Friday, July 19, 2019

Le Supplice de l'Aigle : Quand l'Ame Hurle en Rouge

Dans son livre " Le Visage pas Feminin de la Guerre ", qui lui obtint le Prix Nobel pour la Litterature en 2015, et qui est l'histoire orale des memoires de femmes soldats russes jeunes qui se rappellent les horreurs de la seconde guerre mondiale, l'ecrivaine belarusse Svetlana Alexievich rend hommage au courage et resistance du coeur humain dans des circonstances brutals et dehumanisants. Ces jeunes femmes qui etaient soldats tireurs, ingenieurs, sergeants, commandants de bataillons, infirmieres, docteurs, chirurgiens, chacune racontent a l'auteur ce qu'elles ont gravees dans la memoire de cette guerre qui les avait laissees blessees de corps et ame pour la vie. Une de ces femmes, qui quand elles etaient soldats etaient toutes entre l'age de 16 et 18, parfois 20 ans, etait chirurgien. Ce qu'elle se rappellait le plus etait l'odeur du sang humain :
" Seul l'odeur de sang... Je ne pouvais pas m'habituer a l'odeur du sang...
J'avais vu tant de sang pendant la guerre que je ne le supportais plus. Mon corps etait incapable de l'accepter. ...
Pas d'etoffe rouge, pas de fleurs rouges, roses ou oeillets, mon corps ne les acceptait pas. Rien de couleur rouge, rien qui avait la couleur de sang... Meme maintenant, je n'ai rien qui a la couleur rouge dans ma maison. Vous ne trouverez rien. Le sang humain est d'une couleur rouge brillante, je n'avais jamais vu une couleur si brillante, pas dans la nature, pas dans aucune peinture. Le jus de la grenade est un peu similair, mais pas tout a fait. La grenade mure... " ( p. 318 - 319 ), Maria Yakovlevna Yezhova.
Une autre femme soldat decrit le meme traume, Tamara Stephanovna Umnyagina, qui fut une sergeant cadet des gardes, une assistante medicale qui soigneait les soldats gravement blesses : 
" Apres la guerre, pour plusieurs annees, je ne pouvais pas me debarasser de l'odeur de sang; elle me suivait pour tres, tres longtemps. Je faisais le linge, et je le sentais. Je preparais le diner - je le sentais. Quelqu'un me faisait une blouse rouge comme cadeau, ce qui etait rare a l'epoque parceque il y avait peu de tissu, mais je ne la portais pas a cause de la couleur rouge. Je ne supportais plus la couleur. J'etais incapable de faire des courses. Le boucher. Surtout en ete...Et voir de la viande de poulet, vous comprenez, c'est tres similair... blanc comme la chair humaine... Mon mari allait... En ete je ne pouvais pas rester en ville, j'essayais d'aller quelque part. Des que l'ete arrivait, cela donnait l'impression que la guerre allait commencer. Quand le soleil chauffait tout autour - les arbres, les maisons, l'asphalte - tout avait cette odeur. Sentait comme du sang pour moi. Quoique je mangeais ou buvais, je ne pouvais m'echapper de cette odeur! Meme des draps propres sentaient comme du sang... " ( p. 327 ) Ce temoignage de la part de juste deux des dizaines de femmes soldats de ce livre est tres fort, laisse une impression puissante, qui dure. Interessant que ce livre avec ces temoignages a l'attention du monde litteraire parceque il parait que la plupart des leaders de la terre sont ignorants de facon malveillante quant a l'histoire tragique et desastreuse de la seconde guerre mondiale. Comment expliquer autrement leur irresponsabilite face au jeu diabolique qu'ils jouent qui pourrait nous mener au bord du precipice d'une autre guerre mondiale? Quelle immoralite, quelles ames mortes et perverses possedent - ils alors, pour risquer un tel enfer a nouveau pour des centaines de millions de personnes ? L'art souvent exprime ce que que le coeur humain est trop fatigue ou affaibli pour se rappeller et exprimer encore. Les artistes, les ecrivains, les poetes, les chanteurs rebelles, les peintres, les photographes s'en occupent quand le sommeil de la peur et de l'indifference risque d'hypnotiser l'humanite au risque le lui voler son ame, son present et son futur. Le livre de Svetlana Alexievich est un de ces appels a la conscience, venant d'une culture qui connait tres bien le prix immense et inhumain qu'exige la guerre et ses demences. L'Algerie connait tres bien le traume de la guerre, ayant souffert deux guerres dans la seconde part du XXeme siecle, la Guerre de l'Independance de 1954 - 1962 pour se liberer de l'oppression de la colonisatiojn francaise qui avait commencee en 1830, et la Guerre Civile de 1991 - 2002. La perte de vie entre les deux guerres est estime s'approche a 500,000 personnes mortes, et ceci sont considerees des numeros conservatifs. Pendant la Guerre de l'Independance en Algerie plus de 2,000,000 de personnes furent deplacees. Le courage du peuple algerien est plus que admirable, face au immense determination d'affronter un futur incertain a nouveau, pour la troisieme fois en 65 ans. Mon coeur est inondee d'admiration et amour en meme temps qu'il se brise pour toutes mes amities en Kabylie, une region qui a deja souffert et vaincu tant de defis dans son histoire. Comment ne pas aimer le peuple algerien? Comment ne pas sentir un amour et admiration profond pour son coeur si resistant, si grand, si profond ? Depuis mon enfance la culture berbere me fascine. Je me rappelle chercher la definition du mot quand j'avais 13 ans, le mot me fascinait. Les cultures berberes de l'Afrique du Nord, je voulais apprendre, et maintenant adulte vivant aux Etats Unis depuis mon adolescence, plus de 40 ans, mon esprit d'ecrivaine et poete se sent chez soi dans mes recherches et amities berberes sur la