Sunday, April 5, 2020

Une Chorale Musicale Desireuse : Les Pinces a Linge Arc en Ciel de Nacer Amari

" ... Nanou, elles sont ou, les pinces a linge ? "...
J'etai a peine visible sous les grands draps blancs, sechant dehors sous un soleil fort et un ciel bleu aveuglant. Une brise amusee faisait danser le linge, comme des grands fantomes rigolants, faisants des pas de danse avec passion, tels des danseurs flamenco. Nanou travaillait silencieusement, avec un grand panier de linge propre a ses pieds. Moi, j'adorais ces moments de travail avec elle, comme Nanou avait la patience d'un ange, et en fait appreciait ma presence, de cette enfant bavarde et inquiete, qui voulait toujours savoir le tout et le pourquoi de toutes choses.
" Attention, Nanou, il y a une fourmis dans le panier, il ne faut pas lui faire du mal. A voir, si je lui sais mettre sur l'herbe... "
" Mon cher enfant, tu vas me retarder la preparation du diner. Tu sais que ton papa rentre fatigue et voudra manger aussitot qu'il arrive du bureau. "
"Je sais, apres, je vous aide a mettre la table, d'accord ? "
" C'est bien, allons, tu as trouvee ces pinces a linge ? "...
" Voila, tu vois, Nanou, elles sont comme des petites danseuses, je vais les arranger, tu vas voir."
" Oui, tu as raison, a voir, si une ou deux de ces danseuses veulent m'aider avec cette blouse de ta maman. "...
Les pinces a linge etaient une fascination pour moi. A huit ans, je cherchais deja l'art, le mouvement, la musique dans toutes les choses, les abeilles, les marguerites dans l'herbe, les nuages, le vent, et en ce moment, les pinces a linge. Quand j'etait petite, ces pinces furent fabriquees de bois, et apres, on les trouvait aussi en plastique, dans des differentes couleurs. Ceci exasperait a Nanou, parceque je m'amusais a les mettre en ordre, selon la brillance de leur couleur, j'essayais d'en faire un arc en ciel, et souvent, je les arrangeais apres qu'on avait ramassee le linge, en semi - cercle dans le panier, avec la declaration firme pour Nanou, qu'il ne fallait pas qu'elle derange leur ordre. Nanou, une femme genereuse et tranquille faisait de son mieux, et comprenait quelque part que ce petit projet chaque semaine etait une facon pour moi d'arranger mon monde, solitair, avec des parents tres occupes avec une vie sociale exigeante. Il y avait tant de choses hors de mon controle, mais le panier avec ses pinces a linge, ses danseurs que je pouvais arranger a ma facon, faire danser au soleil, c'etait un plaisir secret que je partageais avec Nanou avant de retourner sagement a la maison et obeir les commandes de ma mere quant a me laver les mains et changer ma robe avec ses traces du jardin et ses creatures, avant le diner. " Il n'y a pas de fourmis ou fleurs dans tes poches, Trudi, j'espere, ces choses ca reste au jardin. " - " Oui, maman, j'arrive... "
La photo de Nacer Amari d'aujourd'hui, le 5 avril, d'un groupe de pinces a linge en couleurs neon de vert, orange, jaune, blanc et rose, m'ont reveilles cette tendre memoire d'enfance, de ces moments d'innocence, d'espoir, de douceur. Cette photo si sincere, que le photographe donne le titre de " Confinement ", avec ces couleurs joyeuses, sur un fond noir, m'a fait sourire, car comme si j'avais 8 ans a nouveau, mes yeux se preocupaient immediatement d'arranger les pinces a linge selon leurs couleurs : " a voir, vert, orange, jaune, blanc, rose, ... et apres, il y a blanc, vert, jaune, rose, orange,... il faut corriger, a voir..." En plus, les couleurs neon me fascinaient. J'avais une regle metrique, de couleur transparente, et quand le soleil s'y mettait, la couleur dominante qui se refletait, fut une couleur rose neon. En classe primaire, je detestais les heures de mathematiques, alors, je m'amusais avec la regle metrique, pour vois si je pouvais capturer la lumiere qui entrait a travers les grandes fenetres de la classe. L'institutrice, une femme tolerante, mais un peu impatiente, me disait souvent : " Mais qu'est ce que tu fabriques, Trudi? Ce probleme de mathematiques ne se resoudra pas avec la reflection de ta regle metrique. Arrete de le mettre en face de tes yeux, et mets le sur ton cahier de devoir. " Et tout le monde rigolait, et moi, genee, et un peu en colere aussi, retournais aux chiffres et leurs mysteres que je trouvais agacantes.
