Thursday, May 16, 2019

Kamel Daoud : Sous le Charme Contraire de la Dualite - Une Reflection sur Trois Tres Petites Revelations

Dans un article publie le 26 avril 2019, dans Le monde des religions, Regard Libre, Kamel Daoud partage une belle exercise poetique, qu'il appelle "Trois tres petites revelations." Ces trois revelations sont : l'eternite n'existe pas, sauf dans les livres et les monuments. Deux : il y a autant de desespoir a ne lire quelques livres qu'a en lire des milliers. Trois : La revolution est comme la passion amoureuse. L'aventure amoureuse est une relegation de la fin, un refus de lire l'avenir, un melange volontaire entre l'insomnie et l'eternite. Trois revelations qui ne sont pas du tout petites, et qui en fait pourraient remplir facilement trois gros livres, et qui imposent avant ca, beaucoup de questions, surement, difficiles et polemiques. Je vois ces trois revelations comme autant un poeme que des revelations, ou declarations, car malheureusement, les livres ont souffert des moments dans l'histoire ou ils etaient brules, et les monuments on les detruit parfois avec une haine terrifiante. Lire juste quelques livres ou des milliers, cela aussi est une interpretation poetique d'une realite bien inegale dans ce monde, et la revolution comme aventure amoureuse, ou il est impossible de faire l'amour et lire a la fois, cette idee aussi peut etre soumise au scepticisme, quoiqu'on ne peut pas lui nier la belle image. Ces trois revelations se lisent comme un reve, un poeme. Il ne faut pas lui interpreter comme le ferait le medecin logiste ses observations methodiques face a la mort. Ce texte a une belle tension, entre un idealisme litteraire, telle que Kamel Daoud la cree brillament dans l'odysee de son roman " Zabor ", et le conflit et angoise politique decrit avec passion et elegance dans " Mes Independances ". Traverser les deux trouve l'auteur Kamel Daoud dans la situation que se trouve la personne debout sur deux chevaux en galop, avec un pied sur le dos du premier cheval, la poesie, et le second pied sur le dos du deuxieme cheval, la politique. Un equilibre precaire, dans les meilleures circonstances, comme en temoignent la vie et les ecrits de Ernest Hemingway, Kateb Yacine, Albert Camus, et Gabriel Garcia Marquez, entre autres. Cette tension, cet amour en conflit, dans le coeur du romancier qui se trouve aussi journaliste, reste intrigante. Cet amour en conflit, cette histoire d'amour entre evasion poetique et passion politique rend a Kamel Daoud a la fois l'acteur sur scene et le metteur en scene de son oeuvre litteraire. Cette tension, toujours presente, donne une vue unique sur l'Algerie.
L'Algerie est un pays immense, a l'histoire grande, difficile, tragique, heroique, au peuple fort, resistant. C'est un pays difficile a resister, un pays, plus que l'on etudie, lui decouvre l'esprit et le coeur, plus qu'on l'aime. Les livres de Kamel Daoud fascinent parceque ses ecrits vivent cette passion difficile avec un abandon stoique qui resiste la seduction et ses vulnerabilites. C'est une lutte emouvante. Kamel Daoud est le chevalier qui a le foulard de soie de son amour noue autour de son bras, quand il part au combat litteraire. Il reve de son amour la litterature, et ne resiste pas le combat, la politique. C'est une torture constante, qui cherche la paix, la resolution, et qui la resiste en meme temps. C'est une position qui exige beaucoup, fatigante, mais aussi exquise, et aussi pleine de risque, pleine de vulnerabilites. L'Algerie fascine. C'est un pays riche en histoire, ou l'histoire s'ecrit encore chaque jour. C'est un pays a l'ame ancienne et a la realite qui se cree, qui s'invente encore chaque jour. Cela donne une resistance unique au peuple algerien, a sa culture, a son espoir, sa generosite, son courage. Le present marche a cote de l'histoire et l'histoire marche a cote du present, dans un pas de deux passionne, hypnotisant. Les livres de Kamel Daoud refletent et se refletent dans ce pas de deux envoutant. Les trois tres petites revelations risquent rendre furieux a certains autant que ravisser a des autres, un trait inevitable des declarations audaces depuis l'Antiquite. Quant a moi, je les vois comme une opportunite d'observer que pour ma part, l'eternite si existe, que le desespoir de lire que quelques livres est beaucoup plus intense qu'en lire des centaines, ou des milliers, et que quant a la revolution, qui exige tout, il est presqu' inevitable de faire l'amour et lire a la fois. Ma point de vue n'est pas importante, ce qui est important est le debat, la conversation, et dans ce sens, comme dans beaucoup d'autres, lire une perspective de la part de Kamel Daoud, est toujours une experience enrichissante, liberatrice. C'est un des traits de sa philosophie litteraire et personnelle que j'admire beaucoup, Kamel Daoud aime inspirer des rencontres et des conversations intellectuelles, et je ne me sens jamais obligee, dans sa presence grande sur le theatre intellectuel, politique et litteraire sur lequel l'auteur algerien se trouve, de m'abdiquer mes pensees ou convictions.
Trudi Ralston     

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