Wednesday, September 16, 2020

Le Geste - dans la serie " Le Cahier Errant "

La fatigue est un phenomene interessant, parfois c'est quand on a travaille tard, et pour longtemps, comme cela m'arrive souvent avec mes articles et poemes, qu'on voit clair dans nos pensees, nos reves et aspirations. Avec la fumee ici, des incendies de la Californie et de l'Oregon, qui heureusement commence a se dissiper lentement, l'air ce soir au jardin etait presque libre du gout de soufre. Depuis mon adolescence, la fatigue a parfois cet effet de clarte, qui permet ces moments rares de comprehension, de vue comme a travers un miroir, qui avec une image revele ce qui etait cache, inivisible pour des annees, ou toute une vie. La reflexivite que me permettent les photos artistiques, leur silence, leur esprit tranquil, me fait rappeler mes premieres intuitions envers la poesie, l'ecriture, vers un sens de dedoublement quant a mes interets intellectuels et creatifs. J'etais une adolescente isolee, timide, qui revait de connectivite, de pouvoir partager sa passion pour les livres, les poemes, le voyage, le mystere de la vie. Cette faim me trouvait seule la plupart du temps, avec comme seule exception les moments et heures en compagnie et apprentissage de mon oncle artiste Frans, sinon c'etait moi avec mes carnets et stylos pour creer mes poemes et dessins d'oiseaux et nuages, et fleurs. Ce matin, dans la brume grise muette, je me suis rappelee un moment ou cette solitude intellectuelle m'etait enlevee, pour me sentir unie a la nature du jardin a la maison de mon enfance en Belgique. Les arbres me disaient qu'ils comprenaient mon interet en Rimbaud, Verlaine, Alain - Fournier, Tagore, Joseph Kessel, meme a 14 ans. Mon pere comprenait, ma mere m'en meprisait, et moi j'etais entre les deux, incertaine, avec un desir profond de m'enaller, de disparaitre dans des aventures d'autres cultures et horizons. Ce qui est depuis l'age de 19 ans mon destin, ma route dans cette vie. En Algerie, en Kabylie, cette necessite d'ame et de coeur si longuement perdue, a retrouvee sa voix, sa liberte. Me trouver face a cette fenetre ouverte me permet d'entendre, de comprendre les melodies si longuement egarees, oubliees, c'est comme se reveiller apres un sommeil d'oubli, et se realiser qu'on a encore l'ame et le coeur intact, en vie. C'est se trouver face a l'alphabet de son ame qui etait devenu incomprehensible, et de le comprendre a nouveau, finalement, et comme c'est la Kabylie qui m'a donnee cette grace et ce bonheur a mon ame et coeur de poete, c'est peut - etre pour cette raison que la musique et la voix kabyle me trouvent si emues, parceque elles me touchent le fond du coeur, et y evoquent les poemes endormis pour toute une vie, pour tants d'annees, ce qui m'a inspire ce poeme en celebration, en reconaissance :

Le Geste 

Parfois, on a de la chance, meme si cela prend cinquante ans, de se trouver face au moment ou tout a commence, ou tout s'est arrete. 

Parfois, toutes ces annees de solitude, de silence, sont interrompus par la note accueillante d'un mot, d'un regard, d'un geste qui est la cle qui ouvre le portail vers la tendresse, vers la dignite, vers la liberte. 

Parfois, toutes les angoisses, tous les doutes, toutes les tristesses enterrees il y a si longtemps, deviennent la racine forte de la lumineuse fleur que ce moment de generosite permet de s'epanouir. 

                                                              * * * * * * * * * * 

Ce geste de grace de se trouver face a l'ame, qui voit dans notre esprit la reflection de son propre coeur, qui reconnait la melodie et les mots qui nous accompagnent et guident sur le voyage de la vie.  

Ce geste, doux comme une aile de colombe, legere comme la brise fraiche de la mer en ete, qui touche mes poemes et chansons, et y laisse une invitation au dialogue de l'amitie, au danse de l'espoir, au langage qui dit : je comprends l'incontournable besoin d'accepter le mystere qui nous separe, qui nous unit. 


Trudi Ralston 

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