La photographie est un art visuel fabuleux. Elle sait creer des liens entre elle et le monde de ses spectateurs, et a cette capacite de nous unir, a travers cette langue emotive qu'elle sait creer, sans dire un mot, et elle fait ca de facon directe, sans la couche par example, du dessin, de la peinture. Elle sait ainsi surmonter avec une elegance et franchise tres efficace les frontieres de culture, de langue, d'histoire, de distance, de temps. Le photographe d'Aokas, Nacer Amari de Tassi Photographie, est une personne qui inspire la paix, la tranquilite, qui invite une conversation artistique, toujours tres solidaire, humaine, pensive, et qui par une de ses gentillesses du destin, sait reveiller a travers ses photos, des souvenirs nostalgiques de mon enfance que j'ai vecu a des milliers de kilometres d'Olympia ou je vis depuis plus de 30 annees, une enfance vecue dans un petit village dans la partie ouest - flamande de la Belgique.  Ses photos me rappellent aussi des personnes tres cheres a mon coeur : mon oncle peintre artiste, Frans De Cauter ( 1920 - 1981 ), qui fut une influence importante quant a ma connaissance de la philosophie existentielle et l'art moderne du XXieme siecle, mon pere, Charles - Louis Desender ( 1930 - 2008 ), et ma Nanou Julienne, decedee il y a 25 ans, qui a adoucie beaucoup de moments solitaires de mon enfance. Paix a leurs ames, a ces personnes si cheres qui restent avec moi dans mon coeur, et dans ma memoire.
Les pinces a linge de Nacer Amari, dans un geste taquin et fantaisiste, me font penser a une chorale musicale desireuse, qui ont envie de bouger, de danser, de parader leur mouvements tel un ballet arc en ciel. Vu le titre de la photo est " Confinement ", le symbolisme est magnifque. Les pinces a linge restent la, collees sur leur ligne, eperant tel dans un conte de fee, qu'une fee ou le magicien de la ville gauloise de Carmarthen, Myrddin, associee avec la legende de Camelot et le roi Arthur, que leur ensorcelement d'immobilite, de confinement, se brise. On est tous un peu comme ces pinces a linge en ce moment, on reste immobiles, esperant que le moment arrive qu'on peut se liberer de notre ligne de confinement, d'isolation. Les pinces a linge ont de la chance, elles se trouvent toutes ensemble, elles ne sont pas seules. Cela aussi, visuellement, rend cette photo agreable dans la nonchalance de ce groupe, qui au moins, se trouve en communaute, une chose qui en ce moment de crise, devient, necessairement, precaire et incertaine, et meme dangereuse. La ligne de pinces a linge est ainsi un souhait. Un souhait emouvant, en fait, de la part du photographe Nacer Amari et son ame discrete, cet artiste qui sait creer des magnifiques portraits, et qui, dans un geste philosophe bien intelligent et moderne, nous presente avec un portrait du monde ou le groupement des etres humains, les chorales musicales, les arc en ciels d'etre humains en ce moment bizarre de l'histoire de la terre, sont dangereuses, a un point ou la seule maniere de representer cette nostalgie, mystere et melancholie, c'est d'arranger tel un tableau post - moderne elegant et aussi amusant, un groupe de pinces a linge de couleurs brillantes. L'absence meme d'habits, de chemises, de draps, de robes, blouses,... souligne avec elegance douce - amere, que l'humanite risque s'absenter pour des periodes chaque fois plus longues, si elle n'apprend pas ses lecons, si elle ne fait pas son devoir vis a vis les lois pas seulement mathematiques, mais les lois de la decence et le respect envers la terre et ses lois.
Trudi Ralston 

" L'art est une ligne autour de tes pensees. " Gustav Klimt ( 1862 - 1918 ). 

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