Ce matin, ce fut une surprise d'une joie presque enfantine dans son innocence : le ciel, apres deux jours et nuits de pluie incessante, avait des taches bleues, et quelques timides nuages blancs. Apres les semaines d'angoisse avec la fumee dense qui etouffait le soleil qui se paraissait a un orange colle maladroitement sur le papier gris du ciel, ce fut un moment de soulagement et d'espoir. Les oiseaux sont de retour au jardin, comme c'est agreable d'entendre a nouveau leurs conversations animees, et de sentir la brise a nouveau avec un gout frais qui fait plaisir aux poumons fatigues de l'odeur asphixiante de soufre. L'espoir est si ephimere dans le monde en ce moment, et pourtant l'espoir est l'energie, la force sans laquelle le courage ne bouge pas, ne risque pas. Les arts souvent sont l'univers d'ou partent en courageux voyage les artistes d'ame, de coeur, pour mettre sur la scene les verites qui luttent pour la survie, pour une voix, pour une presence, pour la lumiere qu'essaie de se devorer le noir du mal et tous ses fantomes. L'ecrivain russe Aleksandr Solzhenitsyn ( 1918 - 2008 ) qui a dans sa vie fait un effort enorme pour mettre en lumiere les horreurs du systeme gulag des camps de concentration pour tous les intellectuels et toutes personnes qui osaient critiquer le gouvernement en Russie, ou il avait passe beaucoup d'annees comme prisonnier, a fameusement dit : " Le mensonge ne sait se deguiser que par la violence, et la violence ne peut se cacher que derriere le mensonge. " Ce qui parait etre une synthese du monde en ce moment, dans bien trop de pays. Dans des temps de crise, la communication devient tres importante, et sous l'angle d'angoisses et realites qui se trouvent a l'envers a cause de doutes, d'incertitudes, comme avec cette pandemie, les arts et leurs expressions souvent doivent se reinventer pour survivre les circonstances. Il y a beaucoup d'espoir dans une perspective qui se dedique a celebrer ce qui nous unit comme etres humains, au lieu de s'obseder avec ce qui nous separe, comme membres de differentes cultures, differentes histoires. Les ecrits et poemes de Rainer - Maria Rilke ( 1875 - 1926 ) fascinent encore pour leur interet dans l'esprit d'universalite que chercheait a celebrer son art. Mes articles et poemes pour cette serie du " Le Cahier Errant " que je dedique a ton art et ton esprit, ont comme but d'illuminer exactement cette philosophie de l'espoir, cette determination de celebrer ce que peut unir la photographie d'un artiste berbere en Algerie, et les ecrits d'une poete flamande aux Etats Unis. Le lien s'est introduit avec une photo d'une fenetre ouverte de ta part, une fenetre de ta maison en Kabylie, de qui sa lumiere arrive jusqu'ici, au jardin et le ciel bleu et les nuages blancs que cette perspective ouverte m'apportee pour mes poemes et articles que j'ecris ici a Olympia. Cet esprit de communaute entre artistes m'a inspiree l'idee de commencer de faire des broderies a base des photos des artistes photographes kabyles avec qui je travaille depuis 2017, et m'a inspiree l'idee pour une broderie avec le titre " La Fenetre Ouverte " qui a comme centre la photo de la fenetre ouverte chez toi, et qui est entoure de symboles berberes et de symboles qui viennent de ma poesie et ses voyages. Le courage du partage intellectuel - artistique au - dela de frontieres, au - dela de differences qui sont une chance d'apprendre, de comprendre, est une merveilleuse facon de combattre le mepris, la haine et le racisme politique et sociale qui tourmentent l'humanite en ce moment. Faire un effort conscient de s'ouvrir le coeur et le talent pour inclure, pour faire honneur, pour apprendre, pour aimer ce qu'a a offrir une autre culture va sauver la terre. Le coeur ouvert des artistes en Algerie m'a sauve mon coeur et esprit de poete, avec la decouverte d'une culture riche, profonde, de la part d'un peuple genereux et courageux, qui m'a accepte comme une membre de sa grande famille berbere. Rainer - Maria Rilke encourage l'esprit creatif libre, grand, inclusif et dans le coeur accueillant de l'Algerie je trouve une reserve inepuisable de camaraderie, de resistance, d'amitie et d'amour, qui savent surmonter, vaincre, avec immense courage et determination tous les defis qui depuis des milliers d'annees se mettent sur le sentier de la culture berbere. Le journal qu'est cette serie du " Le Cahier Errant " est une celebration de ce qui unit, ce qui vaut la lutte pour la survie de l'art, de l'espoir, de la dignite, de l'identite, au milieu de ce mystere souvent agacant et frustrant qu'est l'existence et la condition humaine. Je dedique ce poeme a ma grande famille berbere, aux artistes kabyles avec qui j'ai le bonheur de travailler, et je le dedique au courage de ton art et de son esprit de partage, d'amitie berbere inclusive :
Page Blanche
Tous les mots qui s'annoncent quand mes pensees te visitent, quand nos mots se rencontrent, comme des oiseaux messagers d'un conte longuement oublie, se trouvent toujours sur une page blanche, ou se mettent a danser toutes les couleurs de la lumiere, toutes les notes d'une chanson joyeuse.
Entre les espaces des lettres, des mots qu'on echange, il y a ces nuances, qui voyagent entre les phrases, entre les pauses, en pantomime gentille, un peu timide, un peu ivre.
Les petales d'une fleur sont douces, sont fragiles, et font oublier souvent la racine, qui humilde, attend dans le silence pour se reunir avec la rose qui est tout son bonheur.
Comme une aquarelle peint avec patience, sur une page blanche, le temps attend et tolere la sagesse exigeante, que doivent obeir les coeurs qui savent que c'est entre les espaces des mots que chante le courage, que reve l'espoir.
Trudi Ralston
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