Le Passager Clandestin : Le Voleur Gourmand du Temps

Le temps qui passe est comme une melodie, cela depend de notre proximite quant a la qualite du son qu'on entend et comprend. Il y a un rythme elusif, qui nous suit comme le souffle du vent, on le sent, mais on ne le voit guere. J'ai un ami au Texas qui a grandi dans les guerres civiles interminables de l'Amerique Centrale. Ne dans une famille de privilege, ses annees au Texas lui ont donne une perspective et vie independente de sa famille et lui ont appris l'importance de la charite, de l'humilite, de l'esprit democratique face a la realite que la plupart des gens sur terre manquent le plus essentiel. Il est une personne gentille, simple, qui vit seul, et s'enfou du mepris de sa famille pour son style et coeur modeste. C'est toujours interessant de lui parler, comme moi il vit depuis toujours hors de son pays. Pas comme moi, il y retourne souvent et sa famille lui rend visite aussi. Pour moi, cela fait 30 ans sans retourner a mon pays de naissance. Le temps a cette facon de se cacher, de donner l'impression quand on quitte une place, avec des personnes aimees, que ces personnes restent le meme age, et que nous aussi on reste l'age qu'on avait quand on est parti. Hier, pendant une longue conversation avec mon ami, j'ai compris que lui n'avait plus 23 ans, et moi je n'avais plus 19 ans non plus. C'etait comme se reveiller d'un long sommeil, mais pas dans la meme place ou on s'est endormi. Le temps est un passager clandestin sur le train qu'est cette vie, et quand on part, pour ne pas retourner, d'ou on est ne, on ne se rend pas compte qu'il y a un passager qui se moque silencieusement de notre innocence, de notre ignorance, et qui s'asseoit face a nous, mangeant avec gourmandise le temps qui nous reste. Le temps qui nous reste pour retrouver ce qui reste de notre pays de naissance, arrache de notre imagination, de nos reves, de notre volonte et de nos cauchemars. Il y a des jours ou l'ocean et la terre me paraissent enormes, ou la distance a vaincre parait etre plus vaste que ma resolution, que ma conviction qu'un jour je vais retrouver les gouts, le vent, la langue, les rires, les villes, les villages, les ombres et les lumieres de mon pays d'origine et ce qui reste d'une famille abandonnee a ce passager clandestin, ce voleur satisfait qu'est le temps. Trudi Ralston