Sunday, February 14, 2021

Le Miroir Accueillant - dans la serie " La Colombe " dedicacee a Nacer Amari

La neige continue ici, une lumiere epaisse blanche qui couvre et avale tout, comme une mer solide, faite de vagues belles, grandes, enchantees par un sortilege ancien, impenetrable. Le silence de cette blancheur immense reverbere comme venant d'une grande voix ancestrale, qui s'impose, qui exige la pause, pour qu'on lui ecoute ses sagesses, ses histoires. Le ciel est blanc aussi, comme si la nature a decidee de prendre un repos de ses pinceaux de peinture multi - colores, et a adoptee un minimalisme moderniste rebelle. Dans ce silence aveuglant, de ce matin hypnotisant, un conte de mon enfance est venu me revisiter, un conte de qui je me rappelle la voix, mais pas l'auteur, pas le comment de sa presence, mais de qui je me rappelle de temps en temps, le pouvoir de son message. J'etais une enfant solitaire, pour la plupart invisible a ma mere, qui avait une vie sociale tres animee, et qui se preoccupait beaucoup de ses habits, ses fetes, et l'entourage d'un monde ou elle etait le centre d'admiration et importance. Moi, je navigais ce monde et ses sentiers souvent incomprehensibles pour mon coeur d'enfant, avec la meme vigilance qu'un marin traverse un marcecage dans le noir. Je me faisais silencieuse, telle un chat ne pas sur de qui se cache dans les ombres. Apparemment, la splendeur des habits et maquillages, de ses souliers italiens, de ses chapeaux, manteaux, bijoux eclatants, etait un monde duquel ma personne ordinaire n'etait pas digne de visiter ou comprendre. Mon pere, gentil et trvailleur, faisait de son mieux de s'assurer que mon petit bateau fragile ne s'inondait pas, avec un gentil sourire, ou un regard qui disait " Je sais, ma fille. " Les livres etaient mon refuge, et le jardin et ses creatures, ses fleurs, ses lumieres et agreables surprises. Je me rappelle ce conte, d'une fille gentille, qui vivait dans une maison ou elle pensait etre une servante, comme on lui exigeait tout sorte de devoirs, ce qu'elle faisait avec devotion et humilite. Elle etait souvent seule, n'etait pas sure si'il y avait d'autres personnes comme elle, et comme elle etait belle, sa mere, qui etait tres jalouse, avait decidee que ce serait mieux si la fille n'avait pas de miroir, comme ca, elle ne saurait jamais qui elle etait, et qu'elle etait une enfant belle. Un jour, une personne mysterieuse lui laissait un petit coffre sur son lit, et la fille etait tres curieuse, que serait cet objet, et qui l'avait laissee ce regal? Quand elle a ouvert le petit coffre, elle a criee, parceque dans la reflection du miroir a son interieur, elle avait vu le visage d'une personne, que faisait cette fille inconnue, prisonniere dans ce petit coffre? La fille a pris le petit coffre dans ses mains, ou elle a vu la reflection de cette fille, angoisee, enfermee dans cette petite espace, comment lui aider, pour s'ensortir? La fille a decidee d'etre courageuse, alors, chaque fois qu'elle ouvrait le petit coffre, elle souriait a la fille dedans, et l'autre fille, aussi souriait. Elle pleurait parfois, par charite pour la fille enfermee dans le petit coffre, et la fille dans le coffre, a son tour pleurait. La fille ne savait pas quoi faire, mais chaque jour, elle trouvait le temps, entre les exigences de ses devoirs, de trouver un moment, pour encourager la fille prisonniere dans le petit coffre. Un jour, la personne mysterieuse qui lui avait laissee le petit coffre en secret, une fee de la foret a cote du jardin ou vivait la fille avec sa famille, emue par l'innocence et gentillesse de la fille, qui ne savait pas ce qu'etait un miroir, a pris pitie de la fille et lui a expliquee a travers un reve la nuit, que la fille dans le petit coffre, c'etait elle, c'etait sa reflection a travers un objet, une invention ancienne, un miroir, qui montre la reflection de la personne qui se trouve en face de l'objet, que la fee expliquait a causee pas mal de problems depuis son invention, a cause de tant de personnes qui tombent amoureuses de leur beaute physique, et dans le processsus, effacent la beaute de leur coeur, de leur esprit, petit a petit, pourque tout ce qui leur reste de leur beaute interieure, disparait presque completement, devient tres invisible. Le lendemain du reve, la fille gentille s'est levee, et est allee voir sa reflection dans le moiroir. Elle a compris, avec pas mal de peine, qu'elle n'etait pas ordinaire, qu'elle possedait un coeur aussi gentil et un visage beau, un sourire qui parlait de sagesse, de patience, de courage, que ses yeux brillaient avec la lumiere de l'espoir, de la resistance. Elle a decidee de se faire une valise, et de faire des voyages, d'etudier, d'apprendre, et de partager son amour, son amitie, ses epxperiences, de vivre sa vie, fiere, heureuse, libre et charitable. Elle a aussi decidee que le miroir, il faut lui approcher avec une certaine prudence, et ne jamais confondre sa reflection avec le contenu de ses mirages, de ses messages. 

