Wednesday, January 25, 2023

La Mesure: Le Portrait "YANIS" de Nacer Amari - dans la serie "L'Esprit Itinerant"

         Un portrait, fait a travers une peinture, une sculpture, ou l'art de la photographie, raconte une histoire, et ce qui rend les arts si fascinants, c'est que cette histoire est double. Le portrait nous invite dans le monde du protagoniste, tel le nous presente le peintre, le sculpteur, ou le photographe, et en meme temps, le portrait invite le spectateur de situer ce portrait dans sa propre experience, de comprendre une facette de sa vie, a travers le moment que l'artiste a su capturer et nous partage. Un portrait en noir et blanc du 23 janvier 2023, "YANIS" de la part du photographe berbere d'Aokas, Nacer Amari de Tassi Photographie evoque cette double perspective geniale. Le portrait qui montre un resemblance de famille perceptible, est introduit comme tel par l'artiste: "Tu as raison pour mon dernier portrait que j'ai publie, c'est mon petit frere Yanis. Il a 28 ans mais je le vois toujours petit." Je comprends cette notion, car j'avais deux soeurs qui avaient 4 et 5 ans moins que moi, et que j'appelais toujours mes petites soeurs. Le portrait a un impact nostalgique, pour me rappeler a mon frere Bart, qui vivait au Texas, et qui est mort soudainement d'un avevrisme aortique a l'age de 61 ans, quand il etait dans son jardin de devant de sa maison, il y aura 3 ans en juin de cette annee. A cause d'une histoire de famille impossible, je n'avais plus vu a mon frere depuis les funerailles a l'etat de Georgia, dans le Sud des Etats Unis, il y a maintenant presque 25 ans, de notre petite soeur Ludwina, qui souffrait de la depression bi - polaire et qui est morte a l'age de 35 ans, suite d'un suicide.  La mort de Ludwina allait defaire ce qui restait d'illusions d'une famille unie, deja sous un stress irreparable, comme le destin allait rendre evident. La mort et la maladie allait reclamer mon autre soeur, mes deux parents, et mon frere, et je suis la seule membre de ma famille qui reste aux Etats Unis, ce pays qui au lieu de nous unir, m'a pris tant. Le portrait "YANIS" me rappelle que la Kabylie permet mon coeur de poete de vivre dans le present, me permet depuis 2017, de pouvoir m'eloigner, avec dignite, avec calme, de toutes les tragedies de ma famille de sang, ce qui m'a aidee beaucoup dans la guerison des traumes, du gene aussi inevitable, qui vient avec des pertes qui sont profonds et dans beaucoup de sens incomprehensibles. La portraiture de Nacer Amari me permet de voir a la famille a travers une perspective plus ample, la perspective berbere, ou le sens de la communaute, de la terre, de la nature, de la spiritualite et de la mythologie, reflete le coeur humain, complexe et multi - dimensionnel, construit de joies, et de peines. Le coeur kabyle est accueillant, genereux, charitable, et je me sens comme etre part de ma famille berbere, qui, en fait m'a redonnee ma voix de poete, m'encourage l'exploration et approfondissement de mes interets artistiques. La Kabylie est ma muse, ma mere spirituelle, le shaman qui me guerit les blessures de trop d'annees de solitude et isolation, de fiertes blessees, de chagrin lourds, de silences intolerables, d'avoir vecue tants d'annees sans voix, invisible. Le portrait "YANIS" avec son energie d'identite berbere fiere, d'espoir, de dignite et confiance identitaire, me rappelle les beaux souvenirs de mon frere, quand on etait enfants en Flandes. Je me rappelle son interet dans la nature, la biologie. Il aimait beaucoup les animaux, et il dessinait tres bien, surtout ses dessins d'animaux en encre de Chine, etaient tres bien faits. Il avait un physique costeau, et gagneait plus tard comme jeune homme a l'universite a Fort Worth, au Texas, des championnats de musculation. Il avait un bon sens de l'humour, aimait aussi la natation beaucoup. Il allait devenir pere d'un garcon et fille, qui eux memes maintenant ont des enfants, et qu'il n'a pas connu, parce qu'il est mort si soudain, juste avant que sa fille a appris qu'elle allait avoir une petite fille, ainsi que son fils qui lui aussi allait apprendre qu'il allait devenir papa a son tour. Je me rappelle qu'un hiver bien froid ici, a Washinton State ou on vit, il y avait un canard qui chercheait a manger dans le jardin. C'etait si emouvant, car mon frere avait des canards quand il etait petit, et le canard visiteur je voyais comme un symbole de mon frere, qui ne me parlait plus et que je n'ai pas pu revoir avant sa mort, et je n'ai meme pas pu aller a ses funerailles a cause de la pandemie qui etait grave au Texas, et qui avait fort limitee les voyages et les reunions, meme de famille. Le canard est reste au jardin pour deux semaines, et chaque jour je lui parlais, je crois qu'il avait une aile un peu blessee, et je lui donnais a boire, a manger, je lui partageais des histoires de mon frere, des souvenirs. Avec les jours qui passaient, une angoisee m'avait montee, que le moment allait arriver que le canard serait assez fort pour partir, et je me rappelle ce moment, de lui dire adieu, parce que c'etait dire adieu a ce qui me restait de mon frere, et ce chagrin etait si fort, comme si tout mon etre savait, comprenait dans ce moment afreux, de larmes chaudes impuissantes, que je n'allais plus revoir a mon frere dans cette vie, qui en fait, fut ce qui s'est passee. 

