient des histoires pour deguiser l'illusion qu'on fait a l'immigrant jeune qui trop tard soupconne. 

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La peau a l'envers, les ailes a l'eau, j'ai mis a la memoire mes poemes, abandonnes dans le tiroir de ma petite secretaire scolaire en Flandes, qui ont prise une vie entiere pour se reveiller, pour se rappeller comme est penible et cruel le destin d'etre poete sans ni voix ni terre. C'est la Kabylie qui m'a jouee les melodies de ma memoire ou m'attendaient mes poemes, c'est elle qui me renverse la peau vers mon coeur, qui m'a introduit a moi - meme. 

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La peau a l'envers elle fait mal, elle se porte tel un pullover trop etroit, trop rude, qui ne protege pas du froid mon ame, ses reves. La Kabylie et ma famille berbere, elle me touche le coeur, et me met la peau de mon coeur debout, fiere, elle me met le pullover doux et chaud de l'acceuil, que touche son soleil avec respect et tendresse. 

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La peau a l'envers elle me quitte, quand je vois approcher a Chiron qui est le guerisseur berbere qui protege mon coeur et ses blessures que sa sagesse et generosite guerissent, lui - meme souffrant de la blessure lui laisee par Hercule. Le Centaure noble de la mythologie qui me visite, qui assure, qui marche a cote du sentier qui mene a toujours vers terre kabyle. 

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La fenetre ouverte pour mes poemes, le bonjour au gout du soleil qui m'adoucit l'exile ici en Amerique, c'est le coeur et la terre berbere, dans le Nord de l'Algerie, sur les rives qui menent vers les rivieres et montagnes kabyles, ou je ne souffre pas, ou je me sens tranquille, la, sur la terre qui me l'enleve la peau a l'envers, qui me brise les chaines cruelles de l'exile. 


Trudi Ralston

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