Penser a nouveau au conte de mon enfance, que la neige blanche et ses silences m'a invitee de revisiter, m'a fait evoquer une nostalgie pour l'Algerie, le pays qui m'a fait comprendre que la reflection dans le miroir dans mon petit coffre, c'est moi, et mes poemes, que la Kabylie et son accueil, m'a liberee, moi qui etait si seule ici dans le froid et indifference, qu'est depuis toute une vie, ce pays a la conscience perdue qu'est les Etats Unis, dure et cruelle comme une mere mechante. Avant la grace me regalee a ma muse, a mes ecrits par l'Algerie, je n'etais qu'une ombre, une poete triste, qui avait acceptee le desert immense, impitoyable de ses solitudes, traitres, grandes, tel le desert de Taklamakan qui domine le coeur ancien de l'Asie Centrale.  C'est ma famille berbere, qui m'a sauvee du sortilege de l'oubli, de l'invisibilite, qui m'a donnee la chance d'ouvrir le coffre de memoires, de tresors de mon enfance, de mon adolescence, de l'importance de l'apprentissage me donne par mon pere, quant a la photographie, de mon oncle peintre Frans, a travers ses peintures et le partage de ses connaissances sur l'art et la philosophie, avant que m'avait avalee le desert immense de l'ame egaree des Etats Unis. Ce fut un sortilege qui a duree 40 ans, mais de qui s'est sortie mon coeur, mon esprit, et ma muse, une fois reveillee par la culture berbere de l'Afrique du Nord, avec  mon energie, ma passion, ma resistance et ma reconnaissance, intactes, resolutes. L'Algerie, c'est mon coeur, la Kabylie, c'est mon bonheur, de poete, finalement libre, ne plus prisonniere. Je dedique ce poeme a ma belle, grande famile berbere : 

Le Miroir Accueillant  

Ce n'est pas important, toutes ces annees vecues dans des silences etouffants, ce n'est pas important, toutes les larmes ne jamais vues, ne jamais sechees ou compris, ce n'est pas important tous ces chemins seuls qui allaient nulle part, qui tournaient en rond comme des serpents perdus dans leur propre cruaute. 

Ce n'est pas important, toutes ses portes fermees, de qui leur cles obtenus parfois par chance, menaient a des portes fermees encore plus grandes, plus resistantes, ce ne'st pas important toutes les cicatrices laissees sur mon ame tellement epuisee. 

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Car un jour, j'ai entendu, venant de loin, le chant berbere me visiter, a un moment ou j'ai pensee que j'avais toleree toute la desolation qu'un coeur humain peut digerer. Un jour beni, j'ai entendu la voix d'Idir chanter en kabyle, et je n'ai rien compris, mais mon coeur a su traduire et a vu, a ressenti le souffle de sa charite et chaleur entrer mon desespoir, a y chassee la blessure profonde de la melancholie. 

Un jour beni, la Kabylie m'a parlee de ses propres blessures, de son courage ancien qui persiste aujourd'hui, m'a ramasee ma dignite, et me l'a mis comme un manteau beau et chaud, moi qui avait l'esprit a peine en vie, m'a appris a chanter, a crier, vive la culture berbere, qui n'accepte pas l'impossible, n'importe les defis. 

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La Kabylie, c'est le miroir accueillant, qui m'apprend l'alphabet de ma muse, de ses chansons, de ses voyages, de ses exploits, de ses apprentissages, de ces beaux moments aussi. La Kabylie, c'est ma voix redonnee, mon identite de flamande egaree reclamee. 

La Kabylie, c'est toi, ma famille berbere, qui m'a hebergee, qui m'a nourrie. La Kabylie, c'est mes livres, mes poemes, qui racontent, qui celebrent, la richesse de ton coeur grand et charitable, de ton histoire de rois et reines qui ont survecus les tourments de pouvoirs et empires aux intentions destructifs. La Kabylie, c'est moi, libre, souriante, fiere, de ne plus etre prisonniere d'un passe de sortileges mal compris. 

Vive le pays qui m'a sauvee du neant, de l'oubli, vive la culture berbere, vive ma famille en Kabylie. Quelle joie de celebrer l'Algerie, quelle joie de me savoir liee a toi, le coeur berbere, qui m'a appris que mon nom c'est femme libre, poete et enfant de ta terre, toi, qui m'a guerie. 


Trudi Ralston

    

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