Wednesday, December 30, 2020

Bonne Annee, ma Kabylie : dans la serie " Le Cahier Errant " dedicacee a Nacer Amari

Pour beaucoup d'annees, 30 pour etre exacte, mon mari et moi ont adoptes et pris soin ici a la maison, d'animaux abandonnes, des chiens surtout, et aussi des chats. Pour la premiere fois, depuis 2019, on se trouve sans chats ou chiens, comme on a decides qu'il etait temps de voyager a nouveau, ce qui a change a nouveau, avec la realite de la pandemie du Covid. Les vieux chiens et chats qui ont trouves chez nous une seconde chance a la vie, m'etaient tres chers, on a eu sept chiens, qu'on a tous vu viellir et mourir, comme ils etaient deja vieux quand ils sont venus vivre chez nous, ainsi que quatre chats, qui eux aussi on a soignes, beaucoup aimes, et vu mourir. J'ai appris beaucoup de ces animaux humildes, qui etaient tellement contents de ne plus vivre dans la rue, d'etre aimes finalement, de ne plus avoir soif, faim, et froid, de ne plus devoir avoir peur d'etre maltraites ou chasses. Une des choses les plus belles fut de les voir endormis sur leurs coussins, et de leur entendre s'echapper un soupir long et content, un soupir de grand soulagement de se savoir surs, tranquils, loin d'une vie de misere. Les amimaux domestiques n'ont pas de choix, que d'accepter les circonstances dans lesquels ils se trouvent, et malheureusement, il y a des etres humains sadiques qui s'amusent a maltraiter ces betes qui ne savent pas se defendre de telle cruaute. Il y avait un voisin a cote, qui maltraitait a son chien, et j'ai insistee de porter plainte pour presque 3 ans, documenter tout, prenant des photos, et finalement, on lui a enlevee son chien, et il a du payer une lourde amende aussi, et j'etais bien soulagee le jour ou lui et son fusil cowboy se sont demenages. C'est ma conviction que si on n'a pas le courage de defendre un animal, on ne trouvera pas le courage, quand le moment vient, de defendre a une personne. Le courage est un peu tel un muscle, il se fortifie avec la pratique. J'etais la seule personne dans la rue qui a travaillee avec la societe pour la protection des animaux en ville ici, pour sauver cet animal de la brutalite de son maitre, les autres voisins faisaient semblant de ne voir et entendre rien, et j'ai fait la meme chose quand un autre voisin maltraitait a son epouse, et l'epouse a sa petite, j'ai portee plainte, tandis que les autres voisins faisaient comme si tout etait bien. Les animaux aussi, comme les enfants avant qu'ils peuvent parler, ne savent pas vocaliser leurs peines, et meme quand ils font un effort par aboyer, une personne mechante l'ignore simplement. Entendre le soupir satisfait de mes chiens et chats, faisait tellement plaisir. Je partage cette experience parceque je note que recemment, moi aussi, pendant mon travail pour mes poemes et articles, pour mes broderies, il m'arrive que se m'echappe un soupir satisfait, ce qui me fait sourire, parceque il se parait beaucoup au soupir satisfait de mes chiens et chats rehabilites : un soupir long, lent, profond, langoureux, qui exprime un soulagement complet, de se savoir sur, tranquil, heureux, aimee. Le soupir le plus bruyeux fut de la part de notre chien Bouvier, Yara, qui avait attendue 3 ans pour etre adoptee, et qui etait tres nerveuse et inquiete la premiere annee qu'on l'avait chez nous. Quand on adopte un animal deja adulte, il vient avec pas mal de questions et aussi des problemes, d'abus, d'abandonnement, et dans le cas de Yara, qui avait les yeux marron clair tres doux, elle avait beaucoup peur d'etre abandonnee a nouveau. Avec le temps, elle a compris qu'elle etait part de la famille, et on a pu lui donner une vie heureuse pour 7 ans, apres quoi elle est devenue malade et est morte d'un cancer d'os, elle a mouru dans mes bras, tranquille. Quand elle etait contente, elle emettait des grands soupirs, ce qui me faisait toujours sourire, de la savoir heureuse. Me trouver faisant ces memes soupirs contents, me fait sourire et me fait rendre compte que je le fais pour probablement les memes raisons que le faisait Yara : mon ame et coeur sont finalement contents, surs, comme poete, qui a ete adoptee, dans le coeur grand de la Kabylie.  Pour tants d'annees, je n'avais pas de voix, entouree de personnes qui faisaient semblant de ne pas m'entendre. La Kabylie, sa nature, sa culture, ses artistes, l'amitie et respect de mes collegues et famille berberes, a enlevee une peine, une blessure psychique tres profonde, qui se guerit dans les bras de son coeur grand ouvert, et la chaleur de sa sagesse ancienne qu'elle me donne. Les animaux comprennent la valeur d'etre membre d'un clan, d'une famille, et souffrent quand ils sont prives de ce droit a un bonheur si important, le meme qu'un etre humain souffre en isolation, comme en exile, en prison, comme dans le confinement solitaire, un systeme de cruaute qui rappelle la brutalite des Moyens Ages, et qui reste tres en vogue dans beaucoup de pays, y compris les Etats Unis, qui a un systeme de prison deshumanisant, qui montre aucun interet quant a rehabiliter les prisonniers, comme beaucoup de prisons sont des entreprises privees, qui profitent si le degre de la recidive reste haut. 

