Saturday, October 12, 2019

Le Delire des Fantomes : La Nausee de l'Exile - Quand le Soleil fait plus que Bruler

Le jour s'avait annonce hesitant, froid meme pour debut automne, mais voila qu'arriva le soleil avec les heures de l'apres - midi, chaud, gentil. Je decidais de prendre une pause de mes ecrits, et aller faire une promenade dans le voisinage, avec mon mari, qui finalement se remettait d'un mauvais rhume qui l'avait rendu tres fatigue depuis notre retour d'un mois de sejour au Maroc et l'Algerie. Les rues etaient vides, je disais bonjour au chien de notre voisin, Rex, un beau berger allemand, fort, mais gentil, content d'avoir de la compagnie pour dix minutes, d'entendre une voix humaine, de recevoir quelques caresses, dans son jour long et seul. J'ai beaucoup d'experience avec la solitude, et le chien sentait que ma tendresse envers lui venait du profond de cette experience, qui me permettait de comprendre sa solitude quotidienne. Le ciel etait bleu, clair, mes pas faisaient des echos douces sur le tarmac.  Marchant en silence sous la presence discrete du chant de quelques oiseaux joyeux, je notais une nausee qui commenceait a m'invader. La nausee etait le seul symptome qui ma'vait restee apres le suicide de ma soeur, et la mort tragique de mon pere. Seul dans des moments de stress aggressif, quoique apparemment invisible, la nausee se reintroduiserait, arrogante, exigeante. Ma famille berbere en Algerie me manquait, mes amities au Maroc me manquaient. L'Afrique du Nord duquel j'avais reve depuis mon adolescence, et de qui j'avais finalement franchie les frontieres, me manquait, avec une insistance assez forte que la nausee se manifestait, sans excuse, sans doute. J'etais contente au retour de la promenade que mon fils annonceait que lui et ses amis allaient passer la soiree a la maison. Mon fils Nicholas et son meilleur ami avaient passee part de l'ete au Japon, et le pays leur manquait beaucoup. Au Japon, ils se sentaient chez eux. Les premiers mots que disait Nicholas quand on lui avait accueilli de retour a l'aeroport a Seattle, furent : " I want to go back to Japan ", " Je veux retourner au Japon. " A chaque personne , voisin, ou amitie, qui me demande comment s'est passe le sejour en Afrique du Nord, je dis, spontanement, et sincerement : " Je veux  y retourner, ca me manque profondement, j'y etais chez moi. " Une copine americaine a moi a Olympia est mariee avec un jeune homme algerien d'Oran, et elle aussi depuis ses visites en Algerie, reve tout le temps d'y retourner encore. Un autre ami de mon fils a vecu au Japon, comme enseignant d'anglais, et reve d'y retourner. Ca fait donc 5 de nous, qui se sentent comme des fantomes aux Etats Unis, ce grand pays qui a tout sauf une ame, de qui se vide ce qui en reste aux mains d'une maladie globale de la part de l'avarice et ses esclaves, grands et petits. Cette avarice et ses psychopathes me donnent l'impression d'etre dans le delire des fantomes, ou tout ce qui reste est le corps, mais l'ame n'est plus libre, n'est plus respectee. Je vis aux Etats Unis depuis mon adolescence, et c'est la premiere fois que les jeunes gens eduques veulent quitter ce pays, veulent aller au Canada, en Europe, au Japon, et dans mon cas, en Afrique du Nord, ceci malgre le fait que la vie question politique n'est pas sure du tout, comme est le cas pour l'Algerie. Mais mon ame et coeur y seraient libres, tandis qu'ici ils ne le sont pas. Avec ma famille kabyle, je me sens chez moi, heureuse, moi - meme, comme poete, ecrivaine, amie, femme. Une belle contradiction peut - etre, mais la nausee de la solitude verifie l'exile emotionnelle et culturelle de mon etre ici.
Le delire des fantomes, celui de mon fils et ses amis, celui de mon etre, qui se bat contre la nausee de l'ame et du corps, loin du pays qui m'a accueillie comme membre de sa grande famille amazighe en Kabylie, ou mes poemes vivent et m'attendent, a cote de mon coeur et ses reves.
Trudi Ralston 

" Such is the miraculous nature of the future of exiles : what is first uttered in the
impotence of an overheated apartment, becomes the fate of nations. "
( "Ainsi est l'identite miraculeuse du futur des exiles : ce qui fut dit d'abord dans l'impuissance
d'un apartement surchauffe, devient le destin de nations. " )
Salman Rushdie 


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