Wednesday, December 16, 2020

Le Regal de la Rose : "L'Expression en Noir et Blanc" de Nacer Amari - dans la serie " La Colombe "

C'etait ma chambre, l'espace ou je revais d'autres mondes, ou j'essayais de formuler mes premieres intuitions litteraires dans la forme de notes dans des minuscules cahiers, que je cachais dans les petits tiroirs de ma table de toilette. C'etait l'espace ou j'allais rever, pres de sa grande fenetre, d'ou je pouvais entendre les oiseaux du jardin en bas, apres avoir trouve encore un autre livre d'art exotique, de photographie, d'histoire des cultures du monde, dans le bureau de mon pere. Les muebles, que j'avais choisis moi - meme, un regal de mon pere, etaient en bois blanc, modernes, dans le style des annees 1970, et j'avais mes affiches de chanteuses francaises que j'aimais, et que je m'imagineais etaient mes grandes soeurs chouettes, qui m'apprenaient comment m'habiller, comme draguer les garcons, et entre elles, Francoise Hardy etait ma heroine. Beaucoup d'annees plus tard, quand j'etudiais a Austin, au Texas, j'ai trouvee tres marrant que ma copine francaise, qui en fait m'a introduite a la musique de Idir, ce qui m'a reveillee l'interet dans la culture de la Kabylie, se parait beaucoup a Francoise Hardy. J'avais finalement ma soeur cool, et plus marrant encore, elle est 6 ans plus jeune que moi. Ma chambre a la maison ou j'ai grandie en Flandes, etait ou je me sentais libre, permis de m'exprimer. J'avais 12 ans, et les annees entre 12 et 15 etaient des annees ou ma mere ne m'embetait pas, et ou je pouvais m'habiller comme je voulais, et ecouter ma musique de Francoise Hardy, de France Gall, et rever que j'etais la copine de ces musiciennes. C'est probablement la raison que mes premiers poemes a l'age de 17 ans furent ecrits en francais. Ma chanson favorie de Francoise Hardy fut sa chanson de 1965, " Mon Amie la Rose ", et ces vers inoubliables : "....Je me suis epanouie Heureuse et amoureuse... ", et la conclusion de la sublime chanson ecrite pour Francoise Hardy par Jacques Lacome D. Estalenx et Cecile Caulier, me rappelle aussi la fin du bonheur de ma chambre a moi, quand ma mere a decidee, d'un jour a l'autre, de me vider ma chambre de mes muebles et toutes mes decorations personnelles, y compris le papier peint nostalgique aux images impressionnistes que j'adorais, et de demolir ma chambre completement, lui effacer son identite, sa privacite, m'enlever et dechirer les affiches, m'effacer toute expression de mon identite. J'avais 15 ans, et j'etais devastee. Mon pere voyait ma tristesse, mais il se trouvait toujours impuissant contre les cruautes de son epouse. Apparemment, moi, j'etais son projet primaire de ma mere dans son operation purgatoire de mon adolescence de fragile bonheur. A partir de ce moment, son mepris pour moi etait fixe, clinique, pour assurer que je doutais de moi au maximum. Mais, ces peux d'annees que j'avais ma chambre a moi, avec mes petits tresors et mes reves libres d'envahissement, etaient les graines qui allaient me nourrir le courage et l'esprit, et que depuis ma decouverte de la Kabylie et sa culture, de ses artistes, de ma famillle berbere, m'a ete redonnee. Je ressens a nouveau cet espoir, cette joie, d'etre permis d'etre moi - meme, et mes poemes et articles, mes livres, qui etaient invisibles en anglais, chantent et celebrent la culture berbere kabyle de l'Algerie, et ma liberte, dignite, et identite de poete, d'ecrivaine qui a retrouvee son ame, son coeur, perdue pour presque toute une vie. Le portrait d'une jeune fille adolescente de la part du photographe berbere d'Aokas, Nacer Amari de Tassi Photographie, sa photo " L'expression en noir et blanc ", me rappelle cette periode heureuse de ma vie, ces breves annees ou ma mere etait distraite, et ne me voyait pas, ou j'etais libre de ses critiques, de ses insultes, de sa haine camoufflee en commentaires et gestes deguises diplomatiquement comme pleins d'un humour que son entourage social trouvait amusants. Ce regard de confiance dans les yeux de la jeune fille dans le portrait de Nacer Amari, me rappelle l'enfant libre que j'etais brevement, mais decidement, pour assez de temps, que les souvenirs de cette periode heureuse m'a suffit pour survivre, pour ne jamais arreter de rever, d'esperer, de m'imaginer libre a nouveau, de me construire une determination interieure forgee d'une volonte de fer, m'inspiree par ma grand - mere paternelle, Celina Dujardin, que mon ame allait survivre, que les reves et espoirs de ces breves annees d'etre une adolescente joyeuse, detendue, sure d'elle, n'allaient pas mourir dans les griffes de mepris de ma mere, dans la solitude, et l'isolation immense des annees qui suivaient, et c'est magnifique que ces bons souvenirs me reviennent, quand je vois le visage au regard confident, sur, de cette jeune fille kabyle, de la part du photographe berbere Nacer Amari, de la part de la culture de la Kabylie, qui m'a accueilli le coeur et l'ame de poete, d'ecrivaine, il y a presque 5 ans maintenant. 