        Le portrait "YANIS" a aussi un impact affectif - culturel immediat, pour le fait que le frere du photographe porte un shirt noir avec ecrit en lettres grandes blanches "AMAZIGH" et le regard de fierte identitaire est emouvant. Je suis nee flamande, et depuis avoir perdue ma famille il ne reste qu'un cousin et deux cousines, et une tante agee, avec qui quelques fois l'annee, je peux parler ma langue natale pour une ou deux heures. Pour plusieurs annees, j'ai ecrit en anglais, ma memoire de 2105 "Lionne en Exile" de 2015 est ecrit et publiee en anglais, et plusieurs collection de poemes, comme "Vol Solitaire" (Solo Flight)  et "A Travers le Centre" (Through the Center) mais cela n'adoucissait pas la solitude ou l'isolation identitaire. Cela la Kabylie a reussi de faire, et depuis 2017, tous mes livres et poemes, mon art, celebre ce regal sublime qui m'a sauvee le coeur et ame de poete si longuement en exile culturel et intellectuel. La Kabylie me permet de me guerir les blessures identitaires, et m'eloigne de l'hynose du passe et ses traumes en meme temps. Elle me permet de vivre dans le present, elle est ma mere spirituelle, qui m'a fait comprendre qu'elle m'aime malgre mes peines, ma vulnerabilite, ma fierte facilement froisee. Elle me fait voir mon cote fort, resistant, courageux, me fait comprendre qu'elle comprend les peines, car elle en a subi et subit encore pleines. Les Etas Unis n'a jamais reussi a me comprendre, et cette realite me fait penser souvent aux mots de l'ecrivain anglais, D. H. Lawrence ( 1885 - 1930), qui a vecu pour beaucoup d'annees aux Etats Unis, dans l'etat de New Mexico, le Nouveau Mexique, pour lui permettre une proximite au Mexique, ou il a fait plusieurs voyages. D.H. Lawrence, qui a du quitter l'Angleterre pour les proces de censure a cause de ses livres qui sont maintenant vus comme ayant une force dramatique grande et une subtilite intellectuelle, mais qui a l'epoque scandalisaient la societe anglaise et aussi en fait apres, americaine, pour leur franchise sexuelle et leur interet dans les sentiments de la femme au sujet. Il a fameusement dit des Etats Unis: "L'esprit americain essentiel est dur, reclusif, stoique, et un tueur. Il n'a encore jamais s'attenue." D.H. Lawrence a fini par retourner en Europe, en France, ou il a vecu ses dernieres annees, et ou il est mort dans le Sud de la France, a l'age de 45 ans. Il avait un esprit tres solidaire, ayant grandi dans une famille de mineurs, et se preoccupait avec les sujets de la modernite, de l'industrailisation, et les defis de la classe ouvriere, et ses vues sur la femme aussi et son role dans la societe industrielle, ses vues sur les moeurs et la sexualite, la vitalite, la sante affective, la spontaneite, et l'instinct sont considerees bien avant son temps, ainsi que les relations intimes de personnes qui appartenaient a des classes sociales differentes, comme explore son roman le plus connu, "L'Amant de la Dame Chatterley", de 1928, un livre banni pour beaucoup d'annees, aussi aux Etats Unis. Il aimait aussi beaucoup la nature, et allait faire des voyages, apres 1919, en Australie, Sri Lanka, et l'Italie. D.H. Lawrence