Monday, August 10, 2020

L'Heure des Rencontres - Le Cahier Errant - pour Nacer Amari


La lumiere dehors est douce ce matin, de couleur bleue, comme le pullover que je mets quand je m'imagine en conversation sur les arts avec toi. Il n'y avait aucun nuage dans le ciel de qui sa courbe donnait l'impression d'une soie presque transparente, qui donnait envie de la toucher prudemment. Une brise chaude faisait des pirouettes autour des fleurs, et paraissait tapper ses pieds comme un danseur flamenco. Assise sur la veranda, je laissais le soleil et sa lumiere m'absorber comme si j'etais une eponge qui venait de sortir d'une eau froide. C'etait un delice etre dans ce moment de paix, de silence. Au milieu de cette douceur, je notais un chagrin qui commenceait a faire du bruit dans mon coeur, une absence qui me faisait comprendre que c'etait l'absence de toi qui m'embetait. Comment etait ce possible? J'ecris des articles et poemes sur ta photographie, et on partage des idees sur l'art, l'histoire, la condition du monde. Notre amitie est une correspondence, on ne se connait pas en personne. Tu m'es familier a travers des photos de toi, de tes amis camarades et artistes, de ta famille parfois. Pourtant, il n'y avait aucun doute, ce matin, le chagrin que je luttait contre, etait l'absence de toi. Mon oncle Frans et moi partageaient de longues heures de conversations sur l'art - comme il etait peintre, qui m'a appris a dessiner et peindre, comme tu sais - sur la philosophie, la litterature, la sociologie, l'histoire, l'amitie et l'amour aussi, et toutes ses contradictions et aussi certains de ses tabous, et leurs differences, dependants de la culture en question. Ce fut une amitie magnifique, et quand j'ai ete introduite a ta photographie, a ton art et ses perspectives, et a ta personalite et pensees a travers nos conversations en ligne, et mes articles et poemes sur ton art et les echanges de conversations entre nous, c'etait comme me trouver a nouveau face a Frans, car tu as beaucoup de sa personalite calme, patiente, ouverte, charitable, beaucoup de son intelligence creative. Pour la premiere fois en 40 ans, je me trouvais comme poete, comme ecrivaine qui avait trouvee sa liberte et joie litteraire en Kabylie, dans l'art de ses photographes berberers, face a un photographe berbere qui me permetttait etre dans une espace intellectuelle, culturelle, artistique qui m'avait definie les nuances, gouts, perspectives, passions comme jeune femme et futur ecrivaine et poete. Le nom et l'art de Nacer Amari m'est devenu aussi agreable et intrigant que le fut l'art de mon oncle Frans De Cauter quand j'etais adolescente. Ta photographie a des elements specifiquement berberes, et des elements qui montrent une tolerance et interet pour certaines influences de l'art de l'Europe, ce qui me fait me sentir plus relaxe quant a mes propres melanges d'influences culturelles, ayant quitte l'Europe a l'age de 19 ans pour les Etats Unis. Un des defis les plus insistants comme personne, comme ecrivaine et poete, avant de me trouver sur les rives de l'Afrique du Nord, de Algerie de la Kabylie, fut une interminable, epaisse isolation et solitude. La Kabylie a brisee les murs de cette prison avec determination et passion, comme en temoignent mes livres de prose et poemes dediques a sa nature, son histoire et ses artistes, depuis 2017. Il y a un film americain de 2000, avec l'acteur Tom Hanks " Castaway ", " Naufrage ", qui est l'histoire d'un homme qui est le seul survivant d'un accident d'avion en Malasie, qui lui laisse seul sur une ile, pour plusieurs annees, avec son seul compagne, un volley - ball sur lequel il a dessine un visage. Il parle au volley - ball, qu'il donne le nom de Wilson, pour le nom de la compagnie estampe sur le volley - ball. Quand il perd a " Wilson " dans une tempete, il pleure, et s'excuse a " Wilson " pour ne pas avoir reussi a le " sauver " du " noyage ".  