Thursday, July 23, 2020

Lettre Ouverte a un Camarade Berbere : Une Nocturne - pour Nacer Amari

Apres plusieurs jours d'une chaleur intense, aujourd'hui il fait a peine 15 degres, nuageux, silencieux, comme si les sons hesitaient de faire du bruit, par crainte qu'ils vont irriter le monde et son horaire presse. Au jardin, le parfum du chevrefeuille etait intense, rassurant, comme le soleil fort des derniers jours avait permis aux fleurs de retenir leur senteur; les pois de senteurs aussi repandaient leur douceur sur la brise gentille, et les tournesols avec leurs intensite d'odeur de pollen et miel chaud.
Je pensais aux rivieres et vallees forestieres, aux montagnes en Kabylie, et comment la decouverte de la photographie de Djamil Diboune avait declenchee une cascade puissante de poemes, d'articles, qui m'a deja inspiree 6 livres sur sa photographie et la photographie de Katia Djabri, Kurt Lolo, et ta photographie, comme  "Algerie, Mon Coeur " a pres de 20 articles dediques a ton art.  Les photographes kabyles on ete la breche du barrage d'inspiration, de decouvertes, joies et profondeurs litteraires et culturelles pour moi comme poete et ecrivaine.
Face a ta photographie, qui permet une integration des plus precieux et importants souvenirs et memoires de mon enfance et adolescence en Flandes, je ressens cette meme fascinante energie, qui me permet de voir claire, d'integrer le passe avec le present, sans etre bousculee, sans les exigences que la passion parfois impose, sans les detours de l'egoisme, sans imposition ou manipulation. Je me sens permis de marcher a cote de toi, et tu permets les mots, l'ocean de mots, gardes pour toute une vie au fond de ma memoire, de ma resistance, d'arriver, telles des vagues sur une plage, et raconter leur histoire. Il n'y a pas de jugement de ta part, pas d'hesitation, pas de desir d'anticiper, de controler, de nier, juste cette immense patience, nee de tes propres chagrins et defis. Apres une vie de silences, je me trouve face a un ami artiste photographe qui simplement ecoute, comprend. A travers la fenetre ouverte qu'est ton art,  je suis en meme temps au studio de mon oncle, au bureau de livres de mon pere, dans mon jardin ici a Olympia, au monde de mes broderies, au monde de la photographie des artistes berberes comme toi, en Kabylie, au monde de mes poemes, de mes livres. Je suis toutes les pieces, tous les morceaux de mon etre en un, face a une personne qui n'a aucun desir de me controler ou changer, ou contredire, ou influencer. C'est une amitie qui donne un sens immense de liberte, qui me fait comprendre que j'ai raison de croire dans les possibilites que chaque nouveau jour donne, d'apprecier la valeur d'une personne qui est libre et respecte profondement la liberte des personnes autour de lui, qui a un coeur ou vit un calme Zen, un calme qui accepte les difficultes de la vie, sans abandonner le courage de continuer de lutter pour tout ce qui est digne, beau, humain, juste et charitable.
J'ai une copine a Grenoble, une copine francaise, que je connais depuis qu'elle a 21 ans, et moi j'avais 27 ans. On vit a deux cotes du monde, apres avoir ete etudiantes ensemble a Austin, a l'Universite de Texas, et on a maintenu notre amitie  a travers une correspondence tres fidele toutes les annees depuis. Elle a le meme esprit tranquil, tolerant, et elle a des racines berberes du cote de la famille de son pere. C'est elle qui m'a introduit a la musique d'Idir, et qui m'a reveillee l'interet dans la culture berbere et la Kabylie.
Ton amitie, tranquille, libre de tension, de double entendres, inspire ce desir, de vouloir partager les souvenirs, les defis et leurs triomphes, la passion pour l'Algerie, pour la Kabylie, pour tout ce qui est beau, et donne aussi cette douceur qu'est l'espoir d'etre permis de parler, de partager les beaux moments du passe, du maintenant, du futur et ses lumieres courageuses, a une distance pas toujours evidente mais visible, avec une personne, un ami, un camarade, qui est la, qui telle la mer et son immense espace, accepte les mots et leur urgence, les lave dans la generosite des vagues grandes de son coeur d'energie guerisante, comme le fait quelqu'un qui comprend, et qui a une ame ou tout ce qu'elle recoit, tout qui la touche, reste fluide, transparent, qui n'exige rien, parceque tu comprends a fond l'importance de tolerer la faim dans l'autre, pour la dignite, pour la liberte.
Une amitie comme la tienne, Nacer Amari, est le chant des oiseaux a l'aube qui devient le sourire et la danse de la lune et ses melodies le soir. En fait, quand j'ai envie de danser, en moments de tristesse ou de joie, c'est a toi, mon camarade berbere, que je pense.

Trudi Ralston 

" Je crois que le devoir le plus important entre deux personnes est de se mutuellement proteger les solitudes." Rainer - Maria Rilke ( 1875 - 1926 ), " Lettres a un Jeune Poete ", Leipzig, 1929. 

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