La conclusion de la chanson " Mon Amie la Rose " affirme le pouvoir qu'a de se savoir l'identite intacte, sure, fiere, comme l'a la culture kabyle, et que j'avais perdue pour si longtemps, ce qui m'avait emprisonnes le coeur et l'ame dans un desert immense de solitude, ou je n'etais que l'ombre de mon etre de poete banni, rendu invisible, muet : " Croit, celui qui peut croire Moi, j'ai besoin d'espoir Sinon je ne suis rien... Ou bien si peu de chose C'est mon amie la rose Qui l'a dit hier matin. " La chanson de Francoise Hardy parle de la mort de la rose, qui a connue le bonheur si brevement, mais c'etait un bonheur complet : " On est bien peu de choses Et mon amie la rose Est morte ce matin La lune cette nuit A veille mon amie Moi en reve j'ai vu Eblouissante et nue Son ame qui dansait Bien au - dela des nues Et qui me souriait ..." Cette chanson si puissante d'identite liee au bonheur, a la dignite, est la voix que j'entends quand je vois ce portrait en noir et blanc de la part du photographe Nacer Amari, une photo qui me remplit le coeur avec joie et reconnaissance que la vie m'a donnee cette seconde chance au bonheur comme poete, comme ecrivaine. L'accueil artistique, intellectuel, affectif, genereux de la Kabylie, permet que quand je me vois dans le miroir maintenant, je vois a nouveau la personne confidente, heureuse, libre, que j'etais une fois, et que je suis a nouveau pres de ma famille berbere, pres de ses artistes, chaque fois que je m'approche au coeur vaste, genereux de ce pays ou je suis chez moi, ou j'ai ma chambre a la fenetre ouverte ou revent mes poemes, mes livres que m'inspire depuis l'Algerie, ce pays immense en Afrique du Nord, de qui ses rives m'appellent depuis mon enfance, et ou mes pieds ont marches finalement, et y marchent encore, avec chaque nouvelle inspiration qu'elle me partage. Toute une vie pour se retrouver l'ame, le coeur, de voyages, d'exploits un peu partout sur terre, pour trouver que le tresor precieux de cette seconde chance m'attendait en Kabylie, elle est le regal de la rose de mes poemes, qui etait moribunde, mais pas morte, une joie et mystere qui m'emerveille chaque jour a nouveau, ce qui m'a inspiree cette celebration de la part de la rose de mon adolescence renee, liberee :  

Le Regal de la Rose 

Tu te rappelles, le bonheur de ces matins, ou c'etait juste toi et moi et les oiseaux, tu te rappelles que je t'aidais a choisir tes rubans bleus pervenche pour tes cheveux, et que tu te mettais tes tobes tricotees de couleurs brillantes que tu aimais autant, et t'avais des souliers rouges, et des sacs a mains pleins de notes secrets pour des personnes imaginaires que tu aimais tellement.

Tu te rappelles le beau garcon qui te faisait rougir, et tu lui a parle de la mer, et du ciel grand, mais il n'vait rien compris; ce n'etait pas grave, car moi la rose, je t'ai apportee un flacon de mon parfum ce qui t'as calmee, on a visite le jardin, et parlee aux abeilles, et leur partagees nos souhaits, et la nuit les etoiles ont compris que c'est vers le monde des mysteres berberes qu'on revait d'aller. 

                                                           * * * * * * * * * * * * * * * 

Toutes ces annees plus tard, te voila, face a moi, pour te rendre compte, que la rose du jardin de tes reves et poemes n'est pas morte quand - meme, qu'elle s'etait tout simpelement endormie, que ton exile de Flandes vers les Etats Unis t'a emmenee vers l'Afrique du Nord, qui t'a accompagnee en silence toute une vie, qui savait que ce serait le peuple berbere de la Kabylie qui allait te liberer. 

C'est le regal de la rose, cette rose, qu'est la Kabylie, qui a toujours ete ton amie, ta compagne, ton ame et coeur, quand tu n'en avais plus. C'est le regal de la rose, le regal des peuples Imazighen, qui connaissent la valeur de la resistance, la valeur du courage, qui t'ont protegee depuis ton enfance, qui t'ont appris que la seule facon de proteger la dignite, de sauvegarder l'identite, est de ne jamais, jamais, jamais, abandonner le cri de la liberte. 

Trudi Ralston

L'information sur le texte de la chanson " Mon Amie la Rose " de 1965 de Francoise Hardy, courtoisie de Wikipedia.      

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