qui dans ses portraits en photo faits de lui, montre un visage ou le regard parle d'une sensibilite nuancee et une intelligence astucieuse, comprenait l'importance de la dignite de l'identite, et je vois en lui une ressemblance physique avec les membres masculins de la famille Amari, cette confiance et regard clairs, cette fierte, cet esprit independant, resistant et resolu pour lesquels le peuple berbere est connu. Vivre en dehors de sa culture, ou dehors d'une culture qui sait t'embrasser le coeur, l'esprit, est dur. Je le fais depuis toute une vie, et la culture berbere de la Kabylie m'adoucit cette peine, et me permet de vivre mon ame de poete libre, me permet comprendre ma vie, me permet avoir une voix, une signature visible, ne plus dans les ombres de l'oubli, de la tristesse. Elle est la mere spirituelle qui me prend dans son coeur, son sourire, sa charite, sa sagesse, son histoire, son chagrin a elle. Ma mere biologique a fait beaucoup de degats a mon frere et moi, a nos deux petites soeurs, a notre pere, qui est mort de chagrin, seul, triste, dans les griffes de la demence a l'age de 79 ans, et je pense encore a la chanson "Troy" ( Troie) de 1987 de la chanteuse  irlandaise, Sinead O'Connor (1966), une chanson qu'elle a ecrit et chantee avec sa guitare emblematique a l'age de juste 20 ans, la tete rasee chauve en rebellie contre le commerce du monde de la musique qui voulait lui definir sans accepter ses visions artistiques et intellectuelles ferocement independantes. La chanson "Troy" parle du cauchemar qu'etait sa mere, qui lui abusait terriblement, et la chanson compare cette sauvagerie a la destruction de Troie parce que apres, il ne restait rien, et Sinead O'Connor a ete obligee de se reconstruire, de se guerir du traume, ce qui est loin d'evident, fame ou pas. Il y a des facons de detruire une identite, autant culturellement que personellement, et la Kabylie m'a aidee, m'aide a me reconstruire, les deux, avec chaque portrait, chaque belle photo, qu'elle me donne a travers son art et sa culture, riche toujours en histoire et contexte, en coeur et esprit, comme la portraiture unique en vision et impact, du photographe berbere Nacer Amari, comme son portrait fier et nostalgique de son petit frere "YANIS" vient d'affirmer. La chanson "Troy" dit que la mere n'a rien laissee a detruire: " There is no other Troy/ For you to Burn", "Il ne reste pas un autre Troie pour toi de bruler", ce qui fut le cas dans ma vie, mais depuis 2017, depuis la Kabylie, il y a plein dans le monde de mes poemes, de mon art, a construire, et toujours plein dans la culture berbere a celebrer, a decouvrir, a partager, dans mes livres, leurs articles et poemes, deja ecrits et futurs, et comme le phenix dans la chanson, je vole liberee des flammes, renee, fiere, de mon identite flamande recuperee, de mon esprit vagabond, itinerant, que la Kabylie m'heberge, me voit, m'entend, me comprend.   


Trudi Ralston 

L'information sur l'ecrivain anglais, D.H. Lawrence, et sur la chanson "Troy" de la chanteuse irlandaise de Dublin, Sinead O'Connor, courtoisie de Wikipedia.    

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