La memoire a une grande capacite pour etre exacte, pour etre ne pas seulement visuelle, mais aussi auditive, tactile, en couleurs, en dimensions qui rappellent avec exactitude un son, une voix, une texture, des couleurs, une espace, et l'unisson de ces sensations. Une photo d'ombres nostalgiques, faite en noir et blanc, de la part du photographe d'Aokas, Nacer Amari de Tassi Photographie, du 23 janvier 2023, "Kefrida sous la neige" cree cette ambiance evocative de la synesthesie artistique. La photo donne l'effet d'un tableau fait en encre, et montre une route de montagne qui descend, une route qui montre les traces de voitures, de marcheurs aussi, avec une voiture en vue, qui parait attendre son chauffeur. Il y a des nuages lourds qui revent tranquils a cote de la montagne, comme en conversation avec elle, et il y a un equilibre visuel parfait entre les lignes horizontales des contours des nuages blancs - gris, et les lignes horizontales noires fines des maisons, de la route sinueuse qui traverse le bas de la montagne, et les empreintes, laissees par les voitures et le passage aussi de personnes a pied. La neige dans ce tableau a une sensation de peinture, elle est en fait le protagoniste de cette photo. L'angle de descente inspire une atmosphere de paix, de pause. La neige en fait a cet effet, d'etre visuellement, une vision de beaute calme, silente, et sa promesse de nourrir les rivieres, les champs, le reve d'un printemps et d'une ete sans soif, sans manque d'eau salvatrice pour la terre et ses recoltes. Comme enfant, la neige etait une chance de jouer dans sa couverture ample, si douce qu'on oubliait le froid qui nous laissait les joues rouges et les doigts geles de faire des boules pour chasser les cousins et faire un grand bonhomme de neige. Le son croquant aussi de la neige sous nos bottes en caoutchouc, et l'air si froid qu'il faisait mal de respirer avec aisance, et le chatouillement des flocons de neige sur les cils, sur la langue, et comme elle collait sur nos moufles de laine, sont des souvenirs que me permettent visiter le tableau nostalgique "Kefrida sous la neige" de Nacer Amari. La neige aussi a cette qualite de changer les sons, elle les rend intime, ainsi invite la meditation interne, et aussi une certaine joie qui s'annonce avec spontaneite, un certain espoir, de voir le monde couvert de sa poudre blanche, brillante comme des joyaux etendus dans l'eclat du soleil, de la lune aussi. La neige a un cote spirituel, qui fait rever aux enfants et aux adultes, pour une innocence, une autre chance selon nos coeurs et ses voeux. La neige invite la pause, le jeu, et on regrette toujours quand elle commence a disparaitre, malgre le gene de circulation, de routes bloquees, de danger aussi, d'isolation, d'incertitude que sa beaute aussi apporte, selon sa duree et intensite, quant a arbres qui tombent, accidents routieres, brume, et coupures de l'electricite. On la voit comme une fee qaund on est enfant, et comme un shaman un peu capricieux qaund on est adulte. "Kefrida sous la neige", me rappelle a l'art des aquarelles, peintures et gravures sur bois et sur acier, de l'artiste americain Harry Fenn (1837 - 1911), qui etait de naissance anglaise, a Londres, qui avait aussi fait des voyages en Egypte et le Moyen Orient. Il etait un artiste de gravures prolifique, qu'il a uni dans trois livres massifs avec son ami et collegue, Douglas Woodward a New York, et qui avait des illustrations de gravures a base de scenes en Europe, et en Egypte, le Sinai et la Palestine. Il faisait aussi des dessins en encre, et des illustrations pour des collections de poemes, et etait membre de la Societe Americaine de l'Aquarelle. Son art avait un public large, pour la popularisation de la nature des Etats Unis, ainsi que la culture d'autres pays qu'il explorait dans son art pendant ses voyages. Le tableau "Kefrida sous la neige" evoque une multitude d'emotions, estethiques, culturelles. Ce poeme celebre son protagoniste, la neige, et ses inspirations, celebre cette evocation du photographe berbere Nacer Amari pleine de beaute et sentiments qui se croisent, telles lignes blanches - grises - noires d'un dessin en encre de Chine, de cette scene hivernale en Kabylie:
Sous la Couverture de la Nostalgie
Il y a ce silence, qui comprend, qui ecoute, nos pas qui laissent l'empreinte mouillee, cette blessure d'eau, cett larme, sur sa couverture blanche.
Elle fait nous rappeler, l'innocence de l'enfance, les cris de joie de surprise, dans le froid solemne que'elle nous avait dessinee avec le pinceau ample et son poids, ses lumieres, ses frissons, et ses ombres.
La neige, elle raconte, elle partage, elle embrasse, et elle nous gene, avec ses mysteres, parfois sa force et ses rages, elle est fee, elle est charite, elle est mystere, et quand elle part, elle laisse un vide.
Elle a le gout un peu amer, elle disparait, elle se rie un peu de l'etre humain, qui ne comprend pas tout de sa presence, qui la voit majeusteusement sur les collines, sur les montagnes.
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La neige, elle couvre les betises de l'homme, couvre ses villes de beton et de monstres, avec sa couverture blanche, telle un acte misericorde, telle un chant inaudible, qui adoucit le gene de la terre, couverte en peines, par trop de folies, trop d'egoisme, arrogance, avarice.
La neige, elle parfois se montre triste, quand elle doit cacher la cruaute humaine, de batiments gris de misere, d'evidence de manque de charite, de sagesse, de respect pour la faune et la flore, pour l'eau, pour ceux qui souffrent, sans abri, sans espoir, sans chaleur, sans tendresse.
Il y a ce beau silence, de la neige qui pardonne, qui laisse sa beaute qui lave, qui nourrit, qui comprend, qui espere, avec les esprits berberes des rivieres et des montagnes qui l'accueillent, qui revent d'hivers ou elle regne, et chasse l'inquietude croissante du coeur de la terre, epuisee des erreurs du monde devenu sourd et aveugle.
Trudi Ralston
L'information sur le peintre, graveur et illustrateur americain, Harry Fenn, courtoisie de Wikipedia.