Thursday, April 1, 2021

Cher Cousin Berbere - dans la serie " La Maison aux Fenetres Invisibles " dedicacee a Nacer Amari

Cher cousin berbere,

Le matin se leve doux ici, le soleil est deja sorti, il fait meme chaud sur le patio, ou il y a moins d'ombre, et les temperatures s'approchent pour la premiere fois pres de 20 degres Celsius. La lumiere printanniere est claire, donne l'impression de voir tout a travers un cristal tres diaphane. Il y a un silence au jardin qui est tres agreable, un silence qui invite la reflection, les pensees pour des personnes loins mais proches au coeur, pour les pauses permis par ces conversations imaginaires que se font ceux qui se trouvent souvent seul, qui ont appris a definir tres precisement la glorieuse difference entre une solitude douloureuse et une solitude de la quelle parlait si souvent le poete Rainer Maria Rilke. J'ai maitrisee la difference, et ces moments de solitude agreable, quand je suis seule au jardin le matin, avec juste une brise gentille qui me rappelle le souffle de coeurs chers, avec juste quelques chants d'oiseaux timides, qui se dessinent sur mes reveries telles des aquarelles, freles, dans une merveilleuse synesthesie de son et lignes. L'idee de la synesthesie, cette sensation de ressentir les differents sens tout en un, et qui fut popularisee par les poetes du romanticisme, comme Goethe, ce mouvement qui mettait en relief les nuances de la sensibilite, me fut appris par mon oncle peintre Frans De Cauter.  Je me rappelle encore ses mots de Goethe qu'il m'a cite : " Ich sehe mit fuhlende Hand " : " Je vois avec ma main qui ressent ". Ce matin, au jardin, la sensation d'une synesthesie est presente, elle me fait ressentir les emotions de m'imaginer en Kabylie, telle une melodie qui touche toutes les nuances de melancholie et d'espoir, de joie. Il parait y avoir, une methode a cette sensibilite, qui peut mettre le coeur dans les profondeurs de la melancholie et ses peines, mais, qui en meme temps permet que le coeur atteint les hauteurs infinies de la joie, de l'exuberance, une sorte de justice egalitaire de la part du cerveau humain, qui cherche un equilibre, et que la generosite de la nature affective lui permet. Ceux incapables de ressentir la charite, la douleur affective, sont aussi plat quant aux emotions affectives de joie, tout reste une ligne horizontale dans leur coeur mort, froid. Pour les coeurs sensibles, ils doivent des fois se sortir de l'abysse de leur chagrin, mais ils savent aussi voler haut dans le ciel et ses immenses espaces, comme des grands oiseaux aux ailes fortes, belles, qui jouissent a fond du delire du bonheur. 

La cuisine est paisible ce matin, le beau temps permet lui ouvrir grand la fenetre et porte, et comme mon petit bureau est juste a cote, la cuisine m'est sympathique, le point de repos qui invite les repas, la reflection sur ce qui me reste de famille en Belgique, sur ma famille en Kabylie, mes amis et collegues. La cuisine et sa porte ouverte me permettent entendre les chansons des oiseaux, quand il fait beau, comme aujourd'hui, me permet ressentir la presence du soleil et sa chaleur qui entre pour me dire bonjour, me permet ces moments de convivialite avec mon mari et mon fils, me permettent voir les arbres, entendre les voix des enfants des voisins a cote qui jouent dehors, et me permettent de prendre un cafe ou the imaginaires, avec mon cousin berbere, pour parler des recoltes, de la beaute de travailler dehors, de se sentir proche a la nature et ses regals. Le monde a la porte fermee en ce moment, mais cela n'empeche pas les coeurs berberes de se visiter, de se dire bonjour, voila un poeme pour l'affirmer : 

Melodie Matinale


De l'autre bout de la cloture, le ciel s'etend grand, un oiseau bleu immense qui fait des danses sur l'espace qui separe mes pieds sur terre, sur l'herbe fraiche, ce matin. Les nuages se dessinent tels des ponts ephimeres qui m'invitent a rejoindre ces coeurs chers que je vois dans la distance, a l'autre bout de l'horizon. 

Si le coeur pourrait voyager, sur l'air d'un souhait, sur l'air d'un poeme, qui lui ferait un navire pour croiser les rivieres, les lacs, les mers et oceans, qui le separent des personnes qu'il aime, qui lui manquent tout le temps, il serait en place en juste quelques secondes, tellement precis serait l'urgence de son alacrite. 

Cher cousin berbere, je fais un tapis volant grand, de tous ces moments imaginaires qui me raccourcissent la distance entre nos ames, entre les continents, et si cela continue comme ca, je t'aurais fait une dizaine de tapis magiques, qui viendront raconter en dessins et lignes, l'abri qu'est pour mes poemes la culture kabyle. 

Cher cousin berbere, la vie a ses manieres de nous faire face a des defis, des problemes, mais rien n'empeche que tu me visites au jardin les matins, avec les abeilles et les ecureuils, qui y font leur menage, rien n'empeche qu'on admire la lune et les etoiles, avant que tu t'enailles, pour nous rencontrer un autre jour, meme si ces visites sont des peintures, qui se font dans l'espace, si invisible, entre nos coeurs. 


Trudi Ralston  

"Car perdre aussi nous appartient, et l'oubli meme a forme encore dans la constance des metamorphoses. Ce qui fuit a son orbe : si rarement que nous en soyons le centre, autour de nous, ils tracent la figure sauve. " 

Rainer - Maria Rilke ( 1875 - 1926 ) dans une lettre a son ami Hans Carossa (1878 - 1956 )   

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