C'est une scene qui dechire le coeur pour la veracite de la part de l'acteur quant a ses emotions, qui expriment un niveau de solitude que pour la plupart seulement les enfants sont capables de comprendre. Je peux dire honnetement, que j'ai vecue des moments de solitude de pareille intensite. Jusqu'a aujourd'hui, j'ai une hyper - sensiblilite envers les animaux de pluche, dont j'ai toute une " famille " et que j'arrange de facon qu'ils ont toujours un " ami " pour le traume me laissee d'une solitude si intense que voir un animal de pluche seul dans un magasin etait plus d'une fois la raison de l'acheter pour en finir de la peine de le voir " seul ".  Si je ne l'achetais pas, je le mettais avec d'autres jouets et animaux de pluche. Dans ma defense, dans beaucoup de cultures avant leurs brutalisations coloniales, comme dans les cultures amerindiennes, les poupees ont souvent une signification spirituelle, comme les Kachina de la culture Hopi du sud - ouest des Etats Unis, aussi dans beaucoup de cultures de l'Afrique et de l'Asie, qui se manifeste aussi dans des danses rituelles associees avec la magie et la nature. Ton amitie me fait affronter certaines des melodies qui resurfacent de temps en temps de ces annees que la rencontre avec la Kabylie et ses artistes et sa nature a su finalement faire disparaitre, et me permet revisiter la periode de bonheur tranquil et decisif qu'a donnee mon amitie et apprentissage au studio de mon oncle Frans. Ce matin, je m'imagine que tu es ici au jardin, et qu'on partage un cafe ou the, et qu'on partage le silence et les oiseaux et fleurs du jardin, et une conversation animee sur l'art, la photographie, la philosophie, la culture, la Kabylie, l'amitie, peut -etre aussi l'amour et ses eternels contradictions, l'ecologie, la socologie, le monde frustrant de la politique. Ce qui est interessant, c'est que a l'epoque Frans avait 53 ans, et moi 16 ans, et mainteant dans notre amitie , c'est un peu l'envers, toi tu as environ 38 ans, je pense, et moi, au moins 20 ans de plus de ton age dont je ne suis meme pas sure, mais cette difference parait completement sans importance dans le contexte de notre amitie et collaboration professionnelle. Interessant que c'est ton attitude calme qui me rapelle mon oncle majeur que moi en age, et que dans ta presence je me sens avec toute l'enthousiasme me restee de mon adolesence, qui en fait m'est presente a nouveau depuis mon introduction a l'Algerie, a la Kabylie. Mon oncle Frans m'a introduit a la poesie de Rainer - Maria Rilke, comme tu sais, un poete qui avait une amitie et relation proche intellectuelle et personnelle tres importante avec Lou - Andreas Salome, la psycho - analyste et ecrivaine russe renommee, malgre 14 ans de difference entre leur ages, comme Rainer - Maria Rilke etait ne en 1875, et Lou Andreas - Salome en 1861. L'harmonie entre ton art et ce que m'apprend et permet revisiter et comprendre ton amitie, est une tres belle experience, pour laquelle je suis tres reconnaissante. La double joie, la double energie de comprendre une part de moi qui reste important, dans un contexte de l'art d'un artiste berbere, quand c'est la Kabylie qui m'a reveillee et animee ma muse et ses passions comme poete et ecrivaine, reste un regal inestimable dans un voyage de retour a une identite qui etait longuement naufragee, longuement invisible, effacee. Que je ressens envers toi une tendresse  profonde, qui me permet guerir une peine qui remonte a mon enfance, que tu toleres tel le ferait un oncle gentil, ou un cousin patient, en meme temps que je ressens un respect et interet et fascination profonde pour l'art de ta photographie, me remplit le coeur avec fierte autant qu'humilite. Comme Rainer - Maria Rilke qui le considerait sacrale, ton amitie me protege les solitudes, autant que ton art unique amplifie mes horizons intellectuels - culturels avec ses perspectives riches et inattendues. 

Trudi Ralston 

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