Saturday, February 29, 2020

Un Navire pour l'Algerie : Une Nocturne inspiree par " Les Ruines Circulaires " de Jorge Luis Borges

Quand j'etais a l'Universite du Texas a Austin, pour ma maitrise en litterature espagnole et latino -americaine, j'ai eu la chance unique pour les etudiants et professeurs de nos cours d'etre parmi ceux invites a une conference en automne de 1981 de la part du Departement d'Espagnol, de laquelle l'invite d'honneur fut l'ecrivain de l'Argentine, de renommee internationale, Jorge Luis Borges, ne en 1899 a Buenos Aires et mort a Geneve en 1986.  Ecouter et apprendre de ce genie litterair de proche, qui est mort 5 ans apres, fut une experience inoubliable.  Cet ecrivain, poete, philosophe est considere etre celui qui est reponsable pour le mouvement du realisme magique en Amerique Latine. Ses contes et poemes sont d'une profondeur mythique, et le conte de lui que je me rappelle le plus est " Las Ruinas Circulares " : " Les Ruines Circulaires ", de 1940, publie apres dans la collection de 1944, " El jardin de los senderos que se bifurcan " : " Le jardin des sentiers qui se bifurquent ". C'est le conte d'un magicien qui decide de se rever un homme entier : " Le but qu'il avait n'etait pas impossible, mais si c'etait surnaturel. Il voulait se rever un homme : il voulait le rever avec une integrite minutieuse, et le mettre dans la realite . " Le conte est arretant pour ce sujet, mais aussi pour la conclusion de son histoire : l'homme qui reve l'homme y reussit, et quand cet homme se reveille, il se rend compte que lui aussi est le resultat d'un reve d'un autre, qu'il est l'image des pensees qu'un autre lui a fait. C'est un conte qui m'est toujours reste a la memoire, et qui recemment m'est venue visiter a nouveau. Le relire m'a bousculee les emotions, et m'a permis de comprendre aussi ma propre lutte pour une identite, comme poete, comme ecrivaine. Nee flamande en Belgique, etudiante au Texas apres, ou j'ai vecu dix ans, et depuis vivant a Olympia, la capitale de Washington State, dans la region du Pacifique nord- oueste des Etats Unis pour plus de 30 ans maintenant, j'ai etabli un lien intense depuis 2017 avec l'Algerie. L'Algerie, ce navire grand et accueillant qui m'a permis de lui rever comme le sentier ou mes ecrits, mes poemes, mon ame et mon coeur ont eu la chance de se rever une seconde chance, un reveil de ma voix, de mes reves, qui avant l'Algerie furent un acte de volonte, un defi qui essayait de coudre des habits pour mes reves de poete avec le tissu de ma tenacite, le fil de ma passion et l'aiguille de ma force et resistance, dans mes collections de poemes " Solo Flight " et " Through the Center ", et qui se sont reveillees et liberees pour devenir de chair et d'os avec la decouverte de la nature en Algerie a travers la photographie de Djamil Diboune et mes articles et poemes dediques a son art dans mes livres " Une Encyclopedie de Beaute " et " Le Secret Heureux d'Ulysse ", et " La Complicite du Corbeau ".  Le voyage en septembre 2019 en Kabylie fut un reve aussi, devenu reel, concret, de prendre l'avion et traverser les 9000km de Seattle a Bejaia, pour voir de pres toutes les personnes qui avaient inspirees cette determination pour ma liberte intellectuelle, creative et personnelle, et de voir les montagnes et les villages de qui j'avais chantee avant que mes yeux et mes pieds les ont vu et touches en personne. L'Algerie pour moi est une histoire d'amour, car elle est ma muse qui m'a donnee les ailes qui m'avaient manquees tant d'annees. Un navire pour l'Algerie, c'est ca la magie de mon reve, qui a fait que mes poemes et mes ecrits ne sont plus vagabonds, ne sont plus seuls, mais ont trouves sur ses rives, dans son peuple, dans sa nature, de ses  montagnes spirituelles et historiques, de ses rivieres et cascades, de ses fleurs, de ses arbres ancestrales, une identite, une ame, un coeur, qui maintenant respire avec joie, avec amplitude, avec espoir, de qui sa passion vole libre tel un grand oiseau dans son ciel immense. Pour une vie entiere, tel le magicien dans le conte de Jorge Luis Borges, j'ai reve de ce navire qui allait me permettre de decouvrir les rives ou je serai libre d'etre moi meme, d'avoir un recipient pour mes poemes, leurs visions et histoires, et en Algerie, j'ai non seulement decouvert ce recipient, mais j'ai decouvert une richesse de culture, d'histoire, et de courage, d'amitie, de famille, d'amour, de joie, d'appartenance, que je pensais avoir perdue pour la vie. Une volonte de fer m'a permis survivre la solitude d'une vie isolee comme poete et ecrivaine. La charite genereuse et sincere de l'Algerie m'a permis d'etre accueillie par ce pays en Afrique du Nord qui coule dans mon sang comme une chanson, comme une verite profonde. L'Algerie est avec moi, avec chaque lever du soleil et chaque coucher du soleil, et le soir ici, quand j'admire la lumiere brillante des etoiles et de la lune, la seule pensee qui croise mon coeur est : comme c'est bon de savoir que quand je pense a mes amis a Bejaia qui eux et elles aussi voient les etoiles et la lune la nuit, a 9000km d'ici, que l'Algerie est la magicienne qui m'a revee, qui m'a reveillee, qui a appris a mon ame a danser, qui vit dans les rythmes et les melodies de mes chansons, qui m'a fait les poemes et ecrits chair et os avec l'hospitalite de son coeur chaud, grand et ancestral.
Trudi Ralston

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