Sunday, March 17, 2019

La Sagesse du Chagrin : Un Langage que la Nature Comprend

Cet hiver, vers la fin de fevrier, une tempete inattendue de froid et neige enterrait tout en ville sous un metre de neige. Pendant des semaines de froid continu, la neige durcit en une pate solide comme du cement, et le poids devenait mortel et asphixiant pour les arbustres, les plantes et les arbres. Finalement, la neige se fondait, et revelait beaucoup de plantes detruites, beaucoup d'arbres avec des branches cassees, et beaucoup d'arbres aux racines mortes, afaiblies par une ete seche et chaude l'anee passee. C'etait le pire hiver quant a l'impacte sur la flore que je me rappellais depuis mon arrivee a Olympia il y a 30 ans. Tous les voisins et leurs familles passaient le weekend en train de nettoyer, sortir, couper les branches et arbustres morts, et mon mari avait deja commence de planter des nouvelles fleurs, et c'etait beau de voir des couleurs joyeuses s'ajouter au jardin plein de cicatrices et regrets d'un hiver qui avait eu un fin un peu amer. Les oiseaux sifflaient gaiement, le soleil s'annonceait chaud et doux, et la vue d'un groupe de violettes dans mes coleurs favorites pour elles de blanc et pourpre, me rappellaient les mots de mon oncle Frans, qui etait un artiste serieux et introverte, et de qui j'avais appris a dessiner et peindre quand j'etais adolesente, et qui m'avait aussi introduit a l'existencialisme dans la philosophie et la litterature quand j'avais a peine 16 ans. Il me disait une fois, en toute sincerite : " les violettes sont le sourire des morts, comme disait l'ecrivain et poete Paul - Jean Toulet ( 1867 - 1920 )". Comme j'ai toujours ressenti une affection pour les violettes et leur forme douce et modeste, cette explication sur elles de la part de mon oncle, m'est restee dans la memoire. J'y pense chaque printemps, quand je renifle leur parfum subtil et doux comme du miel, et j'admire les dessins des couleurs de leurs petales veloutes. Apres la mort de ma plus jeune soeur Ludwina en 1998,  et de ma soeur Goedele en 2005, et de mon pere en 2008, les violettes chaque printemps me rappellent que la mort est l'autre cote de la realite qu'est la vie, et qu'il faut accepter les deux avec egale tolerance et respect. Les personnes qu'on aime restent toujours avec nous, le fait qu'elles ne sont plus present dans le sens strictement physique, ne change rien au fait que nos coeurs continuent a les aimer, a les manquer, a les parler, a les voir avec les yeux de nos souvenirs et de notre coeur. J'ai perdu mon pere a la maladie cruelle de l'Alzheimer le 19 fevrier 2008, quand il avait 78 ans. Vers la fin il ne se rappellait pas que j'etais sa fille ainee, mais il etait toujours heureux qu'une " fille gentille " lui avait envoye des pullovers doux et chaud pour l'hiver. Cela me brisait le coeur, qu'il se sentait bien d'avoir l'attention d'une personne qui lui emmenait des cadeaux, qui lui rendaient fier et qui lui amusaient parcequ'il n'etait pas sure " pourquoi cette jeune fille " lui faisait cette gentillesse. Onze ans plus tard, la douleur de ce detail si beau et si touchant me dechire encore le coeur avec ses larmes chaudes de manque et de chagrin.
La sagesse du chagrin, la douceur du temps qui rend tolerable les pertes et les mysteres que la vie nous reserve. Mon pere aimait travailler dehors, dans le jardin. Quand j'y suis, il est toujours avec moi. On se parle, je lui embete avec ses cigarettes qu'il n'arretait jamais de fumer, le trop de cafe qu'il buvait, sa gourmandise pour les chocolats. Il avait un grand sens de l'humour, et il etait un grand raconteur. C'etait sa facon de se detendre, et il avait un charisme naturel. Les petites violettes dans leur pot grand etaient comme un symbole de l'espoir qu'apporte le printemps chaque annee, et qui renouvelait aussi cette conviction, cette energie resurgente de que le destin si existe, et peut etre une force positive et rassurante, grace a l'example et la sagesse que nous laissent ceux qui partent avant nous. Mon pere m'avait laisse la conviction de mes reves, la patience et le courage de poursuivre mes intuitions et passions comme ecrivain et poete. Il etait pres de moi tout le temps, et souvent dans des moment de reves troubles la nuit, c'etait lui qui me consolait, qui me rassurait. Quand le ciel s'illumine d'etoiles, c'est lui que je cherche, et mes soeurs, et cela me calme. Le chagrin, comme l'amour, est un mystere, et les deux ont leur sagesse. La sagesse du chagrin est la sagesse du silence, ce langage qui nous unit avec ce qu'il y a de plus profond dans notre etre, comme l'amour, l'amitie, la charite. Plus qu'on est capable d'aimer, plus qu'on aussi approfondit notre capacite pour le chagrin, et plus qu'on a souffert avec un coeur sans rancune ou ressentiment, plus qu'on approfondit notre capacite pour l'amour. Deux faces de la meme medaille. Un des plus beaux et plus profonds mysteres de la vie sur cette terre.
Trudi Ralston

 Pour Fodil Bousba des Randonneurs des Babors       

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