nature, culture et histoire de l'Algerie. Une grande part de mon ame qui fut niee, evisceree dans l'anonimite de la culture alienante des Etats Unis, s'est retrouvee la dignite et la vision dans le coeur de la Kabylie, dans ses montagnes, son ciel, son soleil, ses rivieres, sa faune et flore. Apprendre sur l'histoire du peuple algerien est apprendre a l'aimer, a admirer ce lien fort entre la nature et l'histoire. Dans la magazine de la Societe Nationale Audubon, etabli en 1905, une societe qui se dedique a travers la science, l'education et le plaidoyer local, a publiee en printemps 2019 un article sur l'aigle et son importance dans les cultures amerindiennes. Il y a deux especes d'aigles aux Ameriques, parmi les 16 especes d'aigles sur terre, comme l'Aquila fasciata de l'Afrique du Nord, dont le photographe berbere de Laazib, Djamil Diboune a pris des photos magnifiques auquels j'ai dedique plusieurs articles. Aux Ameriques, il y a l'aigle chauve et l'aigle royal, et ces deux aigles se trouvent sous beaucoup de stress a cause d'etre tues par des braconniers qui souvent arrachent les aigles leurs plumes de queue quand ils sont encore vivants et laissent les oiseaux a mourir sans defenses, blesses mortellement de tires de balles cruellement placees, pour pouvoir vendre a des prix exorbitants ces plumes qui sont tres recherchees et tres valables pour les ceremonies religieuses de tribus comme les Navajo, Hopi et Zuni du sud ouest des Etats Unis. Les aigles sont aussi tues par l'electrocution, les clotures barbelees, le poison, les balles. Recemment, le gouvernement a elimine les provisions qui exigeaient la protection contre telles morts causees par la negligence et indifference humaine, ce qui rend le sort des aigles ici precair. Ce symbolisme est assez clair, l'indifference envers un des oiseaux les plus magnifiques sur terre, qui, entre parentheses, est aussi le symbole national du pays, n'inspire pas beaucoup de confiance ou respect. Les aigles souffrent deja a cause d'une demande tres haute pour les ceremonies religieuses des tribus amerindiennes, et ne pas avoir des reglements clairs n'aide pas les choses qui donnent carte blanche a des personnes opportunistes meme au nom de la religion. C'est dommage, ce defaut dans le caractere humain, qui repete les affronts envers la nature, l'autrui, la decence, au nom de l'argent et l'egoisme. Sur les reserves des Navajo, qui est la tribu la plus grande et plus puissante economiquement avec plus de 200,000 personnes, et des Hopi et Zuni, on a etabli des grandes volieres ou les aigles sauves de l'abus pour leurs plumes peuvent se retablir et vivre ce qui reste de leur vie en paix et dignite. Le directeur de la voliere des Navajo, un biologiste anglo de la faune, est David Mikesic, et un de ses assistants, Lionel Tsosie observe une verite profonde pour la culture amerindienne quant aux aigles : " Ce qu'un guerisseur Navajo fait c'est de prier sur une des petites plumes blanches de l'aigle royal, et la souffler dans l'air et demander que sa priere sera portee aux dieux. Parceque l'aigle est celui qui s'en charge de porter nos prieres de ce monde vers les cieux. " Ce respect envers l'aigle envers son importance spirituel est exemplifie dans le traitement que recoivent les aigles a la voliere Zuni a Pueblo, dans l'etat de New Mexico, comme souligne cette observation de la part de leur directeur Nelson Luna : " Pour nous, ces aigles ne sont pas juste des creatures sauvages. Quand on adopte un aigle, on lui purifie d'esprits malsains, et on l'accepte comme un membre de la famille tribale. On les traite avec le respect qui'ls meritent, et quand ils meurent, on les traite comme on traite un membre de la famille qu'on a perdu. " Le fait que les aigles, un des rapteurs les plus puissants sur terre, lutte contre l'abus et l'indifference qui lui risque de detruire son futur, est cause de reflexion. Cette ombre va noircir l'ame humaine. L'aigle, ce maitre du ciel, se voit coince dans notre monde, qui fait tout pour perdre son ame, son humanite. Comme messager entre ce monde et les cieux, si on continue de tuer ces magnifiques aigles, qui alors va porter nos prieres la ou nos pieds ne savent pas nous mener, la ou le ciel s'ouvre si on a le coeur ouvert et sincer ? L'Algerie est comme l'aigle, elle se bat pour sa survie, pour sa dignite. Elle est la melodie qu'il faut ecouter avec beaucoup d'attention, car d'un jour a l'autre, ce ne sera pas juste l'Algerie qui se trouvera en combat pour son futur et son identite. Je ne veux pas que mon fils qui fete ses 27 ans ce weekend, arriverait a un point dans sa vie ou il ne peut pas s'oublier de l'odeur de sang et ou il n'y a plus d'aigles, ni en Algerie, ni en Europe, ni dans les volieres Navajo, Hopi et Zuni.
Trudi Ralston

Pour l'article sur l'importance et le statut des aigles royals et chauves aux Etats Unis, voir la magazine Audubon, spring 2019 : " Mixed Blessings ", de George Black, avec photos de Dawn Kish.
Pour apprendre plus sur la photographie de Djamil Diboune, voir mes livres " Une Encyclopedie de Beaute " et " La Complicite du Corbeau " et " Le Secret Heureux d'Ulysse ", sur Amazon.
La traduction de l'anglais au francais des passages du livre  " The Unwomanly Face of War ",  "Le Visage pas Feminin de la Guerre " de Svetlana Alexievich, " translated by Richard Pevear and Larissa Volokhonsky, Random House New York, 2017, est la mienne, ainsi que la traduction au francais du titre.      

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