Cela me donne beaucoup de joie de comprendre que le traume d'avoir perdue tant de famille, de me sentir avec les racines arrachees, avec la voix muette, m'a ete enlevee, pas ici, pas avec un retour en Europe, mais avec la decouverte de la culture berbere de l'Afrique du Nord. Mes poemes et leurs chants, leurs melodies qui avant se perdaient dans l'indifference envers eux, sont recus avec respect, interet, reconnaissance, joie, amitie, tendresse en Kabylie. C'est profondement emouvant. Comme flamande qui ne parle sa langue maternelle que quelques fois l'an, au telephone avec ma tante a Oostende, en Belgique, et une cousine et un cousin, je n'ai jamais trouvee mon ame et coeur aux Etats Unis, en anglais, apres avoir vecue ici toute une vie. J'ai trouvee en Afrique du Nord, la joie d'etre permis d'exprimer mes poemes, articles et livres, qui celebrent le bonheur que me donne la beaute de la nature et culture de la Kabylie, qui m'a accueillie avec mon ame et coeur afames. Il vaut repeter que la Kabylie m'a donnee ma dignite, ma voix, mon courage, mon identite comme poete et ecrivaine, comme elle comprend a fond, la sagesse de l'accueil, envers ceux qui se sentent exiles, invisibles, comme la culture berbere a du integrer et tolerer des milliers d'annees d'invasions, d'aggressions, de violences, de leur terre, de leur langue, de leur histoire, de leurs traditions, de leur mythologie. Cette generosite me permet d'explorer mes talents, d'apprendre de la richesse d'intuitions culturelles et spirituelles que possede le coeur et esprit kabyle, ce qui me permet de finalement me definir comme personne, comme femme, comme poete. Ceci est un regal considerable, et rien ne me donne autant de joie et fierte que de celebrer la magnificence qu'est me sentir proche a la culture berbere et toutes ses expressions, courages et energies d'espoir, de resistance infatigable face a un monde qui rarement lui donne un moment de repos. Le peuple kabyle et son coeur n'abandonne jamais la poursuite determinee du droit a l'identite, cette force magique sans lequel l'univers perd sa raison d'etre, et sans lequel l'etre humain oublie sa capacite pour la joie de la communaute qui s'aime, qui se comprend. Bonne Annee, ma Kabylie genereuse et accueillante. Merci pour m'avoir sauvee le coeur, le courage, merci pour m'apporter la musique pour ma muse et ma poesie si longuement seuls. 

Trudi Ralston         

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