Friday, August 21, 2020

Une Question de Pluie - dans la serie " Le Cahier Errant - dedique au photographe Nacer Amari

La fin de l'ete s'approche vite, le froid du matin le dit clairement, avec l'arrivee d'une pluie abondante ces derniers jours, une pluie riche, parfumee aux senteurs des fleurs et leurs couleurs. Du coup, le ciel et sa belle lumiere azure se lave dans un gris aquarelle monochrome, qui chante des notes de melancholie, de reflections un peu tristes. Dans ma tete, j'entends la voix puissante de Pepe de Lucia, le frere du genie de la guitare flamenco. L'energie de la danse et des rythmes du flamenco fascine pour le contraste entre la passion optimiste des sons, et la tristesse des mots des cantos gitanos, qui parlent d'amour frustre, perdu, de defis et difficultes de la vie. Les lamentations intenses, viriles de chanteurs dans l'ensemble de Paco de Lucia reverberent dans ma tete et dans mon coeur ce matin de pluie, qui elle aussi parait se plaindre avec ses gouttes d'eau des larmes, celles d'elle, des chanteurs, et les miennes, reprimees, invisibles. Ma Kabylie me manque ce matin, mes amis me manquent, tu me manques, et la pluie chante sa melodie ruisselante sur l'herbe du jardin, avec un echo joli comme de la soie d'une grande robe d'argent liquide, chaude. Pendant mon petit dejeuner, dans ma tete, j'etais en conversation avec toi sur la Kabylie, sur l'art, sur la photographie, sur la musique, sur la condition du monde, comme si tu etais ici, et je te sirvais le cafe et le pain doux du matin, avec du fruit, du miel. Quand j'etais au lycee en Belgique, je prenais le velo et le train pour arriver a l'ecole, et l'automne quand arrivait la pluie, tout en ville devenait un gris monochrome, laissant en arriere plan, les couleurs verts des champs du village. Souvent je m'arretais pres du champ d'un voisin qui avait des moutons, pour leur dire bonjour, et me plaindre sur la laideur de la ville grise, ou les visages des gens aussi etaient gris, c'etait comme si les gens avaient peur de sourire, comme si le geste de sourire, de dire bonjour allait les faire rendre conscient de leur solitude, de leur impuissance comme robots en route vers un autre jour dans la machine industrielle. Des pensees lourdes pour une fille de 16 ans, mais rien a faire, ainsi etait construit mon ame, mon coeur, qui s'occupait a lire a Rimbaud, a Gibran, a Tagore, sur le train en route vers mon ecole catholique dans mon uniforme de couleurs  gris, bleu fonce et blanc. Vive l'anonimite, vive le conformisme... je pensais toujours avec mepris. Je me rappelle la colere de l'institutrice de francais, quand j'ecrivais une histoire d'amour entre une jeune fille, moi, c'etais insinuee, et un beau jeune homme indien Iroquois, quel scandale, j'ai meme du changer d'ecole. Mon ame etait nee rebelle, c'est peut - etre une des raisons que je me sens si bien dans la culture berbere. Question de pluie, question de peau.  Voila que me reviens le sourire, partageant ces souvenirs, ces memoires, qui petit a petit rend la pluie ici et ses melodies plus agreables, plus joyeuses. Dehors, la force de la pluie, vu de la porte ouverte de la cuisine, fait deja tomber les feuilles du cerisier, l'ete passe toujours vite. La vie et ses belles chansons aussi, cet article pour mon livre " Le Cahier Errant " parait le parfum de mon flacon ou je garde les beaux moments d'espoir, de joie, de memoires, pour les partager, les revivre comme le font les notes d'une chanson une fois ecrite. En Kabylie, j'ai trouvee le chemin de retour vers mon ame, vers mon coeur, vers les melodies de ma poesie, vers mes passions intellectuelles, et comme est douce la douleur de la manquer, ici, ce matin, avec la pluie, qui sont les larmes que je suis trop fiere pour verser, et que je transforme dans ces mots que je t'envoie, ce canto gitano, d'ici a Olympia, avec ses belles forets, qui ont tout, sauf les maisons et ta maison en Kabylie, avec sa fenetre ouverte ou les oiseaux de mon jardin puissent partager leurs chansons avec les oiseaux qui te reveillent et te font le concert le soir, et je dedique avec eux cette chanson a ta fenetre ouverte a Aokas, dans ce beau pays grand qu'est l'Algerie :

Une Question de Pluie

Apprends - moi a vivre si loin du soleil et des montagnes de la Kabylie, apprends - moi a ne pas manquer ma famille berbere, leur chaleur de coeur, leur joie de vivre et leur courage. 

Apprends - moi, mon camarade, a ne pas manquer nos promenades d'ame a ame, apprends - moi comment trouver le chemin vers ta fenetre ouverte, quand la lune est absente.  

Apprends - moi de tolerer cette absence, de transfomer cet amour dans un grand ciel bleu que je porte comme un immense manteau qui me protege et garde. 

Apprends - moi de croire que la guerre qu'est cette pandemie ne va pas durer au - dela du temps qui passe, je veux embrasser ma famille berbere, je veux partager ma joie, mes poemes en personne, tout pres de leurs sourires et la lumiere dans leurs yeux qui parlent de fierte et resistance. 

C'est une question de pluie, c'est une question de retrouvailles, apres un long voyage que j'ai pensee ne se terminerait jamais, pour trouver sur les rives de l'Algerie, en Kabylie, ma maison qui m'attendait depuis mon enfance. 


Trudi Ralston 

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