Thursday, October 1, 2020

Le Velo au Brouillard - dans la Serie " Le Cahier Errant " dedicacee a Nacer Amari

 L'herbe mouillee a une couverture de toiles d'araignee ce matin, qui trainent sur le vert de son tapis doux comme des couvertures blanches transparentes qui donnent l'apparence de petits sacs a diamants brillants dans la rosee automnale. Mes pas traversent sans bruit le jardin vers les arbres au bord de la foret, ou un ecureuil industriel enterre des noisettes qu'il collectionne de notre jardin chaque ete pour les sauvegarder et pouvoir les ramasser les jours maigres de l'hiver. Sa queue etendue haut au dessus de l'herbe un peu froide, il sautait comme un baillerin bien entraine et sur de sa technique. Il y avait des petits oiseaux autour qui faisaient des sons etouffes comme le font parfois certains jouets mechaniques pour enfants.  De retour vers la maison, je disais bonjour a ma rose rouge, qui comme moi se battait chaque annee contre la melancholie d'automne. Apres toutes ces annees, mon rosier etait comme une amie, comme elle l'etait pour Le Petit Prince d'Antoine de Saint - Exupery. On etait tous les deux des etrangers sur une etrange planete. Le brouillard ce matin etait le resultat d'un vent revenu de l'Oregon et de la Californie, et une fumee qui avait ete dispersee par une pluie abondante la semaine passee qui avait redonnee le ciel bleu clair et les nuages blancs. Ce matin, c'etait encore le retour a un ciel pale gris sans soleil ou chaleur. 

Je pensais a ces matins de brouillard ou je prenais le velo pour aller au lycee. Le brouillard alors etait comme un camarade, silencieux, qui maquillait mes cils en rosee blanche, et c'etait juste le silence du matin en route du village vers la ville, et le bruit rythmique du dynamo de mon velo et de ses roues et de mon souffle, essayants d'arriver a temps a l'ecole. Quelque chose dans le gout du brouillard me disait a chaque fois que le monde artificiel de l'ecole etait loin de la sagesse de la nature, avec ses arbres, ses champs de moutons et de ble, et ses silences d'ombres et lumieres. Dans la nature, meme seule, je ne me sentais jamais seule, tandis qu'en ville et a l'ecole, entouree de personnes je me sentais isolee, invisible. Le brouillard etait comme une presence physique d'une realite et verite de la part de la nature, d'une sagesse qui comprenait le monde illusoir avec lequel l'etre humain s'avait entoure, et ainsi s'avait eloigne petit a petit de toute comprehension du vrai bonheur, de toute chance pour une liberte reelle. L'art dans toutes ses formes est depuis le reveil des civilisations sur cette planete une facon de combattre l'hypnose et le sommeil ou menent les illusions, du pouvoir, de l'argent, de l'arrogance, de l'indifference. La danse, la musique, le theatre, la litterature, la peinture, les artisanats, la resistance au nom de la decence et de la justice et charite, sont toutes des armes puissantes contre le poison de l'uniformite, de l'obeissance fatale a la mediocrite, a l'egoisme, et la lachete. Le monde en ce moment est comme voir un film dystopique mediocre, sauf la realite cruelle est que ce n'est pas un film, c'est la vie telle qu'elle se presente sur terre en ce moment. 

Mes livres et mes poemes sont une facon consciente de combattre ce poison qui infecte nos corps et nos ames, qui rend paralyses a nos coeurs, a nos resistances, et pour moi, l'example de la Kabylie qui refuse d'accepter cette maladie de l'esprit, ce retour vers une cruaute sociale - politique qui domine le monde en ce moment, est une inspiration puissante. Travailler avec les photographes berberes de la Kabylie et partager leurs visons et leur art, leur espoir et energie et passion pour la vie, la beaute, la generosite, la liberte, et l'identite et la dignite, ajoute une mesure grande a ma lutte pour cette meme dignite et liberte, cette faim pour la beaute, la generosite, l'appartenance, le vrai bonheur. Ce matin, ma rose rouge ne me rappelait pas juste au Petit Prince d'Antoine de Saint - Exupery, et a mon esprit un peu seul ici, mais elle m'approchait a la Kabylie, a mes amis et famille berbere, qui chaque jour a nouveau se battent contre le brouillard de l'oubli, de l'indifference, avec courage, avec energie, avec un coeur ou vit la chaleur de la generosite, du respect envers autrui, envers moi et mes efforts de montrer au monde la belle lumiere chaude et riche de la culture berbere qui vit au milieu de ce brouillard depuis des milliers d'annees, sans jamais se fatiguer ou abandonner l'effort et l'espoir. 


Trudi Ralston

No comments:

Post a Comment